Comme 2,5 millions de Français, des cadres sont en situation d’illettrisme dans l’entreprise. Le phénomène, impossible à quantifier, échappe à tous les dispositifs prévus en matière de lutte et de détection. Les responsabilités qu’ils occupent en font des illettrés à la marge de la marge.
Lorsqu’il pénètre dans la salle des marchés de sa banque, située sur l’esplanade de la Défense (Hauts-de-Seine), il entre dans son monde, "celui des chiffres". Costume et cravate noirs ajustés, Mickaël, 32 ans, cultive un look à la Jérôme Kerviel, son confrère trader. Bien qu’il occupe ce poste prestigieux, aussi rentable qu’impopulaire, ce grand brun est illettré. Et ce malgré des études à l’Inseec, une école de commerce parisienne, durant lesquelles il n’a "quasiment jamais écrit".
Le cas de cet as des équations mathématiques est bien connu des chercheurs spécialisés : il s’agit d’un "illettrisme de retour". A force de ne pas utiliser l’écriture, Mickaël en a perdu l’usage. "Dans mon quotidien, ça me sert rarement, reconnaît-il. Mais quand j’ai dû écrire ma première synthèse, j’ai bloqué. Je n’y arrivais plus. J’avais tellement honte de le dire..."