C’est un vieux débat qui reprend une vraie actualité avec le lancement d’un parti ouvertement opposé à la monnaie unique européenne en vue des élections législatives et la montée de l’exaspération de l’opinion publique outre-Rhin. Et s’il y avait une chance que l’Allemagne quitte elle-même l’euro ?
Ces Allemands qui n’en peuvent plus de l’euro
Atlantico a publié un décryptage très intéressant sur le nouveau parti « Alternative pour l’Allemagne » (AfD). Ce parti rassemble plutôt des membres de la société civile, économistes, entrepreneurs, journalistes, exaspérés par le mode de fonctionnement de cette UE et qui pensent fondamentalement que la monnaie unique européenne ne peut plus fonctionner en l’état. Ils prônent soit un démontage complet de l’euro, soit son fractionnement en plusieurs monnaies uniques.
Un sondage a indiqué que ce nouveau parti intéresse un quart des électeurs allemands. Sachant que le pays est appelé aux urnes dans cinq mois, cela bouleverse le jeu politique. A priori, le discours d’AfD devrait davantage lui faire mordre sur l’électorat de la CDU et de la CSU, ce qui pourrait mettre Angela Merkel en difficulté. Mais les observateurs soulignent que l’ensemble de la population allemande est de plus en plus exaspéré par l’évolution de la crise de la zone euro.
En effet, les Allemands sont d’autant plus fatigués d’être les cautions de dernier ressort de la zone, que le nombre de pays « aidés » ne cesse d’augmenter. À peine le cinquième pays aidé (Chypre), qu’un sixième (Slovénie) semble devoir frapper à la porte du MES… Pire, alors qu’ils financent ces plans, les Allemands commencent à être fatigués de se voir traiter de nazis par les populations et la presse des pays « aidés », ce qui commence à créer un vrai ressentiment contre l’euro.
Les Allemands peuvent-ils franchir le Rubicon ?
Et outre-Rhin, la population est vent debout contre les solutions proposées par les institutions européennes ou la France. Les euro obligations ? Forte des plus de 80 % de la population qui s’y oppose, Angela Merkel avait dit qu’elles ne se feraient pas de son vivant. Un budget fédéral ? Le transfer union est encore moins populaire car les Allemands ont bien compris que cela pourrait leur coûter très cher. Et la chancelière traîne de plus en plus des pieds sur l’union bancaire européenne.
Nul doute que rien ne bougera en Europe jusqu’aux élections législatives allemandes. Leur résultat sera déterminant pour l’avenir de la monnaie unique européenne. Une poussée de l’AfD pourrait non seulement pousser Angela Merkel à toujours plus d’intransigeance (qui explique que Chypre ait été contrainte de financer une partie importante de son sauvetage, et donc de toucher aux dépôts bancaires), et pourrait compliquer la formation d’une majorité de gouvernement.
Malgré tout, à moins d’un score extrêmement élevé d’AfD, on peut toujours douter que l’Allemagne prenne l’initiative de démonter la monnaie unique européenne, du fait de son histoire. Le plus probable est que Berlin, comme les autres pays créanciers du Nord, continue d’exiger des conditions de plus en plus sévères pour tout nouveau plan, ce qui devrait attiser la révolte des populations dont on a l’audace délirante de dire qu’elles sont aidées, jusqu’à ce qu’une décide de partir.
Le plus incroyable est que les partisans de l’intégration européenne ne prennent pas en compte l’état du débat public allemand, alors que tout indique que Berlin rejettera leurs pseudo-solutions. Le moment fédéraliste est passé. Désormais, Berlin s’y opposera, à part pour assurer qu’elle récupère son argent.