L’immigration massive vers l’Europe suscite une inquiétude croissante auprès des populations européennes. Dominique Baettig fait partie de ces personnalités comme Jean-Marie Le Pen ou Alain Soral qui mettent en garde depuis de nombreuses années face à cette politique migratoire incontrôlée et qui est imposée par le haut.
Dominique Baettig, des milliers de migrants, africains pour la plupart, affluent chaque jour en Europe par la Méditerranée. Cette situation vous évoque-t-elle celle du roman de Jean Raspail, Le Camp des saints, qui décrit les conséquences d’une immigration massive sur la civilisation occidentale ?
Oui bien sûr…Ce livre culte dessinait il y a fort longtemps, alors que l’immigration était encore relativement « retenue », la vague apocalyptique, déferlante, d’une masse de crève-la-faim qui s’emparaient de bateaux pour se déverser, presque sans résistance, sur une France en déclin démographique, sans capacité de résistance politique, culturelle, morale, civique ou militaire. J’avoue ne pas me souvenir de la fin, sûrement tragique, de ce roman d’anticipation. Peu importe d’ailleurs car ce récit qui évoque l’Apocalypse de Saint-Jean, est prophétique et pédagogique. Il avait aussi le mérite de montrer la pathétique résignation du politique, de la culpabilité psalmodiée de façon masochique par toute la classe bien-pensante de gauche qui a imposé ses valeurs multiculturelles, la religion de la supériorité de l’Autre (avec un grand A), totalitaire, avec la bénédiction de la droite économique et financière qui se rabattait pragmatiquement sur la gestion, abandonnant complètement les valeurs culturelles et civilisationnelles à leurs adversaires. Jean Raspail voyait dans cette déferlante subversive la fin « physique » de la civilisation européenne, caucasienne, chrétienne, traditionnelle, héroïque, inventive, industrielle, patriarcale. Balayée par une masse informe de « barbares », un nuage de sauterelles à haute fécondité et fort appétit.
On peut aujourd’hui se poser la question si la civilisation européenne ne s’est pas plutôt écroulée de l’intérieur, sous le travail des forces libérales qui visent à développer exclusivement un individualisme, de type droits de l’Homme (avec un grand H) qui isole chacun dans un Grand Marché (avec un grand M) de liquéfaction des identités, des rôles, des cultures, des frontières… La citadelle envahie s’effondre car ses fondations sont minées, sa démographie faible, son courage chancelant, sa bonne conscience gangrenée par la peur de discriminer, la repentance, le « plus jamais ça »…
Et quelles valeurs de civilisation méritent-elles d’être défendues : la laïcité, le show business, l’agriculture industrielle, la théorie du genre, la privatisation des tâches de l’Etat confiées à des multinationales, l’Église conciliaire, la libre circulation des biens, des capitaux et des personnes ? Sûrement pas.
La plupart des migrants sont des hommes jeunes qui ont amassé quelques milliers d’euros pour une traversée périlleuse. Ils ne font pas partie des plus pauvres et des plus démunis. Il faut également admettre qu’un certain courage est nécessaire pour affronter ce périple. Ces forces vives, qui ont souvent du mal à s’adapter au marché du travail européen, ne risquent-elles pas de faire défaut à l’Afrique ?
Votre analyse est juste et pertinente. Au-delà de la prévision apocalyptique et tragique, du récit humanitaire du marketing du business de la migration imposée (par les mafias, le clientélisme politique, le mondialisme qui utilise une stratégie du chaos), il est utile de déconstruire ce projet en l’analysant de manière rationnelle.
Effectivement, les migrants qui arrivent aujourd’hui de l’Afrique subsaharienne, d’Érythrée, de Syrie, d’Irak en transitant par les zones de non-droit que sont devenus la Libye, l’État islamique, le Nigéria, le Mali, ne sont pas de misérables affamés. Ce sont effectivement des hommes jeunes, capables d’avoir récolté des milliers d’euros pour acheter les passeurs ou de travailler en chemin pour récolter des fonds. Il est intéressant de constater que ces zones de passages mafieuses passent par des zones de non-droit qui servent aussi de route au trafic de cocaïne, qui corrompt et démonte les économies locales. L’analyse des économies parallèles, drogues, immigration illégale, marché noir, corruption est passionnante. Le légal et l’illégal finissent par se rejoindre et se compléter dans une subversion totale et réussie de l’État de droit.
La lecture du livre de Roberto Saviano, Extra pure, chez Gallimard, est un questionnement passionnant sur la dissolution ultime des différences entre le légal et l’illégal, au service de groupes puissants multi et transnationaux. La migration illégale (et toujours tolérée au bout du compte) est la poursuite de la dynamique de l’esclavage au service de l’économie. Soyez-en persuadé, si l’immigration massive et illégale posait problème à l’économie financiarisée et multinationale, des obstacles auraient été posés depuis longtemps. Aujourd’hui les esclaves paient pour venir, chargent des passeurs mafieux du transport, les garde-côtes italiens ou grecs de l’accueil et du service après-vente, les pays riches européens du centre et du nord devenant les payeurs du loyer et de l’aide sociale, les garants de l’accès au supermarché et à la société de consommation. Une propagande larmoyante et culpabilisatrice (sur le thème de « la barque n’est pas pleine ! ») raconte des histoires de miséreux sur des bateaux pourris qui s’échouent sur la côte italienne et qu’il faut sauver. Or le naufrage final est prévu dans le scénario pour forcer au sauvetage. Les trafiquants préviennent même les autorités. Les autorités faillies (car dépossédées de leur souveraineté et de leur droit de contrôler leurs frontières) des États membres de l’Union européenne sont contraintes à se répartir, selon le PIB bien sûr, les victimes consentantes de ces pratiques abjectes.
La collusion entre les autorités européennes, la gauche de la pleurniche, les voyous des économies parallèles (ainsi que ceux de l’économie officielle qui légalisent finalement) et les passeurs est totale, hollywoodisée et impérative. C’est une stratégie du choc, du chaos, qui communique le sentiment d’impuissance et le désarroi, le démontage des souverainetés, prépare le monde de l’économie globalisée au service d’une petite aristocratie supranationale. En l’occurrence le scénario du Camp des saints est devenu, entre les mains de réseaux politico-mafieux relayés par les médias (les Maîtres du Discours), une arme de destruction et de résignation massive.
D’un autre côté il est choquant de voir des forces de travail manquer à l’Afrique, qui a des potentialités de développement énormes. Mais peut-être qu’il s’agit aussi de créer du chaos là-bas pour laisser se développer l’économie de pillage mondiale. La remigration dans une perspective de développement local éthique ou la responsabilisation des peuples pour reprendre leur destin en main seront plus utiles que les scénarios catastrophiques. La collaboration avec les forces vives et critiques du Système (patriotisme économique et enracinement en Afrique) est une piste incontournable. Psychologiquement, celui qui émigre et échoue (le plus grand nombre actuellement) doit revenir au pays pour se ré-enraciner et s’épanouir dans sa culture, soutenir sa famille sur place. Et celui qui a réussi doit revenir mettre à disposition ses compétences. Autrement les générations suivantes risquent de payer le prix fort des déstructurations sociales et culturelles (addictions, psychoses, troubles de personnalité, troubles dissociatifs comme le démontre l’ethnopsychiatrie).
L’ancien président tchèque Václav Klaus estime que seules les individualités souhaitent se défendre en Europe face à l’immigration, contrairement aux élites qui sont, selon lui, des adeptes convaincus du multiculturalisme et du cosmopolitismei. Partagez-vous ce constat ?
La classe politique dominante, transnationale, nomade, cosmopolite vit très bien au-dessus de la mêlée, sans être confrontée directement à la concurrence ou aux incivilités des illégaux, en vivant dans sa bulle de résidences protégées. Ceci dit je pense, comme la psychiatrie, qui s’est intéressé aux psychotraumatismes et aux troubles de l’identité, qu’il n’est pas vraiment possible de vivre dans un monde multiculturel, au risque de perdre ses repères en étant confronté à une mosaïque de possibilités d’identifications ou d’adaptations à l’environnement. D’ailleurs le multiculturalisme est prôné, voire imposé par ceux qui ont très souvent un ancrage identitaire fort et structuré, mais dans la discrétion de la sphère privée.
Les anciens pays communistes sont jusqu’à présent relativement épargnés par l’immigration extra-européenne. On voit très peu d’immigrés dans les rues de Prague, de Varsovie ou de Tallinn tandis que les rues de Londres, de Bruxelles ou d’Amsterdam font état d’une présence massive de ces mêmes immigrés. Si l’on considère que l’immigration a été imposée au peuple de A à Z, les anciens pays communistes ne respectaient-ils pas en réalité de meilleure manière la volonté populaire ?
Sans doute. Les citoyens des pays qui ont vécu le communisme ou le modèle soviétique n’ont pas eu le problème de se soumettre aux valeurs sociétales de la gauche comme l’artificiel antiracisme ou la quasi religieuse lutte contre la stigmatisation. Ces sociétés s’enracinaient dans la lutte contre les inégalités sociales et les valeurs communautaires de mérite fortes. Certaines valeurs traditionnelles (à l’exception de l’écologie et du respect de la nature), comme la hiérarchie au mérite, l’héroïsme du travail, la défense de la patrie socialiste, le respect de l’armée, l’engagement pour le bien commun, l’ont emporté sur les valeurs bourgeoises libertaires (mariage pour tous, théorie du genre, droit à l’avortement de confort psychosocial). Le socialisme devait se réaliser partout, dans chaque patrie, et il n’était pas imaginable d’organiser une migration paternaliste avec la connotation de mépris pour les nations en lutte du tiers monde. C’était l’Internationale, pas le Grand Remplacement pour les seuls avantages de l’oligarchie mondialiste et de l’Économie de Marché.
La Suède a reçu plus de 80 000 demandes d’asile l’année dernière, un chiffre très élevé pour une population de moins de dix millions d’habitants. Un remplacement de population est-il à l’œuvre dans ce pays ?
Les sociétés d’État-providence du nord de l’Europe, marquées par la culture protestante et démocratique solidaire, sont particulièrement la cible de la stratégie du chaos. Les blonds aux yeux bleus sont la cible de fantasmes de certains, qui voudraient gommer ces individus libres et enracinés aussi dans une mémoire païenne et égalitaire, intolérable pour l’idéologie du Grand Marché.
La Commission européenne souhaite imposer des quotas de réfugiés aux pays de l’Union européenne. Quelles pourraient être, selon-vous, les conséquences d’une telle mesure ?
Ne pas régler le problème des effets collatéraux pervers des guerres de l’Empire en refilant la patate chaude aux autres membres de l’Union européenne selon des quotas est absurde. Cela augmentera la résistance des peuples et nations historiques à Bruxelles, stimulera l’économie à court terme d’une fausse croissance et finira par démanteler les acquis sociaux, les retraites, et les institutions démocratiques.