À titre préliminaire il faut distinguer la Justice du Droit. Les définitions proposées ici peuvent être discutées et contestées, mais il s’agit d’une convention préalable et avant tout, commode.
Selon les Romains, « Jus est ars boni et aequi », soit, la Justice est l’art du bon et de l’équitable. Cela renvoie d’une part à la question de la morale, à travers celle du « bon » et d’autre part, à travers la question de l’équité, à la possibilité de traiter de manière différente des situations différentes tout en traitant de la même façon des situations identiques. Il s’agit alors de rechercher pour chaque cas se présentant devant le juge, la solution la plus opportune.
Le droit lui, renvoie à un système de normes qui régit les comportements des individus dans une société donnée, sans aucune référence à une valeur éthique ou religieuse supérieure.
L’étude de la justice peut donc être vue comme un art qui cherche à découvrir une vérité enfouie dans la chose, « in re » comme disait Michel Villey afin de déterminer, à la romaine, la juste part qui revient à chacun sur une chose. Il est alors le travail d’une aristocratie, au sens étymologique, c’est à dire, un pouvoir accordé aux meilleurs, aux plus sages et érudits, les plus à même de découvrir cette vérité.
La pratique du droit, n’étant pas fondée sur une vérité supérieure, ne se justifie que par le caractère démocratique du processus normatif (ou alors, il s’agit d’une dictature, mais la moindre des politesses serait de l’assumer et de le dire). Ainsi donc, soit par la voie du référendum, soit par le biais d’un Parlement élu par le Peuple, les lois sont votées en fonction de ce que la majorité de la population accepte comme règles de vie.
Mais Léon Duguit déjà, montrait que la loi votée par le Parlement n’est pas la volonté du Peuple, mais celle des seuls parlementaires auxquels le Peuple a accordé un chèque en blanc en début de mandat. La loi peut alors, selon ce qu’en disait le doyen bordelais, être contraire à ce qui émane de « la conscience collective », cette dernière tendant essentiellement vers la solidarité.
La raréfaction du recours au référendum montre alors que la création du droit par le processus législatif est surtout un processus oligarchique.
De plus les penseurs du droit réalistes anglo-américains, ont pu montrer que le juge au cours du procès, est celui qui confère le sens des mots du texte de loi, et que donc, c’est le juge qui crée la norme, via ce qu’il est habituel d’appeler, l’interprétation authentique. Les juges français étant élevés dans le culte de l’État, cette corporation qui aurait pu être un ensemble de sages cherchant la Justice selon un idéal aristocratique, ne sont que les serviteurs zélés de leurs maîtres, et tout en étant nommés suivant un processus qui n’a rien de démocratique, prétendent appliquer le droit, mais se cachent bien de ne le faire qu’en fonction des intérêts de l’État.
De plus le principe de primauté du droit de l’Union Européenne sur le droit national, réduit à une portion congrue la liberté des parlementaires et des juges français. Il est inutile de rappeler que la commission européenne, principale source du droit de l’Union Européenne, n’a rien de démocratique.
Nous sommes bien dans un pays de Droit, mais il ne s’agit pas d’un Droit démocratique.
Si un cœur honnête peut balancer entre une Justice aristocratique et un Droit démocratique, il est difficile de douter de son rejet d’un Droit oligarchique.