En théorie, il y a deux solutions pour sortir de la situation de crise de la dette des Etats : le retour aux déflations dures des années 1930 ou bien une baisse drastique, immédiate et coordonnée de tous les prix et salaires, avec une aide européenne massive de plus de 100 milliards d’euros. Dans la pratique, ce ne sont que des artifices qui, au mieux, permettront de gagner un peu de temps. L’Europe va droit dans le mur.
Olivier Blanchard, chef économiste du FMI, vient d’annoncer la couleur dans une interview accordée au quotidien italien La Repubblica : « l’assainissement (des finances publiques) sera extrêmement douloureux », prédit-il. Il détaille ensuite ses modalités : des efforts devront être accomplis pendant 10 à 20 ans, faits de sacrifices sur les salaires, de réduction des dépenses sociales et d’augmentation des impôts.
La crise grecque est le point extrême d’une crise plus large affectant Gipec (Grèce, Irlande, Portugal, Espagne et Chypre, 18 % du PIB des pays de l’euro), et de moindre manière M2S (Malte, Slovénie, Slovaquie, 1,2 % des pays) . Leurs larges déficits externes sont insoutenables (12 % du PIB pour Gipec et 6 % pour M2S en 2008) et vont devoir être corrigés par des remèdes de cheval, car banques et marchés vont devenir réticents à leur prêter.
Sans croissance, les objectifs affichés de réduction des déficits par des réformes drastiques (baisse des salaires, augmentation des impôts, allongement de la durée de travail et abolition des acquis sociaux) ne seront pas tenables. Les épisodes de la crise grecque et l’incapacité des gouvernements à y faire résolument face après l’avoir créée en donnent un petit avant-goût peu encourageant.
La reprise économique est déjà morte
Mervyn King, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, vient d’ailleurs de dire tout haut ce que chacun murmure tout bas : « … la reprise dans notre principal marché d’exportation, la zone euro, semble avoir calé ». Il a aussi estimé que la petite flambée des prix enregistrée au Royaume-Uni allait retomber, évoquant si nécessaire la reprise du programme de rachats d’actifs pourris (subrpime), interrompu alors que l’enveloppe initiale de 200 milliards de livres a été dépensée.
Sans croissance, les objectifs affichés de réduction des déficits ne seront pas tenables et les pays endettés vont droit dans le mur. Une situation auquel le système financier ne pourra pas résister et qui va impliquer qu’une alternative apparaisse, sans laquelle la crise s’approfondira encore plus. Les épisodes de la crise grecque et l’incapacité des gouvernements à y faire résolument face après l’avoir créée en donnent un petit avant-goût peu encourageant.
En réalité, il est désormais démontré que la faible croissance enregistrée ces derniers mois s’éteint lorsque cessent les effets des plans de relance publics.
Quant aux déficits publics, c’est encore une autre paire de manches. Les restrictions qui sont envisagées, qu’elles touchent les retraites, la couverture maladie, les allocations chômage ou les mesures d’aide sociale, de même qu’une augmentation des impôts, ont en commun de toutes diminuer le pouvoir d’achat global et donc de porter un coup supplémentaire à la croissance, accentuant les tendances déflationnistes. Ce mesures ne seront pas des solutions mais contribueront encore à aggraver la crise.
Guerre mondiale
L’histoire économique est pleine d’enseignements, et il est utile de s’y référer. Afin de se rappeler que l’essor des dettes publiques a de tous temps correspondu à la nécessité de financer les guerres, avant même que l’État ne soit constitué sous sa forme contemporaine, et que la dette puisse être considérée comme publique. Mais, au sortir de la seconde guerre mondiale, la situation a changé. La forte croissance et l’inflation ont contribué dans les années 60 et 70 à gommer le déficit. Puis, une brusque envolée de l’endettement a été enregistrée dans les années 80, suite à la baisse générale du taux de croissance de l’économie occidentale et la hausse simultanée des taux d’intérêt obligataires. Tout a alors pivoté.
Dans tous les cas de figure, l’équation de la dette publique ne pourra pas être résolue sans que n’interviennent de profondes remises en cause, qui résulteront des rapports de force sociaux et politiques. Si l’on se replonge dans l’histoire économique, il est flagrant de constater que les États ont utilisé à de très nombreuses reprises deux leviers afin de faire face à leur dette, lorsqu’elle devenait ingérable et qu’il n’était pas possible de lever davantage d’impôts : la monétisation de la dette (via la création monétaire) et le défaut de remboursement, partiel ou total. Ces deux leviers étant frappés d’interdit et la croissance n’étant pas au rendez-vous, l’impasse est certaine.