Les systèmes d’analyse de données à grande échelle ne servent ni à détecter des menaces sous-jacentes, ni à mettre au jour des complots terroristes, ni à identifier les “loups solitaires” potentiels. Ces systèmes sont intrinsèquement incapables d’obtenir ce ty^pe de résultats, et l’expérience le démontre amplement.
La fonction et l’objectif réels de ces outils est d’appréhender le périmètre et les structures d’organisations formelles ou informelles.
C’est en effet l’émergence de mouvements organisés (quelle que soit leur idéologie) échappant au contrôle des pouvoirs en place qui empêche les “élites” de dormir paisiblement.
Les réseaux de surveillance de la NSA, du GCHQ, de la DGSI, permettent de savoir que si des personnes communiquent régulièrement (journaux des acheminements de courrier électronique, fadettes GSM), visitent le même site Web (traces IP), échangent des fichiers par le même service Internet (journaux d’accès des sites), se réunissent régulièrement (traces GPS, fichiers des compagnies de transport) ... alors on se trouve en présence d’une organisation révélée par sa structure dynamique.
Dans les années 1980, un des domaines chauds de l’informatique de gestion était la réorganisation des processus opérationnels (business process reengineering). Pour cela, il fallait appréhender comment l’entreprise était véritablement organisée — les organigrammes statistiques mis à jour épisodiquement et rangés dans un tiroir n’étant pas très utiles. À l’époque, on travaillait beaucoup à élaborer des méthodes qui analysaient les flux d’information, de fichiers, de formulaires entre employés et département afin de déterminer quelle était la structure opérationnelle de l’entreprise, ses caractéristiques — avant de réorganiser celle-ci ou d’en optimiser les processus.
Ce que les services secrets font de nos jours avec ce “big data” est similaire. D’ailleurs, c’est loin d’être nouveau : en son temps, l’Okhrana (la police politique du Tsar) consacrait des efforts (humains et techniques) gigantesques (pour l’époque) afin d’identifier les organisations clandestines — en recueillant une masse de données sur les relations entre personnes (privées, professionnelles, de parenté), leur communications (essentiellement les lettres), leurs visites réciproques,... Cela se faisait avec des mouchards en chair et en os. Je conseille la lecture de l’opuscule plutôt oublié de Victor Serge « Ce que tout révolutionnaire doit savoir de la répression ».
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