Jean Robin ou l’« intellectuel » iconoclaste ?
Jean Robin se présente comme un journaliste-éditeur insuffisamment invité à exprimer son point de vue dans les médias. En créant les éditions Tatamis, il s’est décidé à publier des ouvrages qui sont « refusés par d’autres maisons d’édition pour de mauvaises raisons ». Son avant-dernier livre, « La position du missionnaire », a été salué dans ces colonnes comme une analyse intelligente de la pensée d’Alain Finkielkraut. Nous souhaitons ici revenir sur sa dénonciation de la « judéomanie » qui déferlerait en France – soit la très forte admiration suscitée par la communauté juive hexagonale. Une thèse contestable qui mérite cependant d’être décryptée.
AJ : D’une façon générale, vous ne mettez pas en cause les Juifs qui « demandent » mais les Institutions qui « acceptent ». Que suggérez-vous exactement ? Faut-il que les autorités accordent moins de « privilèges » (pour reprendre votre terme) à une communauté qui, par ailleurs, se considère de plus en plus en danger ?
JR : J’ai démontré que les Français juifs étaient favorisés médiatiquement, politiquement et juridiquement. Même s’il a subi l’omerta, mon livre n’a pas été poursuivi en justice, car j’y montre l’antisémitisme de ressentiment produit par cette discrimination positive. Je demande qu’on ne détourne pas les yeux de cette source-là d’antisémitisme, même si ce n’est pas la seule.
AJ : Vous êtes très critique contre le discours de Jacques Chirac du Vel d’Hiv qui, en 1995, reconnait la responsabilité de l’Etat français dans la Shoah. N’était-ce pas simplement admettre une réalité historique trop longtemps ignorée ?
JR : Cette déclaration de Chirac, ami personnel de Yasser Arafat, sépare les Français juifs et non juifs. L’Etat vichyste n’était pas la France, mais un gouvernement mis en place par les nazis. Des Français juifs ont aussi participé à la politique de déportation au sein de l’UGIF (Union Générale des Israélites de France, mise en place par les nazis). Reproche-t-on aux Français juifs d’avoir une responsabilité dans la Shoah ?
AJ : Au fond, votre livre permet de prendre conscience que la « visibilité » des Juifs peut être un problème. Que faudrait-il faire ?
JR : La visibilité des Juifs ne pose aucun problème dès lors qu’elle est similaire à celle dont bénéficient les autres Français. Ni plus, ni moins. Que faire ? C’est simple : de la loi Gayssot à abroger au dîner annuel du CRIF où les politiques ne doivent plus se rendre, il y a quelques signaux forts à envoyer à l’opinion publique pour faire baisser l’antisémitisme dans le pays. Et bien sûr appliquer les mêmes principes d’égalité et de neutralité à toutes les minorités revendiquées, les juifs ne sauraient être les seuls à être concernés, c’est là tout mon propos.