C’est Jacques Sapir qui pose la question dans un récent papier alors même que les Grecs viennent de manifester en masse dans une nouvelle grève générale pour dénoncer les politiques d’austérité, juste après la venue de François Hollande dans leur pays.
L’horreur économique
Il commence ainsi son papier : « les nouvelles qui parviennent de Grèce sont chaque jour plus tragiques. S’il fallait un exemple de la faillite des politiques d’austérité, ce pays nous en fournirait un éclatant. Mais ce pays n’est pas un ‘exemple’. Il est constitué de 10 millions de personnes qui souffrent dans aucun espoir de secours ». L’économiste a bien raison de parler de la sorte car on mésestime la somme de souffrances par lesquelles ce pauvre pays passe depuis 2010.
L’explosion du chômage (27% aujourd’hui), la baisse des salaires, les coupes drastiques dans les dépenses publiques, au mépris de la santé et de la sécurité de la population. Ce qui est fait ici est une honte absolu, une forme de crime économique commis contre un peuple par des fous dont la pensée est coincée dans des dogmes qui passent avant la vie de la population. J’ai profondément honte des politiques menées dans ce pays, que nous sommes beaucoup à dénoncer depuis 3 ans.
Dans ce papier, Jacques Sapir rappelle l’effondrement économique du pays, l’effroyable baisse du PIB depuis le second trimestre 2010 (-17% en deux ans et demi !), qui ne montre aucun signe de ralentissement et que toutes les mesures d’austérité complémentaires pour 2013 et 2014, devrait prolonger pour encore deux ans. Nous assistons à l’expérimentation d’une immense et extrêmement brutale régression sociale en se demandant comment le pays la supporte encore.
Vers un défaut rapide ?
L’effondrement économique du pays et sa difficulté à réduire ses déficits font penser à l’économiste qu’il pourrait rapidement être insolvable. Il juge que « seul un choc politique, un renversement de gouvernement, comme en Russie du fait de la crise financière, est à même de faire cesser cette spirale infernale. Il n’y a pas lieu de le redouter, mais bien au contraire de l’espérer ». Et il faut dire que les démissions de députés de la majorité au pouvoir peuvent mener à un tel scénario.
Cependant, il est aussi possible que l’agonie économique du pays dure plus longtemps. En effet, il ne faut pas oublier que l’Argentine, rentrée dans une crise similaire en 1998 (monnaie surévaluée, liée au dollar, politiques d’ajustement du FMI qui ont provoqué une grave récession) a attendu quatre longues années avant de trouver une issue politique. Bien sûr, la situation économique de la Grèce est pire, mais le contexte psychologique du pays est compliqué par le fait que l’Europe a été pendant un quart de siècle une main bienveillante pour le pays, qui ne veut pas se l’aliéner…
Du coup, les Grecs ont encore logiquement du mal à vouloir rompre avec cette mauvaise Europe, malgré les souffrances. C’est ce qui explique les résultats de l’élection de juin dernier, malgré les sept plans d’austérité. Mais ce n’est pas tout : après des années où le pays n’a pas tenu ses objectifs de réduction des déficits, il semblerait que, pour la première fois, Athènes tienne ses objectifs pour 2012 et 2013, même si cela vient après plusieurs révisions, ce qui relativise cette annonce.
Il est clair que la situation de la Grèce reste scandaleuse et devrait pousser à une révolte politique. Malheureusement, comme je le soutiens depuis trois ans, de puissantes forces de rappel font que cette agonie économique et la misère qui va avec pourraient malheureusement se poursuivre.