Il suffit de regarder une carte pour comprendre que la présence française en Afghanistan est indispensable à la sécurité de notre pays. L’Afghanistan est en effet situé entre l’Iran et le Pakistan, deux Etats qui représentent une menace directe pour la France. Si les Grecs n’avaient pas battu l’empereur Darius Ier à Marathon en 490 (av. J.-C.), peu avant de défaire son fils Xerxès en 480 à Salamine et en 479 à Platées, il est évident que les ancêtres des Iraniens n’auraient pas hésité à envahir la France, sans doute par Dijon, qui est en ligne droite de l’Hellespont. Est-il besoin par ailleurs d’insister sur l’hostilité permanente du Pakistan à notre égard ? Bien sûr, il s’agit de détails. Le Pakistanais est trop fin, trop subtil, pour attaquer le Français de front. Il préfère, en bon Oriental, prendre des détours, user de circonvolutions. Exemple : dans un pays de 162 millions d’habitants, seuls 1 million de Pakistanais sont catholiques, bien que cette religion soit majoritaire en France. Cela montre qu’à Islamabad il y a un fort sentiment antifrançais qu’il convient de combattre les armes à la main, même si elles ne sont pas toujours de pointe.

Au nord de l’Afghanistan, que trouve-t-on ? Le Tadjikistan. Qui a été soviétique jusqu’en 1991. Donc russe. La Russie : notre ennemi héréditaire, bien davantage que le furent autrefois l’Angleterre et naguère l’Allemagne. Qui ne le sont plus. Alors que la Russie l’est encore. Les Russes ne sont-ils pas en train d’envahir la Côte d’Azur ? Leurs milliardaires d’élite occupent désormais le cap Ferrat. Par le Tadjikistan s’infiltre en Ouzbékistan, depuis l’été 1999, le MIO (Mouvement islamique d’Ouzbékistan). Une des nombreuses organisations terroristes qui, pour reprendre une expression chère à notre ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, et fréquemment reprise par notre président de la République, Nicolas Sarkozy, menacent la liberté du monde. En occupant l’Afghanistan, la France surveille les incessantes allées et venues du MIO et permet ainsi aux Gascons et aux Bretons aussi bien qu’aux Alsaciens et aux Camarguais de rester libres.

A l’ouest du Tadjikistan, il y a donc l’Ouzbékistan, autre ancienne république soviétique. Donc méfiance. 85 % de musulmans. Double méfiance. En Ouzbékistan, c’est encore pire qu’au Pakistan : il n’y a aucun catholique. Qui oserait qualifier cette situation de normale ? Il s’agit donc, tout en maintenant l’ordre en Afghanistan, cet ordre essentiel à la démocratie française et pour lequel notre pays est prêt à tous les sacrifices en hommes comme en matériels, de ne pas relâcher notre attention sur un pays de 27 millions d’habitants dont pas un seul ne va à la messe. On ne saurait trop rappeler les attentats du 30 juillet 2004 contre les ambassades israélienne et américaine qui ont fait trois morts et ne laissent guère de doute sur la nature des sentiments que, dans les profondeurs du peuple ouzbek, on a pour ces deux grandes démocraties amies de la France. La place me manque pour évoquer en détail la complexité des relations franco-turkmènes, mais, comme Kaboul, Islamabad et Tachkent, il est indispensable que l’armée française garde un oeil sur Achgabat, à la tête, ne l’oublions pas, de la onzième réserve de gaz mondiale.

Patrick Besson

Source : http://www.lepoint.fr