Le journaliste, qui mériterait plutôt le titre de ministre de la propagande, sévissant aussi bien au Grand Journal qu’à RTL, est un procureur particulièrement zélé de l’intervention militaire en Syrie. Ce jeudi matin, Jean-Michel Aphatie recevait sur RTL le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius. Il ne trouve rien de mieux à faire que de débuter son entretien par cette question : « Vladimir Poutine se moque-t-il de vous ? »
Jean-Michel Aphatie va asséner cette question à plusieurs reprises devant un ministre ravi de pouvoir jouer le rôle du sage et du modéré alors qu’il est à l’évidence un va-t-en-guerre.
Cette véhémence du journaliste s’explique par la ligne de conduite du Kremlin à propos du dossier syrien. Le président russe a, en effet, eu « l’affront » de remettre en cause la version présentée par les gouvernements français et américains sur l’attaque à l’arme chimique du 21 août dans la banlieue de Damas.
Apathie passe par pertes et profits les mensonges répétés par les administrations américaines successives. Ceux-ci vont de l’incident du golfe du Tonkin ayant servi à déclencher la guerre du Vietnam, au plaidoyer de Colin Powell devant l’ONU à l’aide d’une petite fiole qui coûtera sa carrière au politicien mais qui provoquera surtout la mort d’innombrables irakiens.
À l’heure où de nombreux commentateurs soulignent le « coup de maître » de Vladimir Poutine, qui propose de placer sous contrôle international le stock d’armes chimique détenu par le gouvernement syrien, Apathie ose parler de mauvaise foi à propos du président russe. Pour lui la parole des dirigeants français et américains est parole d’évangile et la tournure de son questionnement semble destinée à encourager le gouvernement français à déclencher une guerre qui aurait des conséquences dévastatrices. Il semble littéralement excité à l’idée d’une guerre et crache sa haine de Vladimir Poutine, qui pourrait avoir contribué à éviter une troisième guerre mondiale.
Aphatie insiste en disant à Fabius que « Vladimir Poutine nous mène quand même par le bout du nez dans cette histoire ». Il titille Fabius en suggérant que son statut de diplomate l’empêche d’être franc sur le sujet. Drôle d’idée quand on repense à l’épisode où Laurent Fabius appelle à demi-mot à l’assassinat du président syrien en disant que « Bachar El-Assad ne mériterait pas d’être sur Terre [1] ».
À propos du dialogue entre les auditeurs et Laurent Fabius, Aphatie souligne qu’il y a très peu d’appels favorables à une intervention militaire en Syrie [2]. Cela valide l’hypothèse selon laquelle l’élite médiatique, dont il fait partie, est en total décalage avec l’opinion publique, qui fait preuve de raison et de bon sens. Aphatie qualifie d’« arguments étranges » les propos d’auditeurs qui pensent que François Hollande cherche à redorer son image et à endosser le costume de « grand chef de guerre ». Ces propos ont bien plus de validité que les analyses de ce journaliste qui appelle de ses vœux à une intervention militaire contre la Syrie, qui est une entreprise systématique de destruction des gouvernements séculaires et nationalistes arabes dont les intérêts ne sont pas en adéquation avec ceux de l’Empire.
Dans un système médiatique sain, quelqu’un comme Jean-Michel Aphatie ne pourrait pas exercer son métier sur des chaînes de grande écoute comme Canal + ou RTL. La crédibilité de ce personnage est proche de zéro. Il affirmait en décembre 2012, avec son aplomb légendaire, que Médiapart accusait Jérôme Cahuzac sans preuve à propos de son compte bancaire en Suisse [3]. N’importe quel autre jeune journaliste aurait été obligé de changer de métier suite à cette affaire, mais ce dernier sent probablement qu’il est « protégé » par les plus hautes sphères du pouvoir, en échange de la promesse de continuer à distiller la propagande gouvernementale à l’antenne. Il le prouve une fois de plus avec l’affaire syrienne.
Alimuddin Usmani, le 12 septembre 2013