La Lettonie, élève modèle de l’Union européenne avec des taux de croissance à faire pâlir ses voisins, s’apprête à adopter l’euro le 1er janvier, imperturbable face à une opinion publique réticente.
Ce pays balte de 2 millions d’habitants deviendra le 18e membre de la zone euro et le 4e pays ex-communiste de l’Europe centrale et orientale à adopter la monnaie commune après la Slovénie en 2007, la Slovaquie en 2009 et l’Estonie en 2011. La Lituanie voisine devrait suivre le mouvement en 2015, les trois pays baltes - trois anciennes républiques soviétiques - seront alors tous dans l’euro.
Avec une hausse annuelle de son PIB de plus de 5% en 2011 et 2012, la Lettonie, membre de l’UE depuis 2004, caracole en tête du bloc des 28 et devrait continuer en 2013 avec une croissance de plus de 4%. Mais elle a payé le prix fort pour redresser ses finances et se plier aux critères de Maastricht, avec une cure d’austérité drastique pour s’extirper de la plus profonde récession au monde, ayant entrainé une chute de son PIB de près d’un quart en 2008-2009.
Un Letton sur cinq soutient le passage à l’euro
Aujourd’hui, le Premier ministre Valdis Dombrovskis fait valoir que l’adhésion à l’euro aidera l’économie lettone en facilitant les échanges et en renforçant la confiance des investisseurs. Mais il peine à convaincre ses compatriotes qui redoutent que l’abandon de leur devise nationale, le lats, ne provoque une flambée des prix. Seulement 20% des Lettons soutiennent le passage à l’euro et 58% y sont opposés, selon les sondages.
Passage en douceur ?
Le ministre letton des Finances, Andris Vilks, assure que le passage à l’euro va se faire en douceur. "Je ne pense pas qu’il y aura des problèmes importants. Nous avons beaucoup appris de l’exemple de l’Estonie où les prix n’ont augmenté que de 0,2% ou 0,3%", lors de l’adoption de l’euro en 2011, a-t-il déclaré récemment à la télévision.
Mais les prestataires de services sociaux ne se montrent pas aussi confiants. "Notre département des finances est préparé. Je pense qu’il faudra trois ou quatre mois pour mesurer l’impact, mais nous avons des plans pour aider les gens - en particulier les personnes âgées - s’il y a des problèmes", dit à l’AFP Diana Indzere, chef des services sociaux dans la petite ville de Sigulda, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Riga.
Leonara Timofejeva, 56 ans, qui habite avec son fils de 25 ans près du village de Krivi au nord de Riga, fait partie de ceux qui estiment que l’euro ne va pas rendre la vie plus facile. "Tout le monde s’attend à ce que les prix augmentent en janvier", dit-elle à l’AFP. Elle avoue ne pas s’habituer à l’affichage des prix en euros et en lats, obligatoire depuis octobre. "Je pense aux prix en lats, alors quand je vois le prix du lait en euros, ça me semble cher", dit-elle, sachant qu’un euro s’échange pour 0,7 lats.
Leonora assure l’entretien des tombes du petit cimetière local et gagne le salaire minimum (284 euros par mois). Son fils, Arkadijs, vit de petits boulots. Pour lui, l’adoption de l’euro n’est qu’un exemple de plus des changements subis par la Lettonie depuis l’effondrement du bloc soviétique en 1991. "Depuis que je suis né, ce sera la quatrième fois que nous changeons de devise (le rouble soviétique, le rouble letton, le lats et l’euro). J’espère que l’euro va durer, mais qui sait, peut-être qu’il va falloir à nouveau en changer un jour", commente-t-il.
Leur voisine, Anita Dabola, 62 ans, qui habite avec sa famille dans une petite maison de bois, est plus positive. "Tout ce qui peut nous rapprocher de l’Ouest est une bonne chose", dit-elle, faisant allusion au grand voisin russe.
"Les pays baltes se souviennent qu’ils étaient occupés par l’Union Soviétique il y a à peine plus de 20 ans, donc tout ce qui peut les éloigner de cela est perçu comme un énorme avantage. Ils font tout ce qu’ils peuvent pour se rapprocher du coeur de l’Union européenne, afin d’éviter toute répétition de l’histoire", explique à l’AFP Witold Orlowski, analyste de PricewaterhouseCoopers.
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