Une source policière nous a fait parvenir ce document explosif, avec la bande sonore qui confirme son authenticité. Nous vous livrons en exclusivité la transcription des communications téléphoniques qui ont eu lieu, dans la nuit du 14 au 15 janvier 2011, entre Ben Ali (BA), son Premier ministre Mohamed Ghannouchi (MG), son ministre de la Défense Ridha Grira (GR), Mahmoud Cheikhrouhou (MC), le commandant de bord de l’avion qui transportait le couple présidentiel en Arabie Saoudite, et Hédi Baccouche (HB), ancien Premier ministre de Ben Ali. Après la transcription, notre analyse des faits.
À 3h02 du matin, Ben Ali appelle l’ex-Premier ministre tunisien Mohamed Ghannouchi (MG) :
BA : Mohamed ! Je vous ai demandé de repasser à la télé ! Dites au peuple tunisien que vous comptez donner quelques précisions au sujet de votre discours ! Dites aux gens que je rentre demain et que tout rentrera dans l’ordre ! Dites leur que je sais à présent qui a manigancé pour qu’on en arrive là !
MG : Monsieur le Président ! Vous êtes toujours président de la Tunisie ! Cependant je ne pense pas que votre retour sera apprécié par le peuple tunisien ! Il faut que vous passiez encore quelques temps en Arabie Saoudite le temps que ça se calme !
BA : Il n’en est pas question ! Je vous ai dit que je rentre demain à la première heure ! Faites ce que je vous dis ! C’est moi le Président ! C’est moi le Président ! Où êtes-vous en ce moment Si Mohamed ?
MG : On est tous réunit au ministère de l’Intérieur, Monsieur le Président.
BA : Si Ridha est-il à vos côtés ?
MG : Oui, Monsieur le Président.
BA : Passez le moi !
RG : Monsieur le Président !
BA : Si Ridha ! Dites moi ce qui se passe. Mohamed m’a dit que la situation est très grave !
RG : Affirmatif Monsieur le Président ! Le pays et à feu et à sang. Des milices tirent sur des innocents. On ne sait pas d’où ils sortent ! Monsieur le Président je sens qu’il y a un complot dangereux qui se trame sur nos sols.
BA : Avez-vous pris contact avec Ali Sériati [Directeur de la garde présidentielle] ?
RG : Monsieur le Président ! J’ai ordonné l’arrestation d’Ali Sériati !
BA : Pourquoi avez-vous fait ça ? Qu’est ce qu’il a encore fait ?
RG : Je ne sais pas encore Monsieur le Président mais les RM [Renseignements militaires] sont en possession d’informations très délicates.
BA : Quels types d’informations Si Ridha ?
RG : Je ne peux vous dire ça au téléphone Monsieur le Président !
BA : Dites moi Ridha ! Dites moi tout de suite ce vous avez trouvé sur Ali !
RG : Je ne peux pas Monsieur le Président ! Je n’ai plus confiance en personne. On est tous sur écoute ici ! Vous le savez ça !
BA : Vous voulez dire quoi ?
RG : Vous m’avez bien compris Monsieur le Président !
BA : Bon Ridha dites à Mohamed que je rentre demain et que je vais remettre les pendules à l’heure.
RG : Monsieur le Président ! Vous ne pouvez plus rentrer. Le pays risque de brûler. Les gens pensent que vous avez fui le pays. Vous ne pouvez plus faire marche arrière. Attendez encore deux ou trois jours et on vous dira ce qu’il en sera Monsieur le Président !
BA : Pas question ! Je rentre ! Je rentre ! Je rentre !
RG : Monsieur le Président ! Si vous rentrez, je serai dans l’obligation d’assurer votre sécurité ! L’armée sera probablement contrainte de tirer sur les gens et je ne veux pas en arriver là ! Je n’ai pas envie de tuer des innocents !
BA : On n’en arrivera pas là ! Je vous le promets, Ridha.
À ce moment, Ben Ali raccroche le téléphone. Ou la communication se coupe.
À 5h18 du matin, le commandant Mahmoud Cheikhrouhou (MC) appelle le Premier ministre tunisien :
MC : Monsieur le Premier ministre ! Je fais quoi ? Je suis toujours à l’aéroport ! Le Président m’a donné l’ordre de ne pas bouger. Et ici, personne n’est au courant de quoi que ce soit. J’étais avec Si Nabil [Nabil Chéttaoui est l’ancien PDG de la compagnie aérienne Tunisair] au téléphone et c’est lui qui m’a conseillé de vous contacter.
MG : Je ne sais pas ! Je ne peux rien vous dire pour le moment ! Attendez ! Je vous passe Si Ridha le ministre de la Défense. C’est l’armée et à sa tête Si Ridha qui contrôlent le pays maintenant. Je vous le passe !
RG : Si Moncef, qu’est ce qui se passe ? Qu’est ce qu’il y a ?
MC : Monsieur le Ministre ! Dites moi ce que je dois faire ! Ça fait à peu près cinq heures que j’attends et on ne m’a toujours pas donné de consignes et ici, personne ne veut ravitailler l’avion !
À ce moment, le ministre de la Défense s’adressa aux présents et leurs dit en ayant toujours le commandant au téléphone :
RG : Messieurs ! Je vais donner l’ordre au commandant de rentrer sans le Président et j’en assume l’entière responsabilité.
À ce moment là, une longue discussion a eu lieu avant que le ministre de la Défense ne reprenne la conversation :
RG : Mahmoud, préparez-vous à repartir. Je vais vous donner plus de détails d’ici dix minutes. Faites le plein. Vous allez rentrer directement à Tunis. Et surtout n’en parlez à personne même pas au Président en personne ! Vous m’avez bien compris Si Mahmoud ?
MC : Oui Monsieur le Ministre !
RG : Donnez-moi un numéro où je pourrai vous joindre !
MC : Tout de suite Monsieur le Ministre. Avez-vous de quoi noter Monsieur le Ministre ?
RG : Oui, allez-y !
MC : C’est le xxxxxxx, rappelez-moi SVP.
RG : Bien entendu ! Laissez le téléphone à vos côtés ! Je vous rappelle de suite pour vous donner les consignes.
Près de dix minutes plus tard, Ridha Grira rappelle le commandant et lui dit :
RG : Si Mahmoud ! Écoutez mois attentivement ! Vous allez rentrer tout de suite. Vous allez rentrer sans le Président. C’est une décision qui a été prise au plus haut niveau de l’État et j’en assume l’entière responsabilité. Je vous laisse préparer l’avion ! Je reviens vers vous dans quinze minutes.
À ce moment le ministre de la Défense raccroche le téléphone et appelle Hédi Baccouche (ancien ministre du temps de Bourguiba et de Ben Ali, l’un des trois cerveaux de l’opération du 7 Novembre 1987) :
RG : Si Hédi ! C’est Ridha Grira au téléphone.
HB : Monsieur le Ministre ! J’ai appris ce qui s’est passé ! Seriez-vous derrière le départ du Président ?
RG : Je vous expliquerais cela plus en détail plus tard Si Hédi ! Si Hédi Je viens de prendre une décision d’une extrême importance suite à une réunion avec Si Mohamed, Si Foued [Foued Mebazaa, ancien président du Parlement], Si Abdallah Kallel [ancien ministre et président de la Chambre des sénateurs du temps de Ben Ali], le général Ammar [Rachid Ammar, chef d’état-major], les membres du CSA [Conseil suprême des armées], Si Ahmed [Ahmed Friaa ancien ministre de l’Intérieur] et Si Kamel [Kamel Morjane était encore le ministre des Affaires étrangères] : Si Hédi ! J’ai décidé que Ben Ali ne vas plus rentrer en Tunisie !
HB : Êtes-vous sûr de vous Si Ridha ? Avez-vous reçu des instructions d’une ambassade bien particulière ?
RG : Non Si Hédi ! C’est une décision personnelle ! S’il rentre, on sera obligé de le défendre et des milliers de vies tomberont !
HB : Faites le nécessaire, Monsieur le Ministre.
RG : J’aurais besoin de vous Si Hédi ! J’ai proposé à Si Foued (Mebazaa) de passer à l’article 15 demain matin. Mais il ne veut pas entendre parler de ça. Il dit qu’il est malade. Mais on doit appliquer le texte de loi. Il faut qu’il occupe le poste de Président afin de fermer définitivement la porte devant un retour éventuel du Président Ben Ali. Essayez de le convaincre. Ici, il ne veut plus écouter personne. Appelez Si Hamed [Hamed Karoui est un ancien Premier ministre de Ben Ali] ; lui, il saura lui parler.
Analyse de ces échanges téléphoniques
Ce document parfaitement authentifié est d’une importance capitale. Nous savions déjà que Ben Ali ne s’est jamais enfui, qu’il y a été persuadé et contraint par le général Ali Seriati. Nous savons maintenant que Ben Ali voulait absolument revenir au pays. L’on comprend ici que c’est Ridha Grira qui a pris la décision d’empêcher Ben Ali de revenir. Mais a-t-il pris tout seul cette décision qui a fait basculer le destin de la Tunisie ? Nous pensons et nous affirmons que cette décision lui a été dictée par le général Rachid Ammar, même s’il en était le ministre. Mais Rachid Ammar lui-même, a-t-il agi tout seul ou sous instruction ? Nous soutenons et affirmons qu’il n’a fait qu’exécuter le « souhait » du Pentagone, pour ne pas dire l’ordre de Washington.
Si Rida Grira est le « sauveur » du pays, pourquoi donc a-t-il été arrêté, sous le Premier ministère de Béji Caïd Essebsi, en septembre 2011 ? Parce que, dès mars 2011, il n’a pas observé l’omerta. Sans doute par honnêteté intellectuelle et naïveté politique, il a commencé à parler aux médias des événements de janvier 2011, puisqu’il en était au cœur. Il a d’abord démenti la légende selon laquelle Rachid Ammar n’a jamais dit non à Ben Ali pour réprimer la foule. Selon son propre aveu, c’est le cyber-collabo Yacine Ayari qui a lancé cette désinformation à partir de sa chambre de bonne à Bruxelles. Le démenti de Ridha Grira n’a évidemment pas plu au général Ammar, qui a fini par croire à ce mensonge qui a fait sa popularité auprès des Tunisiens. Grira a par la suite, toujours par médias interposés, accablé le général Ali Seriati dont il aurait donné l’ordre d’arrestation.
Notre thèse est par conséquent la suivante. Dès le 10 janvier 2011, sentant la crise s’aggraver et le pouvoir chanceler, plusieurs protagonistes se sont mis à rêver qu’ils pouvaient succéder à Ben Ali. Ces protagonistes sont principalement le général Ali Seriati et le général Rachid Ammar. Le premier a persuadé Ben Ali de quitter le pays, prétextant qu’il ne pourrait plus assumer sa sécurité. Il espérait ainsi créer un vide dont il aurait profité pour prendre le pouvoir. Le second a donné l’ordre d’empêcher Ben Ali de revenir, pour les mêmes raisons que Seriati. Il y avait donc deux coups d’État en marche. Celui du général Ali Seriati et celui du général Ammar. Le premier de type endogène, et le second de type exogène (américain). Vous connaissez la suite : Ali Seriati a été arrêté le 14 janvier 2011, sous l’ordre de Rachid Ammar, avec l’appui des États-Unis, et non pas de Ridha Grira comme il le dit dans ce document.
Ce qui s’est passé le 14 janvier 2011 n’est donc pas une révolution, mais un coup d’État militaire, qui n’était pas planifié par les Américains, mais improvisé par les stratèges de la Maison Blanche qui suivaient de très près les événements dès leur déclenchement à Sidi Bouzid. Comment ce fait divers, l’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi, a-t-il pu prendre une telle ampleur nationale, régionale et même internationale ?
Il s’agit là d’une autre question, géopolitique cette fois-ci, qui implique en l’occurrence une véritable planification américaine qui a commencé dès 2003. Une planification dont les acteurs et les exécutants ne sont plus l’armée nationale ou la Garde républicaine, mais l’armée des cybers-collabos, formatés par les ONG-écran des services de renseignement américain, et qui ont fait la « révolution 2.0 » ! Nous y reviendrons avec détails, documents, preuves et noms à l’appui.