Jacques Attali prédit l’enfer aux Français inconscients qui ne veulent plus de l’Europe telle qu’elle est et encore moins d’un État mondial. Vous êtes prévenus, les gars.
- FC B’nai B’rith
Nous sommes sur le plateau de TV5 Monde, le 22 septembre 2013. L’émission s’appelle Internationales. Jacques est assis face à deux journalistes, Frédérique Misslin, de RFI, et Philippe Escande, le spécialiste « éco et entreprises » du Monde. Qui pourront placer 2 questions et 3 phrases en tout. Jacques monopolise le ballon 42 minutes sur 44, soit 95 % de possession, mieux que le Barça. Le totalitarisme attalien habituel, qui rappelle le dégueulis géopolitique avec des gros morceaux d’hypothèses foireuses dedans de l’énorme Alexandre Adler, qui s’est tellement trompé que le Système l’a retiré du devant de la scène, comme ces vieux maréchaux soviétiques, figés dans leur graisse, leurs privilèges et leurs médailles, qu’on déplace sur des roulettes une fois le rideau tiré.
Ce qui est intéressant dans ce faux débat n’est pas qu’il soit réduit par la soumission de la caste médiatique (RFI + Le Monde + TV5) à un monologue insipide, mais que l’absence de contradicteur sérieux, ainsi que leur inertie devant la fonction non-dite de l’invité – officiellement une espèce de « penseur global sans frontières » – poussent ce dernier dans le piège de sa vanité triomphante. Jacques, emporté par son propre flow, lâche son camembert, comme on dit dans la fable. Floc !
- Photo réalisée avec trucage
Déjà un milliard d’êtres humains attalistes sans le savoir
Au départ, comme d’habitude, le sympathique intellectuel ultracapitaliste débarque devant les gogos avec un nouveau produit. Ce coup-ci, c’est « l’économie positive ». Un blabla autour du « capitalisme patient », celui qui investit à long terme, loin du capitalisme prédateur obnubilé par son intérêt à court terme, vous savez, celui des… copains de Jacques. D’ailleurs, à l’entendre, parfois, on dirait qu’il est compagnon de route du Front de gauche mais heureusement, les fondamentaux reviennent au galop : Jacques plaide pour une Europe fédérale, et surtout, un gouvernement mondial. Tout cela n’a aucun rapport avec l’économie positive, l’économie sympa quoi, qui ne fait pas souffrir la terre et qui rapproche les humains, mais c’est pas grave, à l’oral, on peut enchaîner n’importe comment, de toute façon, les journalistes en plateau ont été désarmés à l’entrée. Ils savent très bien que de ridiculiser les concepts flous de l’éminence grise de deux Présidents de la république peut avoir une incidence négative sur la carrière.
- Miss RFI tétanisée 2013
Frédérique Misslin osera quand même, avant de retourner dans sa niche pendant tout le reste du débat, une question basique : « Ce capitalisme patient, ce capitalisme altruiste, on a quand même du mal à voir ce que ça donne concrètement dans la vie au quotidien. »
Ma bonne dame qu’est-ce que tu viens pas de dire là !
Passing-shot de revers décroisé du génie :
« C’est un milliard de personnes aujourd’hui ! Quand nous avons commencé y a 15 ans c’était 7 millions de personnes…
– Un milliard de personnes ? », répète l’animateur Xavier Lambrechts, éberlué.
Oui, un milliard d’humains, sans le savoir, appliquent déjà le jacquattalisme. Qui précise : « Le partage, c’est dans notre intérêt… Ce qu’on appelle l’altruisme rationnel… J’ai intérêt à ce que les autres soient pas pauvres… » On en voit un exemple parfait en Cisjordanie, où les Israéliens font tout, mais alors vraiment tout, pour que les Palestiniens accèdent à la propriété, à la richesse, tout ça. Impressionnés, les témoins de ce tour de magie perdent la parole. Et quand l’un d’entre eux demande timidement au Maître ce qui peut arriver si l’on n’applique pas le programme, la réponse cingle :
« Le risque c’est le déclin, et en France on a toujours vu quand le peuple prend conscience du déclin, il se révolte, il fait la révolution. […] La France se réforme par secousses… Les trois dernières secousses ont été 45, 58 et 81, c’est pas être un expert sismique extraordinaire que de dire qu’il y en aura une bientôt ! […] Les gens diront : le système capitaliste ne marche pas. […] Le capitalisme est en train de se suicider par le fait que la croissance n’est nourrie que par la dette ; à un moment y aura une remise à zéro des comptes qui se fera par la guerre et, ou par l’inflation… C’est l’inflation ou la guerre. »
C’est l’Attali ou la war
Déclin, révolution, suicide, guerre, inflation. Il ne manque plus que cannibalisme. Tiens, on dirait curieusement l’Allemagne de 1933… avec l’inflation ET la guerre !
L’animateur, Xavier Lambrechts, oublie les consignes de sécurité face au grand fauve et lâche un dramatique : « Nos, dettes, il faut les rembourser ? » Oh purée le pauvre. Il va prendre cher, vous allez voir : « Par définition. Si vous remboursez pas vos dettes, d’abord ceux qui ont prêté sont punis, et en France tous ceux qui ont un livret de caisse d’épargne verront leur caisse d’épargne vidée si on rembourse pas la dette, puisque la moitié de la dette française est détenue par les Français. »
Attention les petits Français avec vos petits sous, car si on veut pas payer les intérêts à qui vous savez (qui a dit « la finance internationale » ?), eh ben on va tout vous rafler ! Alors que plusieurs pays surendettés se sont assis sur leur dette, quand ils ne pouvaient ou ne voulaient tout simplement pas rembourser (Côte-d’Ivoire, Équateur).
Lambrechts, qui n’a toujours pas compris qui c’était le patron, va encore lâcher une caisse, lorsque Jacques saute à la crise syrienne en défendant Hollande, le comique qui voulait bombarder Damas :
« S’il baisse dans les sondages parce qu’il voulait intervenir en Syrie, tant mieux, parce que je pense que c’était une très bonne décision et que la décision américaine de ne pas y aller est une tragédie, pour la liberté la démocratie dans le monde.
– Ça aurait été un coup de pied dans la fourmilière absolument explosive, embraye le malheureux Lambrechts.
– Vous pourriez employer la même formule si vous étiez en 38 face à l’Allemagne hitlérienne et où il fallait surtout pas signer des accord de Munich, donc vous voyez qu’il y a des parallèles qu’il faut éviter de faire. Il faut arrêter à un moment le risque. »
Le parallèle qui tue, le point Godwin de la mort ! Or n’importe quel esprit légèrement lucide aurait dû demander quel était le rapport entre une Syrie attaquée en 2011 par une coalition internationale sur des motifs extrêmement douteux, et l’Allemagne de 1938, revancharde, surpuissante, avec son armée moderne, prête à écraser l’Europe sous ses divisions blindées. Il y a des parallèles qu’il faut éviter de faire, n’est-ce pas.
- Bienvenue à Mogadiscio
La somalisation, à ne pas confondre avec la somatisation
Après avoir roulé du haut de son char Merkava sur les 3 journalistes, Jacques va porter l’estocade finale, la banderille « je vous avais prévenus bande de goys ». L’outil conceptuel qu’il sort de sa poche de vendeur ambulant de lotions miraculeuses, c’est la « somalisation ». Elle est censée expliquer la dérive financière mondiale (de ses petits copains) par l’absence d’État… mondial ! Démonstration :
« Moi j’ai souvent comparé le monde à la Somalie. La Somalie c’est un pays sans État. Un pays sans État c’est un pays où tout est possible y compris la criminalité, l’illégalité, etc. Le monde c’est une sorte de gigantesque Somalie aujourd’hui dans la mesure où vous avez un marché, mais pas d’État mondial, vous avez pas de police mondiale. Donc tout naturellement va se développer l’économie illégale, la fraude fiscale et l’économie criminelle, la drogue, la prostitution, etc. [...] C’est 20 % du PIB mondial en économie illégale… C’est la lourde tendance de somalisation de la planète… La mondialisation qui a un immense avantage, c’est qu’on a un marché global mais pas d’État global, ça ne peut pas tenir, on court à la catastrophe. Et le plus vraisemblable comme on va être sans doute incapables de mettre en place des institutions planétaires, c’est qu’on verra des partis comme madame Le Pen ou d’autres un peu partout réclamer le retour à la nation, à la fermeture des frontières pour l’empêcher ce qui sera encore pire évidemment, ce qui entraînera des siècles obscurs. »
Mmh, les siècles obscurs, le néo-Moyen Âge occidental, le retour à la barbarie, les cavaliers de l’Apocalypse… C’est la promesse positive de notre ami Attali… si on fait pas c’qu’il a dit Jaquadit !
Ah, quand même, le point d’orgue, la question de Philippe Escande, du Monde : « Les peuples n’en veulent pas de l’Europe fédérale, alors est-ce qu’il faut leur imposer ? »
Jacquadit : « Les peuples n’en veulent pas, c’est beaucoup dire, je ne sais pas si les peuples n’en veulent pas… On manque de personnes qui seraient capables de guider… C’est comme dans une famille encore une fois, les enfants peuvent vouloir des choses que leurs parents les poussent à vouloir… Si on n’a pas d’Europe fédérale l’euro va disparaître, si l’euro va disparaître nous entrons dans un déclin irréversible de notre niveau de vie et de la démocratie. »
Lambrechts, vaincu : « Merci Jacques Attali d’avoir fait ce bouillonnement d’idées pendant 50 minutes. »
Attends, c’est pas une allusion à la chasse d’eau quand même ?