En Israël, un projet de loi qui définit le pays comme « l’État-nation du peuple juif » soulève une levée de boucliers. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou défend bec et ongles ce texte, alors que ses opposants craignent la mise en place d’un système d’apartheid, car il permettrait notamment de créer de nouvelles localités interdites aux Arabes israéliens.
Le sujet se termine à 3’20 :
« La démocratie n’existe que pour les citoyens juifs »
Le député arabe israélien Youssef Jabareen pointe les nombreuses discriminations auxquelles est confrontée sa communauté en Israël.
Comment vivent les citoyens arabes d’Israël ? Composant près de 18 % de la population israélienne, soit près de 1,4 million d’habitants, ces descendants des Palestiniens restés sur leurs terres après la création de l’État d’Israël possèdent en théorie les mêmes droits que leurs compatriotes juifs israéliens. Ils disposent même de 13 députés au Parlement (la Knesset), au sein de la Liste unifiée, une coalition regroupant le parti d’extrême gauche Hadash ainsi que trois formations arabes.
Chef du comité des relations internationales de la Liste unifiée, le député Youssef Jabareen (Hadash) était récemment de passage en France pour y rencontrer plusieurs responsables français et participer à l’université d’été de l’association France-Palestine Solidarité. Dans une interview au Point, ce député arabe israélien, également maître de conférences à la faculté de droit de l’université de Haïfa et de l’université Tel-Hai, pointe les discriminations légales et pratiques qui visent au quotidien sa communauté en Israël.
Comment doit-on vous appeler ? Arabe israélien ou Palestinien d’Israël ?
C’est une question importante relative à notre identité. En nous qualifiant d’Arabes israéliens, les institutions israéliennes tentent de créer une nouvelle identité pour notre communauté. Mais nous insistons sur notre identité arabe palestinienne, tout en étant également des citoyens d’Israël. Voilà pourquoi je préfère que vous me qualifiiez de « membre arabe de la Knesset ». N’oubliez pas, notre communauté est indigène. Après la Nakba (la « catastrophe » en arabe, soit l’exode forcé de 750 000 Palestiniens de leur terre durant la guerre israélo-arabe de 1948, NDLR), seuls 15 % des Palestiniens n’ont pas été expulsés par l’armée israélienne. Nous sommes donc ce qu’il reste du peuple palestinien qui vivait en Palestine avant 1948. Après cette date, nous sommes passés à près de 160 000. Aujourd’hui, nous sommes 1,5 million, soit 18 % de la population (israélienne). Nous sommes donc une communauté nationale, ethnique, religieuse, culturelle et linguistique. Toutefois, nous sommes victimes de politiques de discrimination au niveau économique et social.
Lesquelles ?
Si notre nombre a été décuplé depuis 1948, nous ne possédons plus que 50 % des terres que nous avions par le passé, en raison d’une politique continue de confiscation de la part du gouvernement. Alors qu’aucun nouveau quartier arabe n’a été construit en Israël, plus d’un millier de quartiers juifs ont vu le jour. En ce qui concerne la propriété foncière, il existe des statuts spéciaux pour les organisations juives et sionistes comme le Fonds national juif ou l’Agence juive qui ont beaucoup de prérogatives sur les projets de développement et, selon la loi, ne servent que la communauté juive. Nous sommes aujourd’hui peut-être la communauté la plus pauvre d’Israël en termes socio-économiques. Le gouvernement nous alloue moins de ressources et nous souffrons de difficultés d’accès aux services publics de base. Nos villages et nos villes, qui sont nos cités historiques, sont très densément peuplés, avec 90 % de notre communauté qui y vit. Et nous y souffrons d’un manque de financement, tant au niveau de l’éducation que de l’emploi.
Voulez-vous dire qu’un jeune Arabe israélien n’a pas les mêmes chances de réussir que son compatriote juif ?
Tout à fait. Comparés aux écoles juives, les établissements arabes sont sous-financés. Nous n’avons pas le droit d’administrer nous-mêmes nos propres écoles. Nous n’avons donc aucune influence sur notre système éducatif. Le programme scolaire est dicté par le gouvernement, or il ne reconnaît pas notre identité palestinienne. Ainsi, nous ne pouvons étudier notre histoire et notre culture, par exemple le grand poète palestinien Mahmoud Darwich. Pourtant, à l’intérieur de la communauté juive, il existe différents systèmes d’éducation décidés par des Juifs.
Israël n’est-il pourtant pas la seule démocratie du Moyen-Orient ?
Israël se définit comme un État juif et démocratique, dans cet ordre. Dans les faits, c’est un État juif pour les Arabes, et démocratique pour les juifs.