Comprendre comment l’immaturité intellectuelle, confrontée à certaines logiques historiques profondes, se révèle le terreau privilégié de l’inconscience politique – et donc de toutes les manipulations.
La diffusion de l’idéologie « woke » et les ravages sociétaux, intellectuels et même parfois physiques qu’elle provoque donnent à ce sujet une importance qu’il n’aurait pas eue il y a encore seulement dix ans. Depuis quelques années en effet, nous assistons à la prolifération d’une idéologie qui, en apparence anodine et pétrie de « bonnes intentions », conduit une part croissante de la population à des comportements destructeurs, dirigés contre les autres et contre soi, annihilant des institutions, des monuments, des œuvres d’art, des traditions, des communautés, des carrières, des couples, des familles, des corps, des vies même parfois.
Au-delà du combat indispensable contre ses effets, il devient nécessaire de s’interroger à la fois sur les fondements psychologiques et la fonction politique de cette vision du monde qui pousse de si nombreuses personnes à entreprendre une « déconstruction » complète de la civilisation. Derrière les causes superficielles et grotesques qui servent de véhicules successifs à ses vociférations, contre quoi se bat, au fond, l’adolescente blanche de trente-cinq ans aux cheveux bleus qui prétend avoir compris le monde mieux que tous ses ancêtres ? Quel système moral justifie son narcissisme, ainsi que sa violence à l’égard de tout ce qui tente d’y faire obstacle ? Quelles logiques historiques fondamentales, en dernière instance, gouvernent cette personne ?
Pour apporter un début de réponse à tout cela, il est impératif d’élargir le point de vue. Si le « wokisme » ou le « gauchisme » constituent des phénomènes agaçants et accaparants, ils n’en demeurent pas moins des manifestations particulières de principes plus généraux. Ceux-ci, en l’occurrence, ne s’enracinent pas dans une idéologie politique spécifique, mais dans un rapport au monde bien plus large, malheureusement de plus en plus persistant chez les « adultes » : l’enfance.
L’enfance n’est pas envisagée ici sous son aspect limité de premier âge physique de la vie, mais plus largement comme une matrice intellectuelle faite de catégories, de raisonnements et de valeurs, qui déterminent des choix, des actes ou encore des prises de positions idéologiques. En tant que rapport au monde, elle peut perdurer chez un individu bien après la puberté – ce que nous pouvons effectivement observer régulièrement autour de nous. L’objectif de ce livre est justement de décrire les conséquences politiques de la persistance de l’enfance chez les adultes, c’est-à-dire la manière dont une conception infantile de soi et du monde peut déterminer, au-delà des apparences et parfois à son insu, la place réelle d’un individu dans l’espace politique.
Précisons tout de suite que « l’enfant » et « l’adulte » ne sont pas considérés dans ce livre depuis un point de vue essentialiste. Lorsqu’on parle de rapport au monde et non pas d’âge physique, il ne nous semble pas possible en effet de dire que tel individu est un enfant ou qu’il est un adulte. Tout au plus peut-on affirmer que certaines de ses façons d’être relèvent davantage d’un rapport infantile au monde que d’un rapport adulte, ou inversement. En somme, nous possédons tous en nous un peu de l’un et de l’autre, dans des proportions variables en fonction des trajectoires individuelles. À mesure que nous vieillissons, notre rapport au monde se transforme et, en temps normal, abandonne progressivement ses réflexes infantiles. Mais aujourd’hui, et particulièrement dans les sociétés occidentales, cette maturation semble quelque peu enrayée, une large partie de la population « adulte » conservant des catégories et des modes de pensée relevant directement de la vision infantile du monde.
Afin de dessiner les contours du concept d’enfance comme rapport au monde, nous décrirons dans un premier temps ses manifestations les plus évidentes, tant sur un plan sociétal que sur un plan psychologique. Nous analyserons la place démesurée qu’a prise l’enfance dans nos sociétés, mais aussi le principe central à la source de son rapport au monde.
Notre étude nous mènera alors à nous intéresser de plus près à l’aspect intellectuel de l’enfance, plus précisément à son mode de connaissance du monde. Cette approche épistémologique nous permettra ainsi de comprendre comment l’immaturité intellectuelle, confrontée à certaines logiques historiques profondes, se révèle le terreau privilégié de l’inconscience politique – et donc de toutes les manipulations.
La suite, hautement intéressante et cruellement actuelle,
est à découvrir sur le site de Kontre Kulture !