Tous les pays européens adaptent leurs politiques aux désidératas des marchés financiers et des grandes banques. Tous ? Non, un petit pays fait de la résistance depuis quelques années : l’Islande. Et il vient de gagner une grande bataille juridique contre Londres et Bruxelles.
Astérix contre la mondialisation
On ne parle pas assez de l’Islande. Pourtant, l’histoire récente de ce pays est particulièrement instructive. Comme d’autres, il avait cédé aux excès de la financiarisation, laissant ses banques se développer au-delà du raisonnable, notamment en Grande-Bretagne et au Pays Bas. Mais alors que tous les pays de la zone euro en crise ont choisi le même cocktail de soutien indéfectible aux banques et d’austérité pour les peuples, l’Islande, après de nombreux votes, a pris le chemin inverse.
En 2008, avec la faillite d’Icesave et les demandes de la Grande-Bretagne, qui voulait que l’Islande protège les ressortissants de la Couronne trompés par cette banque, le gouvernement a proposé par référendum un projet d’accord étalant les paiements jusqu’en 2024. Chose inédite en Europe, les Islandais ont refusé de payer pour les excès des banques, provoquant une immense crise politique, qui a ouvert la voie à une refonte de la Constitution et un grand changement politique.
Un second plan, moins coûteux, a également été refusé. Ce petit pays de quelques centaines de milliers d’habitants a intéressé Paul Krugman qui a souligné qu’elle « a fortement dévalué sa monnaie et imposé un contrôle des capitaux. Il s’est alors passé quelque chose d’étrange : bien qu’elle ait traversé la pire crise financière de l’Histoire, elle a été bien moins lourdement sanctionnée que d’autres nations », comparant notamment la potion islandaise à la potion irlandaise.
Une belle victoire juridique
Mais le refus de payer à la place d’Icesave n’a pas été accepté par Londre et Bruxelles, qui ont poursuivi l’Islande auprès du tribunal de l’Association Européenne de Libre-échange pour infraction aux règles sur les garanties des dépôts bancaires et discrimination entre épargnants nationaux et étrangers. La Commission Européenne demandait au petit pays de rembourser jusqu’à 20 000 euros par compte de Icesave, la filiale d’une banque islandaise installée notamment en Grande-Bretagne.
La Cour a estimé que « rien n’indiquait en 2008 que le contribuable islandais devait payer les pots cassés de la faillite d’une banque privée ». Même Les Échos soulignent que « la Commission Européenne se montre assez mauvaise perdante » en soulignant que les règles européennes sur la garantie des dépôts ne sont pas encore harmonisées. Du coup, Londres et La Haye, qui avaient réglé la note pour protéger leurs citoyens, subissent une grosse défaite juridique face à l’Islande.
The Economist souligne que « le jugement de la cour sur Icesave est un coup pour la finance globalisée ». L’hebdomadaire des élites internationales s’insurge contre le jugement en estimant qu’il « va seulement réduire la confiance et la volonté des pays de soutenir financièrement les créditeurs étrangers ». Il dénonce le fait que l’Islande ne doive pas payer les épargnants britanniques et puisse secourir ses compatriotes et estime que le jugement de la cour est contradictoire.
Cette défaite juridique de la finance mondialisée est un bon signe qui met une nouvelle fois une lumière flatteuse sur l’Islande, d’ailleurs un des rares pays où l’on envisage de véritablement couper en deux les banques, comme le demande la députée Alfheidur Ingadottir.