Le gouvernement doit présenter son plan de lutte avant les municipales. Mais entre la flambée du phénomène, l’impréparation et le cloisonnement des administrations et le risque de stigmatisation des musulmans, la tâche s’avère délicate.
Que faire ? Alors qu’Emmanuel Macron estimait en octobre, après l’attentat de la préfecture de police, que le combat contre le communautarisme constituait « une lutte essentielle », l’exécutif recherche activement un dispositif pour contrer ce phénomène. L’ampleur du chantier est énorme – les signaux d’alerte se multiplient sur la montée de l’influence islamiste dans de nombreux quartiers, mais aussi dans des secteurs comme l’éducation, le sport ou la santé.
Face à cela, les administrations semblent désarmées.Et le risque de stigmatiser les musulmans de France complique la tâche. « Le plan n’est pas ficelé, mais il sera prêt avant les élections municipales », promet-on à l’Élysée, sans craindre d’être accusé d’électoralisme.
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La DGSI a listé 150 quartiers sous l’emprise de l’islam radical
Le 5 janvier, après l’attentat de Villejuif, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a adressé un télégramme aux préfets pour leur demander de réunir les GED (groupes d’évaluation départementaux). La DGSI vient de cartographier les quelque 150 quartiers « tenus » selon elle par les islamistes : un document classé secret-défense, qui n’a pas été divulgué, à l’exception de l’Intérieur, même aux ministres intéressés. Lesquels se voient présenter le document oralement par un fonctionnaire assermenté, tant le sujet est sensible…
Outre les banlieues de Paris, Lyon et Marseille, depuis longtemps touchées par le phénomène, y figurent plusieurs cités du Nord : entre autres Maubeuge, où l’Union des démocrates musulmans français (UDMF) a atteint 40% dans un bureau de vote et où « la situation est alarmante » ; l’agglomération de Denin ; ou encore Roubaix, où, « bien qu’historique, la situation prend des proportions inquiétantes », selon un préfet. Mais aussi des zones plus inattendues, comme en Haute-Savoie ou dans l’Ain, à Annemasse, Bourg-en-Bresse, Oyonnax ou Bourgoin-Jallieu. Encore plus surprenante, « l’apparition de microterritoires qui se salafisent dans des zones improbables », poursuit ce préfet, comme Nogent-le-Rotrou, en Eure-et-Loir.
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Le risque de stigmatisation n’est jamais loin
Dans la continuité, c’est la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, qui a signé, le 10 janvier, une « circulaire relative à la protection de la laïcité et à la lutte contre la radicalisation et le communautarisme », accompagnée d’une fiche pratique récapitulant la palette des qualifications pénales que les magistrats peuvent utiliser. Parmi les angles d’attaque, « l’égalité entre les femmes et les hommes » : « Il importe que la politique pénale sanctionne les infractions d’outrage sexiste observées dans certains quartiers dans lesquels certains prétendent dicter aux femmes la façon dont elles devraient se comporter et s’habiller », recommande le garde des Sceaux. Encore faut-il que ces cas de discrimination visant les femmes, ou les femmes non voilées, soient transmis à la justice…
Elle attire aussi l’attention des procureurs sur les « phénomènes dits d’évitement scolaire, à la faveur du fonctionnement d’écoles hors contrat ou d’enseignements en ligne, susceptibles de constituer autant de vecteurs alimentant les fractures communautaristes ». En cas d’enseignement non conforme à l’instruction obligatoire, « la fermeture de l’établissement scolaire en infraction apparaît tout à fait opportune », est-il recommandé
Mais dans le domaine scolaire, où le ministre Jean-Michel Blanquer campe sur une laïcité ferme, le risque de stigmatisation n’est jamais loin. Maryvonne Caillibotte, procureure de Versailles, résume :
« Il nous faut savoir faire la part des choses entre une contestation des valeurs républicaines, avec la mise en place d’une contre-société basée sur un texte religieux, et l’exercice libre et respectable d’une religion. » Avec un écueil juridique : « En réalité, quand on parle de communautarisme, on ne parle pas des religions, mais de l’islamisme, note un responsable policier. Et en droit français, ce n’est pas possible de traiter uniquement de l’islamisme. »
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Rougier chez Bourdin le 17 janvier 2020 :