Il y a eu d’un coup deux bonnes nouvelles sur le plan de la morale personnelle et de la dignité publique.
Michèle Laroque, compagne de François Baroin notre ministre du Budget, va se rapatrier fiscalement à partir de ce mois de mai (Le Canard enchaîné). Quelles que soient ses motivations dont la principale est facile à deviner, les occasions de se réjouir du respect d’une forme d’éthique sont trop rares pour qu’on s’abandonne à une ironie qui n’a pas lieu d’être. Je me souviens que certains couples politico-médiatiques, sur un autre registre, n’ont pas eu l’élégance de Michèle Laroque !
Louis Gallois continue de surprendre. La rigueur et l’honnêteté lui sont naturelles. Il n’hésite pas sans doute à se faire des ennemis puisqu’il donne le bon exemple -donc le mauvais, pour certains de ses pairs - en se privant de plus d’un million d’euros. Au lieu d’admirer, j’entends déjà les esprits aigres répliquer qu’il lui restera 900 000 euros ! Il n’empêche. (nouvelobs.com, lepoint.fr)
Abordant la morale et les devoirs qu’il convient de s’imposer à soi-même, j’en arrive naturellement à Charles de Gaulle. Même sans l’avoir connu on peut en avoir une idée juste et forte quand on se passionne pour l’Histoire et qu’on a pu lire, par exemple, l’excellent livre de Thierry Desjardins. Celui-ci recueille les multiples témoignages de ceux qui ont travaillé avec de Gaulle et ont apprécié, au fil des jours, ses immenses qualités et ses défauts évidents. Il y a, depuis quelques années et aujourd’hui plus que jamais, une volonté de s’afficher dépositaire de la pensée gaulliste, détenteur d’un morceau de la vraie croix qui serait ridicule si de Gaulle lui-même ne continuait pas de peser, au moins par contraste, sur notre vie politique.
On apprend que Michèle Alliot-Marie veut développer l’action de son club Le Chêne pour amplifier le courant gaulliste au sein de l’UMP. Les sénateurs vont bénéficier de la même sollicitude que les députés. Apparemment, ce désir de monter en puissance serait lié à la création le 19 juin de la structure de Dominique de Villepin. Il s’agirait d’une lutte entre gaullistes ou nostalgiques de de Gaulle pour ne pas laisser déposséder « Le chêne » de ce qui lui reviendrait de droit contre les usurpateurs.
Il est piquant d’entendre l’un des porte-parole du club, le député Nicolas Dhuicq, énoncer sans rire que « l’une des valeurs essentielles du gaullisme était la loyauté ». Michèle Alliot-Marie elle-même, au plus fort de la controverse entre le président de la République et Dominique de Villepin, avait déclaré que le gaullisme - je cite de mémoire - aimait les gens. Ces opinions très conjoncturelles n’avaient et n’ont pour but que de montrer que Dominique de Villepin est éloigné de ces qualités. De Gaulle, d’une certaine manière, est privatisé, rapetissé.
Tout de même, dans sa politique et dans son comportement public, en dehors d’une parfaite urbanité personnelle et d’une exemplaire probité au quotidien, il est difficile de prétendre que la transparence et l’idéalisme étaient les vertus fondamentales du créateur de la Vème République. Il s’adaptait à la réalité, n’hésitait pas à justifier les moyens par la fin - sa stratégie pour l’Algérie notamment -, exigeait l’inconditionnalité et la soumission, était tout sauf un tendre et ne brillait pas par une conception très optimiste de la nature humaine et des Français. Loyal quand c’était nécessaire. Aimant quand c’était possible.
En réalité, « la valeur essentielle du gaullisme », voire sa valeur exclusive, c’était de Gaulle lui-même. Qu’on l’ait détesté ou porté aux nues, c’est autour de sa seule personnalité que tout s’ordonnait, se faisait ou se défaisait. Il est peu de politiques aussi indissolublement liées à leur inspirateur. Le gaullisme, c’est un être d’exception refusant de se laisser enfermer dans quoi que ce soit et en ce sens il est absurde de laisser croire que la vraie croix pourrait être encore aujourd’hui légitimement revendiquée par un club ou une faction. Le ton ne suffit pas ! C’est une singularité insaisissable. Ce n’est pas un capital à exploiter.
Pour la classe politique, il est consolant d’accoler au gaullisme des principes si généraux qu’elle peut feindre de les respecter. Mais Charles de Gaulle est mort et il est illusoire de prétendre faire renaître ce qui ne tenait qu’à lui.
On a le droit de le rêver, pas de se l’approprier.