Dans un document dont nous avons eu connaissance, la Cour des comptes dénonce les conditions dans lesquelles est mené le projet de tranfert du ministère de la Défense sur un nouveau site à Balard (Paris, XVème).
Intitulé "la gestion des problèmes immobiliers de l’adminstration centrale du ministère de la défense", daté du 1er juillet 2009, ce rapport est un "relevé d’observations provisoires" qui n’a pas encore reçu "les remarques des organismes contrôlés", en l’occurence le ministère de la Défense. Il éclaire toutefois d’un jour très critique la manière dont l’affaire est menée, décrivant, entre les lignes, ce qui ressemble au fait du Prince.
Les critiques des magistrats de la Cour des comptes portent sur cinq points (c’est nous qui soulignons) :
1) "Le projet ne présente aucune continuité avec la planification immobilière du ministère telle qu’elle avait été ébauchée antérieurement".
2) "Le processus de décision a été mené avec une particulière rapidité, ce qui explique l’actuel avancement du projet, mais aussi certaines anomalies de processus".
3) "La cible de l’effectif à intégrer au futur ministère et son périmètre administratif ont été fixés a priori, alors que l’état-major des et le ministère n’avaient pas encore achevé leur réflexion sur leur réorganisation.
4) "Le choix du site s’est fait en début de procédure sans examen approfondi des solutions alternatives".
5) "Le mode de financement a été également décidé très en amont dans la procédure sans que son impact futur sur les dépenses de l’Etat ait été exactement mesuré".
Arrêtons sur deux points : le choix du site et le financement.
Le site : "Le site de Balard a été choisi sans qu’une étude comparative approfondie ait été menée au préalable" lit-on dans le rapport. "Les autres possibilités évoquées sont éliminées, soit faute de droit à construire (Vincennes, Saint-Germain-en-Laye, Arcueil), soit en raison de leur éloignement relatif (Villacoublay, Satory). Dans le cas où l’absence de droits à construire a été tenue pour un argument décisif, il n’a pas été examiné si pour un projet d’une telle ampleur et d’intérêt national, cet obstacle pouvait être levé. S’agissant de Villacoublay, les servitudes aéronautiques sont évoquées comme un inconvénient, alors que l’héliport d’Issy-les-Moulineaux est à proximité immédiate du site de Balard. (...) Pas davantage n’a été envisagée l’hypothèse d’un resserrement des éléments de direction sur le site de l’Ilot Saint-Germain et de ses annexes (Saint Thomas d’Aquin et rue de Bellechasse), dont le corollaire aurait été un effort plus important de réduction des effectifs et de délocalisation en province."
Le financement, par un partenarait public-privé (PPP). Deux études ont été réalisés par le cabinet Deloitte-Iosis-Eversheds (8 juillet 2008) puis par le cabinet Landwell et Associés (PWC) (6 janvier 2009). "Les services du ministère se sont largement reposés sur les conclusions de ces études", note la Cour des comptes. Celle-ci s’interroge : "le plus important est de savoir si [la procédure retenue] préserve les intérêts de l’Etat non seulement à court terme mais à long terme. Il aurait été utile que soit produite une étude spécifique précise de l’impact de l’opération à court, moyen et long terme sur les finances de l’Etat". Certes, reconnait le rapport, les études "ont fait apparaitre un léger avantage financier en faveur du PPP. Cet avantage n’est étayé que par des hypothèses aléatoires, concernant en particulier les risques". "Le coût final pour l’Etat, lourd en tout état de cause, dépendra donc, in fine, du succès du dialogue compétitif, de l’existence d’une vraie concurrence entre les opérateurs (...)".
Rappelons que les trois groupes candidats sont Bouygues, Vinci et Eiffage. Ce chantier fait l’objet d’un partenariat public-privé (PPP) qui porte sur le financement, la conception, la construction, la rénovation de la Cité de l’Air mais aussi la maintenance des 300.000 m2 de bâtiment et la prestation de services comme la restauration, avec un contrat d’une durée de 30 ans, l’Etat devenant propriétaire des lieux après avoir payé un loyer pendant 27 ans et demi. Le coût total du projet est estimé aujourd’hui à 2 milliards d’euros, dont 600 millions pour la seule construction. La décision finale de l’Etat est prévue en février 2011 pour un démarrage du chantier en avril suivant et une livraison du nouveau ministère en juin 2014.