La Chine rejoindra-t-elle la « coalition » dirigée par les États-Unis pour escorter des navires dans le détroit d’Ormuz ? Cela semble peu probable, mais cette publication de Reuters affirme que la Chine y réfléchit :
« La Chine pourrait escorter des navires de commerce chinois dans les eaux du Golfe dans le cadre d’une proposition américaine visant à former une coalition maritime pour sécuriser les couloirs maritimes après des attaques de pétroliers, a annoncé mardi son émissaire aux Émirats arabes unis.
"S’il se trouvait une situation très dangereuse, nous envisagerions de faire escorter nos navires de commerce par notre marine", a déclaré l’ambassadeur Ni Jian à Reuters à Abou Dhabi.
"Nous étudions la proposition américaine sur les arrangements d’escorte dans le Golfe", a déclaré l’ambassade de Chine dans un message texto...
Le président Donald Trump a déclaré dans un tweet du 24 juin que la Chine, le Japon et d’autres pays "devraient protéger leurs propres navires" dans la région du Golfe, où la cinquième flotte de la marine américaine est basée à Bahreïn.
La question de savoir si Washington avait adressé une demande officielle à Pékin n’était pas claire. Ce dernier doit marcher sur des œufs au Moyen-Orient en raison de ses liens énergétiques étroits avec l’Iran et l’Arabie saoudite. »
À ce jour, seule la Grande-Bretagne s’associe aux plans américains. La France, l’Allemagne et d’autres « alliés » ont rejeté la demande des États-Unis de se joindre à la mission.
Reuters semble avoir mal compris ce que l’ambassadeur de Chine a vraiment dit.
Le message est en deux parties : « Nous envisagerons de faire escorter nos navires de commerce par notre marine » et « Nous étudions la proposition américaine relative aux arrangements d’escorte dans le Golfe ». L’ambassade de Chine n’a établi aucun lien entre les deux déclarations.
Il n’est pas dans l’intérêt de la Chine de rejoindre la « coalition » anti-iranienne que les États-Unis veulent diriger. Il est, par contre, dans l’intérêt de la Chine de protéger ses navires commerciaux. Mais ce n’est pas l’Iran qui pourrait les mettre en danger. Il est également dans l’intérêt de la Chine d’étudier les plans des États-Unis. Ne serait-ce que pour les contrer si nécessaire.
La Chine continue d’acheter du pétrole iranien. Le New York Times vient juste de jeter un gros pavé hostile dans la mare, ce week-end :
« La Chine et d’autres pays reçoivent plus de cargaisons de pétroliers iraniens que ce que l’on en savait auparavant, en dépit des sanctions imposées par les États-Unis pour étouffer la principale source de revenus de Téhéran, a révélé une enquête du New York Times...
L’administration Trump commence à intensifier l’application des sanctions pour tenter de mettre fin aux exportations vers la Chine, qui reste le principal acheteur de pétrole iranien. Le 22 juillet, le secrétaire d’État Mike Pompeo a annoncé des sanctions contre Zhuhai Zhenrong, une entreprise publique chinoise, et son dirigeant, Li Youmin, pour "violation des restrictions américaines sur le secteur pétrolier iranien". […]
"Bien que je sois heureux que l’administration ait sanctionné une première série d’acteurs chinois, elle doit renforcer l’application de la loi pour dissuader les acteurs chinois et étrangers de violer les sanctions américaines contre l’Iran", a déclaré le sénateur républicain de Floride, Marco Rubio. "Le régime iranien a expédié de manière flagrante des millions de barils de pétrole en Chine."
Pour vraiment serrer la vis à la Chine, l’administration Trump devrait punir la Banque populaire de Chine ou d’autres banques chinoises qui négocient des transactions avec la Banque centrale d’Iran, a déclaré M. Nephew. Les États-Unis pourraient également pénaliser le géant de l’énergie Sinopec, qui, comme Zhuhai Zhenrong, importe également du pétrole iranien. »
Il est peu probable que la Chine arrête d’acheter à l’Iran du pétrole à prix préférentiels, du moins tant que la guerre commerciale en cours avec les États-Unis continue de s’intensifier. Il est également peu probable qu’elle rejoigne la « coalition » américaine. Mais elle protégera ses intérêts commerciaux – c’est-à-dire ses navires qui transportent des marchandises entre l’Iran et la Chine.
La Chine craint que la « coalition » américaine ne s’en prenne à ses navires pour avoir enfreint les sanctions unilatérales des États-Unis. C’est ce que les Britanniques ont fait avec le pétrolier iranien qu’ils ont piraté à Gibraltar. Il existe également un précédent historique qui démontre la nécessité de protéger les navires chinois contre de tels actions américaines :
« On se souvient beaucoup mieux en Chine qu’aux États-Unis, que, en 1993, la RPC était la victime la plus flagrante de la piraterie fondée sur des principes américains en ce qui concerne le navire de transport Yinhe.
La marine américaine a détourné le Yinhe en le forçant à interrompre son voyage et à rester en mer pendant 20 jours, jusqu’à ce que la Chine accepte de se rendre dans un port saoudien pour que ses 628 conteneurs soient fouillés à la recherche d’armes chimiques prétendument destinées à l’Iran. Heureusement pour la Chine – et au grand embarras des États-Unis –, il a été constaté que les conteneurs ne transportaient que de la peinture.
Les États-Unis ont refusé de s’excuser, ayant agi de "bonne foi", ce qui est apparemment un autre nom pour "mauvais renseignement" – même si certains responsables américains, penauds, ont accusé en privé la RPC d’avoir "monté un coup" dans le seul but de prendre en défaut les États-Unis. Pour sa part, la République populaire de Chine avait accusé les États-Unis d’agir comme un "gendarme autoproclamé du monde" et le Yinhe est devenu un symbole pour le double standard américain chaque fois que le sujet de la "liberté de navigation" se pose. »
Pour plus de détails intéressants sur l’histoire du Yinhe, voir ici.
La Chine n’autorisera pas la répétition d’une telle action. Elle sait que les États-Unis sont de plus en plus hostiles à son égard et qu’ils doivent se préparer à un conflit plus vaste. Elle suppose que la guerre commerciale actuelle n’est que le début d’un plan de lutte militaro-industrielle beaucoup plus vaste. Comme décrit par Peter Lee :
« Découpler la Chine de l’économie américaine, décourager les attentes des chinois sur les marchés, et passer à une guerre contre la Chine protègent l’armée américaine des pressions économiques et politiques pour poursuivre un cours plus modéré en Asie de l’Est.
Je m’attends à ce que le commandement US dans la région, IndoPACOM agisse avec un programme agressif - via ses alliés dans l’armée philippine - pour confronter la RPC sur ses îles artificielles, notamment le récif de Mischief, dans la mer de Chine méridionale.
Ces installations constituent un affront majeur à la virilité d’IndoPACOM et doivent être supprimées. Et cela signifie la guerre ou quelque chose de ce genre.
Rappelez-vous, comme l’a dit l’amiral Davidson, IndoPACOM : "La Chine contrôle la mer de Chine méridionale dans tous les scénarios, sauf en temps de guerre."
Eh ! les gars, il ne fait pas ces déclarations pour signaler la capitulation des Américains. L’IndoPACOM est le quartier général des faucons contre la Chine. ...
Entre le ralentissement économique mondial et la montée en puissance militaire régionale, j’estime le coût de l’affrontement avec la République populaire de Chine à 1 000 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie.
Mais comme ils disent, une guerre avec la Chine, c’est 1 000 milliards de dollars, et anticiper la perte de l’hégémonie américaine dans le Pacifique n’a pas de prix. »
Cette confrontation américano-chinoise sera avec nous au moins pour la prochaine décennie. Dans un tel scénario, il est insensé que la Chine fasse plaisir en rejoignant une « coalition » américaine hostile à ses amis iraniens. Ce qu’elle peut et devrait être prête à faire, c’est protéger ses navires contre le piratage américain.