La guerre la plus meurtrière de l’histoire de France prend fin le 11 novembre 1918. Mais l’Europe est vaincue. Supplantée économiquement par les États-Unis, divisée entre des vaincus et des faux vainqueurs, ébranlée dans ses convictions et dans le bien-fondé de sa civilisation, l’Europe est en crise.
La Première Guerre mondiale marque en effet l’avènement des États-Unis comme première puissance économique du monde. Épargnée sur son territoire, l’industrie américaine a pu pleinement profiter des débouchés créés par la guerre européenne. Par ailleurs, les multiples sanctions imposées par le président américain Wilson lors du traité de Versailles permettent de neutraliser la puissante industrie allemande.
Mais plus que sur le terrain économique, c’est idéologiquement que l’Amérique est gagnante. En effet depuis 1648 et le traité de Westphalie, les guerres européennes n’étaient jamais menées au nom du Bien. Chaque État servait ses intérêts mais reconnaissait également implicitement le bien-fondé des intérêts des autres. Au contraire, les conditions du traité de Versailles entérinent la vision américaine de la guerre manichéenne issue du messianisme calviniste. Malgré leurs récurrentes tentations isolationnistes, les États-Unis doivent accomplir leur manifest destiny (destinée manifeste) et répandre religieusement la démocratie libérale et l’économie de marché à travers le monde. S’ils ont gagné, c’est que leur cause est juste, tandis que l’Allemagne et ses alliés ne peuvent être que coupables et doivent être criminalisés et punis en tant que tels. Cette vision s’accorde également avec la volonté de détruire politiquement et de soumettre économiquement les grands empires européens (Allemagne, Empire austro-hongrois) ainsi que l’Empire ottoman, dont le démantèlement est effectué par le traité de Sèvres en 1920.
Face à cette volonté américaine d’exporter ses idéaux, l’Europe doute de son propre modèle. 1918 ouvre une période de plusieurs décennies de remise en question de la civilisation européenne, qui se clôturera en 1945 avec l’implantation définitive du modèle américain libéral et matérialiste par le plan Marshall et son corollaire, l’american way of life.
Mais l’armistice de 1918 marque également la fin d’une guerre aux conditions inédites. Aux soldats se battant fiers et debout ont succédé des hommes rampants et se terrant dans les tranchées. Ces conditions humiliantes, amplifiées par le nombre de mobilisés et la durée de la guerre, ont affaibli moralement les peuples européens. La démocratie égalitariste s’est retournée contre ses citoyens. Après avoir permis au peuple d’accéder à l’éducation, elle lui a ordonné tout aussi massivement d’aller combattre dans la boue un ennemi à peine visible. Cette condition morale aura ensuite deux conséquences opposées mais jumelles : les prémices de la remise en cause féministe d’un patriarcat descendu de son piédestal, et la réaction de partis autoritaires voire paramilitaires dans le cas du fascisme italien.
Difficile de comprendre aujourd’hui le 11 novembre 1918 et les sacrifices auxquels il met fin. Appréhender ce 11 novembre, c’est se replonger dans la mentalité européenne authentique avec ses qualités et ses défauts, son esprit de noblesse et ses passions bourgeoises. C’est appréhender une identité déjà plongée dans le bain dissolvant de la modernité mais pourtant encore pleinement européenne.
Message de Jean-Marie Le Pen du 11 novembre 2020 :