L’Italie et l’Espagne présentent des situations relativement contrastées.
L’Espagne est aujourd’hui victime d’une crise majeure de liquidité et d’une crise bancaire sur fond de sévère récession économique avec un taux de chômage pratiquement égal au quart de la population active.
L’Italie est, pour l’instant, épargnée par la crise de liquidité (même si elle connaît des difficultés croissantes à se refinancer sur les marchés financiers) mais elle est lestée par une très forte dette (120% du PIB), dont les intérêts pèsent lourdement sur son budget, et elle connaît depuis des années une croissance très faible.
Ces facteurs ont conduit à mettre en doute sa solvabilité à long terme et déclenchent une crise de liquidité similaire à celle que l’Espagne connaît. Les taux d’intérêts des emprunts d’état à 10 ans, ont connu ces dernières années une évolution symétrique.
Dans ces deux pays, les gouvernements respectifs ont mis en œuvre depuis 2011 des politiques visant à la fois à rétablir les finances publiques ET à reconstituer la compétitivité de l’économie.
Combinant des coupes sombres dans les budgets sociaux, une déréglementation du marché du travail et, pour l’Espagne, des baisses importantes dans les salaires tant des fonctionnaires que d’une partie des salariés du secteur privé, ces politiques ont provoqué une contraction de l’économie. Cette dernière rend impossible d’atteindre l’objectif de réduction de la dette publique.
En Espagne, l’austérité budgétaire est mise en échec par l’endettement des ménages (près de 100% du PIB en 2007) qui provoque une crise bancaire, que le gouvernement doit stabiliser.
De fait, si l’on additionne la dette publique « officielle », la dette des régions, qui est en passe d’être consolidée avec la dette du gouvernement central et les impayés des l’État (qui ne sont rien d’autre qu’une autre forme de dette publique) on atteint 100% du PIB à la fin du premier trimestre 2012. Or, en 2007, la dette publique n’était que de 35%.
L’austérité provoque une violente contraction de la demande intérieure, qui provoque la montée du chômage (24,3% de la population active et ceci sans compter les travailleurs immigrés non répertoriés licenciés depuis 2010) et une chute brutale de l’investissement des entreprises (par disparition de la demande).
Les recettes fiscales sont aujourd’hui plus basses qu’en 2010 et 2011 du fait de la contraction de l’économie et ceci malgré les mesures prises par le gouvernement Rajoy pour réduire le déficit. Ce dernier est, en valeur, sur une pente identique à celle de 2009. Quant au déficit commercial, il reste important en raison du manque de compétitivité de l’Espagne du fait de la valeur de l’Euro.
En fait, il faudrait soit que dans toutes les branches (y compris les services) la productivité augmente de 25% en deux ans (ce qui est irréaliste) soit que les salaires (et les prix) baissent à partir du niveau actuel d’environ 30%.
Devant cette situation, on comprend que les taux d’intérêts aient connu une brutale augmentation, qui rend la situation insoluble et produit l’affolement des marchés financiers.
En Italie, où le poids de l’Industrie est plus important qu’en Espagne, la situation du commerce manufacturier y est moins sombre. Mais, devant la faiblesse de la croissance ces dernières années, les marchés financiers ont aujourd’hui des doutes justifiés sur la capacité du pays à servir sa dette.
En effet, le problème essentiel de l’Italie est la combinaison d’une très forte dette publique (120%) et d’une croissance très faible. La politique mise en œuvre par le Premier Ministre, M. Mario Monti a abouti simultanément à un freinage des salaire qui a fait entrer l’économie en récession et à un accroissement du taux de défaut (faillite) des agents privés qui est en réalité supérieur à celui de l’Espagne.
Dans ce contexte, les recettes fiscales se sont elles aussi contractées, et ce en dépit des communiqués de victoire du gouvernement. Les méthodes de l’administration fiscale sont en train de provoquer une « révolte anti-fiscale » en Italie du Nord, qui aura, bien entendu, des conséquences sur les recettes.
Or, si le budget italien est à l’équilibre pour le solde primaire, le problème de la dette se traduit par une influence dramatique des taux d’intérêts sur le déficit global. Ainsi, un taux moyen de 4% se traduit par la nécessité de dégager 4,8% du PIB pour payer ces intérêts, un taux de 5% par la nécessité de dégager 6% du PIB.
On comprend que, devant l’entrée en récession du pays et avec la hausse du taux d’intérêt moyen, les investisseurs étrangers craignent l’Italie tout autant que l’Espagne.
Jusqu’à l’été 2011, une majorité de la dette était souscrite par des agents Italiens. Les problèmes ont commencé à se manifester (avec une forte hausse des taux) parce que les Italiens eux-mêmes ne croient plus dans la capacité d’un gouvernement, et ceci quel qu’il soit, de maintenir leur pays dans la zone Euro. C’est bien le tarissement du mouvement de l‘épargne italienne vers la dette qui a provoqué cette forte hausse des taux.
Ainsi, les situations de l’Espagne et de l’Italie sont différentes, mais le résultat est identique : une crise de compétitivité qui alimente des doutes sur la solvabilité de ces pays et qui induit une crise de liquidité.
Les appareils productifs de l’Espagne et de l’Italie sont, certes, assez différents, et l’Espagne a connu une désindustrialisation plus importante que l’Italie. Ceci implique que le chemin de la déflation salariale sera long et pénible.
À l’opposé, pour l’Italie, les rigidités salariales semblent plus importantes que pour l’Espagne, ce qui implique aussi un chemin long et difficile si la décision de persévérer dans la déflation salariale est prise.
Concrètement, et sans inclure les effets multiplicateurs de la demande intérieure sur le niveau de l’offre, l’ajustement impliquerait un niveau du chômage de 29% en Espagne et de 16% en Italie.
Si l’on y ajoute les effets induits, il est à peu près certain que l’on atteindrait, à la suite d’une poursuite de la politique actuelle un taux de chômage de 33% en Espagne et de 23% en Italie. Le danger dans la situation actuelle est plus grand pour l’Espagne que pour l’Italie, ce que tend à confirmer une note NATIXIS récente.
Une sortie de la zone Euro pourrait bien, alors, s’avérer un calcul rationnel. Mais l’intérêt de l’Italie pour une dissolution concertée de la zone Euro, et non pas comme l’Espagne une sortie unilatérale. est lui aussi élevé. Ceci correspond à son degré d’industrialisation supérieur à l’Espagne.
Le principal problème associé à une sortie de la zone Euro vient du système bancaire, et ce dans les deux pays, même s’il est moins important en Italie qu’en Espagne, ce qui est tout à fait logique.
L’Espagne profiterait elle aussi d’un scénario de dissolution concertée de la zone Euro, dans la mesure où l’argent restant dans le FESF et dans le MES pourrait être en partie transféré à un Fond de soutien aux banques. L’Italie, quant à elle, à objectivement un fort intérêt à quitter la zone Euro.
Il faut signaler que l’Italie a une structure de son appareil productif plus proche de la France que ne l’est l’Espagne. Une sortie unilatérale de l’Euro de l’Italie qui ne serait pas accompagnée de celle de la France porterait à cette dernière un coup fatal.
Les besoins en financement de ces deux pays peuvent être estimés à 280 milliards d’Euros pour l’Espagne et 600 à 700 milliards, pour aller jusqu’à la fin de l’année 2012.
Ce sont des sommes qui dépassent de loin les capacités de la Zone Euro, et que l’Allemagne –menacée de perdre son triple A - se refusera, en tout état de cause, à fournir. On le voit, avec la crise en Espagne et en Italie, venant s’ajouter aux crises Grecques, Portugaises et Irlandaises, la zone Euro est au bout du rouleau.