À Bruxelles, la réunion extraordinaire de l’OTAN a accouché, comme prévisible, de déclarations solennelles de condamnation de la Syrie et de soutien à la Turquie Erdogan.
Le patron – ou plutôt le secrétaire général en titre – de l’Alliance atlantique, le Danois Anders Fogh Rasmussen a exprimé sa « très forte solidarité » à son pion turc et assuré que la grande famille de l’OTAN suivrait « de très près » les développements de la situation « à la frontière sud-est de l’OTAN ».
Reste que cette réunion convoquée sous l’égide du désormais fameux article 4 de la charte de L’OTAN - c’est la deuxième fois en 60 ans d’existence – n’a décidé d’aucune mesure coercitive particulière, Rasmussen n’évoquant notamment aucune réaction militaire, et se contentant d’appeler les autorités syriennes à tout mettre en oeuvre pour éviter de nouveaux incidents du type de celui ayant entraîné la destruction d’un chasseur-bombardier turc vendredi au large des côtes syriennes.
Bref cette montagne de 28 nations n’a accouché que d’une petite souris, un communiqué convenu de soutien à la Turquie. Erdogan va devoir apparemment s’en contenter. À moins bien sûr qu’aient été prises des décisions secrètes, portant sur aide affective mais discrète à l’allié dévoué des États-Unis – et d’Israël quoi qu’il en dise à son opinion – dans la région.
Mais nous répétons que l’engagement de l’OTAN sur le « front syrien » sera toujours a minima – pour ne pas dire nul – pour des raisons qui tiennent à la fois à la diplomatie – opposition des russes et des Chinois, engagement possible de l’Iran, instabilité en Libye, en Égypte, au Yémen – et à la politique intérieure – méfiance, réticence ou franche hostilité des opinions publiques.
Ergogan fait déjà la guerre aux Syriens via l’ASL
Réduit à ses seules forces, Recep Tayyep Erdogan - qui à notre connaissance, n’a pas demandé le secours de l’OTAN quand les commandos israéliens ont tué, au printemps 2009, plusieurs Turcs participant à une flotille anti-blocus de Gaza – bombe le torse et hausse (encore) le ton : mardi, il a annoncé que l’armée turque était en train de « changer ses règles d’engagement » et répondrait désormais à toute violation de frontière terrestre, aérienne ou maritime de la part de son voisin, qualifiant au passage la destruction du F4 turc d’ »attaque lâche du régime al-Assad ».
Un régime dont le Premier ministre turc assure qu’il est devenu « une menace claire et proche pour la sécurité de la Turquie comme pour son propre peuple« . Un peuple syrien qu’Erdogan considère, qu’on se rassure dans les chaumières de Deraa à Idleb, comme un « frère« , opprimé par un « dictateur sanguinaire et sa clique« , pour reprendre sa formulation plus digne d’un fanatique barbu que d’un dirigeant « islamiste modéré » exemplaire.
Certes, tout ceci sonne très « avant-guerre ». Sauf que la mobilisation n’est pas la guerre, et qu’Erdogan, en dépit de toutes ses poses et menaces, n’en est même pas à la mobilisation. La guerre, il en mène déjà une du reste contre les Kurdes à la frontière irakienne, son aviation ne s’étant pas gênée pour violer l’espace aérien irakien, certes démantelé par les Américains, à des fins de bombardements de camps du PKK.
Et puis, c’est vrai et on ne le souligne pas assez, il sous-traite depuis un an une guerre contre les Syriens et leur gouvernement légitime à des bandes armés islamistes, celles de l’ASL qui se servent du territoire turc comme d’une base et d’un refuge gigantesque. De toute façon, le chef de l’AKP sait bien que sa marge de manoeuvre es réduite par l’Iran – qui a déjà proposé un mission de conciliation – et la Russie.
Cette guerre sous traitée à l’ASL est manifestement la seule intervention armée qui soit à la portée de M. Erdogan pour l’heure, mais elle est incontestablement meurtrière. C’est donc bien Erdogan « et sa clique » qui sont les agresseurs de la Syrie et donc constituent « une menace claire et proche » pour toute la région.