Nul ne sait le sort que réservera à la Marine nationale la prochaine édition du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, dont les travaux préparatoires viennent d’être lancés. Ce qui est certain en revanche, c’est que le monde maritime tiendra une place de plus en plus importante dans les affaires de défense et de sécurité.
Mais, pour le moment, la Marine nationale doit supprimer 6.000 postes entre 2008 et 2015, pour atteindre un effectif de 37.000 militaires, 3.000 civils. Un tiers de cette déflation doit être théoriquement compensée par des équipages moins importants devant armer les Frégates Multimissions (FREMM), lesquels seront mises en oeuvre par une centaine d’hommes et de femmes contre 350 actuellement.
Aussi, quand les engagements de la Marine nationale augmentent significativement, comme c’est le cas en 2011, avec une hausse de 12% de l’activité de ses navires, des tensions apparaissent. En moyenne, 3.170 marins ont été mobilisés pour des opérations extérieures au cours du premier semestre.
Le groupe aéronaval, constitué autour du porte-avions Charles de Gaulle, a ainsi été engagé dans l’océan Indien (mission Agapanthe) avant de repartir, à peine revenu à Toulon, pour les côtes libyennes. Les Bâtiments de projection et de commandement (BPC) ont été particulièrement sollicités, de même que les avions de patrouille maritime Atlantique 2.
La Marine nationale a également pris sa part à l’opération Atalante, laquelle vise à lutter contre la piraterie qui sévit au large de la Corne de l’Afrique, à lutte antiterroriste dans le Sahel, en mobilisant jusqu’à trois Atlantique 2 et un Falcon 50M, à la mission Licorne, en maintenant des moyens amphibies près des côtes ivoiriennes, sans évidemment oublier l’affaire libyenne, dans laquelle elle a engagé 29 navires différents.
En outre, et dans le même temps, la Royale a assuré d’autres missions, comme la dissuasion nucléaire, avec ses 4 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), la lutte contre contre le trafic de drogue, et avec quelques gros succès à son actif, la police des pêches (3.000 bateaux contrôles, 50 déroutés), la recherche et le secours en mer, avec 400 personnes sauvées, et l’assistance aux navires en difficulté.
Aussi, d’après l’amiral Bernard Rogel, le chef d’état-major de la Marine nationale (CEEM), invité à s’exprimer devant la commission Défense de l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de finances 2012, ce « fort engagement a conduit à arbitrer entre les opérations ». Et de préciser que « toutes les demandes, notamment certaines prévues par le contrat opérationnel de la marine n’ont pu être honorées ».
S’il s’est félicité d’être à la tête d’une marine de « premier rang », l’amiral Rogel a néanmoins affirmé que son « format (…) est aujourd’hui juste suffisant pour répondre aux ambitions de défense et de sécurité de notre pays ».
Ainsi, le CEMM a déploré « l’interruption de la présence d’Atlantique 2 en Océan indien suite aux déploiements au Sahel puis en Libye, alors que la piraterie ne faiblit pas, l’absence de SNA en Atlantique pendant quatre mois, la réduction de la présence en Océan indien à un seul bâtiment de surface à compter du mois de juin, le gel de la mission Corymbe dans le golfe de Guinée en juillet 2011 ainsi que l’annulation de deux missions sur quatre de lutte contre le narcotrafic en Méditerranée. »
En outre, une tension « extrême » est apparue au niveau des moyens de soutien pour maintenir la disponibilité des forces. « A peine trois mois après le début des opérations, les taux de prélèvements de pièces sur les bâtiments avaient augmenté de 300 %, la permanence d’une frégate de défense aérienne de type Horizon en état opérationnel a, en pratique, nécessité la mutualisation d’équipements entre les deux frégates (32 prélèvements mutuels sur des composants majeurs comme les conduites de tir, le radar de veille aérienne et la propulsion) » a expliqué l’amiral Rogel.
Par ailleurs, le CEMM a indiqué aux députés que le taux de diponibilité des avions de l’aéronautique navale, qui est d’environ 50%, « peine à se redresser ». Enfin, cette audition aura permis d’apprendre qu’il n’a pas été possible de tranférer en mer des missiles SCALP car ces derniers sont trop lourds pour les hélicoptères de la Marine nationale. D’où le recours à la coopération pour armer les Rafale du Charles de Gaulle avec cette munition.