Un homme, Alexei Leonov, flottait pour la première fois dans l’espace. C’était le 18 mars 1965. Une sortie de 23 minutes et 41 secondes.
Les Moscovites ont l’oreille collée à la radio, d’autres voient en différé les images venues de l’espace. Elles sont un peu troubles, les blancs un peu saturés mais l’exploit se déroule sous leurs yeux ébahis. Leur compatriote, cosmonaute depuis 1960, le pilote de chasse Alexei Leonov quitte la capsule Voskhod2, en scaphandre.
Les images qui suivent montrent un Leonid Brejnev au téléphone conversant avec le nouvel héros national. Leonov est le premier homme à effectuer une sortie extravéhiculaire. Les Soviétiques gagnent une manche dans la course folle à la conquête de l’espace entre États-Unis et URSS.
Alexei Leonov n’a pas encore trente ans, il pilote, il a de bonnes notes et il croque, à l’occasion, personnages et paysages, sur un carnet. Il aime la peinture.
Le père du programme soviétique de l’espace Sergeï Korolev le choisit pour une mission précise : sortir d’une capsule, nager dans l’espace noir et froid comme les marins dans l’océan.
Dix huit mois d’entraînement, du ski, l’apesanteur, en compagnie de son co-équipier Pavel Belaïev, le commandant de la mission, le pilote. Ils apprennent même à filmer car leur mission doit laisser une trace pour l’histoire.
Le vaisseau décolle tôt le matin le 18 mars , se met en orbite. Le capot se soulève, la tête casquée de Leonov apparaît.
Il explique :
"C’est surtout le silence qui me frappa le plus. C’était un silence impressionnant, comme je n’en ai jamais rencontré sur Terre, si lourd et si profond que je commençai à entendre le bruit de mon propre corps [...]. Il y avait plus d’étoiles dans le ciel que je ne m’y étais attendu. Le ciel était d’un noir profond, mais en même temps, il brillait de la lueur du Soleil… La Terre paraissait petite, bleue, claire, si attendrissante, si esseulée. C’était notre demeure, et il fallait que je la défende comme une sainte relique. Elle était absolument ronde. Je crois que je n’ai jamais su ce que signifiait ’rond’ avant d’avoir vu la Terre depuis l’espace".
Il s’extirpe lentement, derrière lui, la terre est si ronde. Un tube flotte à sa gauche, c’est son cordon ombilical qui le relie à l’engin spatial. On voit ses pieds sur l’archive, sa tête est en bas, il se met à nager.
Pendant 12 minutes et 9 secondes ensuite, le cosmonaute va à 5 mètres de la capsule, faire des cumulets. Un casque, une combinaison qui aujourd’hui exposés à la cité des étoiles à Moscou ressemblent tellement à du papier léger. Leonov filme la terre ronde, le Caucase, la Crimée, la Volga.
La rentrée dans Voskhod2 est très compliquée. Le scaphandre s’est dilaté, les mains et les pieds ne sont plus bien positionnés. Leonov se débrouille pour faire baisser la pression, il s’engouffre tête la première vite, très vite. La température de son corps ne cesse de grimper, un vrai sauna cette combinaison.
Les deux hommes reprennent les commandes et pilotent manuellement l’engin spatial. Ils reviennent sur terre, victorieux et héros à tout jamais .
En 1968, le réalisateur britannique Stanley Kubrick intègre l’enregistrement de son battement cardiaque dans son film "2001, A space Odissey". En 1975, Leonov est commandant de l’équipage du vaisseau Soyouz 19 et participe à la naissance de la coopération spatiale entre les deux super puissances.
Alexeï Leonov est le premier humain à avoir dansé avec les étoiles. C’était il y a 50 ans , le 18 mars 1965.
Alexeï Léonov, le piéton de l’espace :