Hélène Carrère, dite Hélène Carrère d’Encausse, née Zourabichvili le 6 juillet 1929 à Paris, est une historienne française, diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris, docteur (1963) et docteur d’État (1976) ès lettres.
Membre de l’Académie française depuis 1990, elle utilise le titre non féminisé de « secrétaire perpétuel » aussitôt après son élection en 1999. Elle est également député européen de 1994 à 1999.
Il est éclairant d’écouter ce qu’elle pouvait dire en 2018, loin de tout le tam-tam actuel lié à l’intervention russe en Ukraine. Les prodromes de la situation actuelle étaient déjà connus et donc annoncés devant un parterre de députés qui applaudirent l’académicien mais n’en écoutèrent pas les avertissements, comme toujours.
Boris Eltsine a été réélu en 1996, ça n’était peut-être pas très heureux, il a été réélu disons-le tout simplement parce que les États-Unis ont manipulé l’élection, c’est le moment de le dire dans la mesure où l’on s’intéresse à qui manipule les élections, c’est un usage qui se pratique apparemment, l’exemple russe le montre.
[...]
(...) le plus grave, c’est la négation du statut de la Russie en 1999, à l’époque de l’histoire du bombardement de la Serbie. La Russie s’est vu déniée son statut d’État international existant, de membre permanent du Conseil de sécurité. Bombarder un pays européen en période de paix, est-ce que ça se fait comme ça ? Ca relevait des Nations Unies, du Conseil de sécurité. On n’a pas consulté le Conseil de sécurité pour que la Russie ne puisse pas se prononcer. Vous savez ce qu’elle aurait dit. Ca prouve qu’on peut faire ce qu’on veut de temps à autre.
[...]
C’est le moment où commence la discussion sur l’entrée de la Pologne dans l’OTAN, sur un élargissement de l’OTAN. Je voudrais rappeler un point fondamental, que quand Gorbatchev et le chancelier Helmut Kohl ont débattu de la réunification possible de l’Allemagne, Gorbatchev avait posé comme condition que l’OTAN ne s’élargissait pas à l’Est. Et là-dessus on peut raconter ce qu’on veut mais, et le chancelier Kohl et James Baker avaient écouté le discours et avaient admis que oui, l’OTAN n’avait pas de raison de s’élargir à l’Est dès lors que tout le système changeait. J’ai moi-même posé la question à Gorbatchev un jour, parce que ça m’a torturé, je lui ai dit : « Expliquez-moi, pourquoi vous n’avez pas fait acter ça par écrit ? ». Et Gorbatchev m’a dit très gentiment : « Ecoutez, on commençait à traiter entre gens qui avaient un esprit démocratique, on a pensé qu’on était entre gens normaux, de bonne compagnie, par conséquent je n’allais pas leur dire de me signer un papier ». Gorbatchev n’en est toujours pas revenu qu’un engagement pris soit balayé comme ça. Je ne plaisante pas parce que là c’est tout de même très important. Ca montre l’ampleur du désarroi des Russes devant ce dialogue de sourds avec le monde occidental qui a le droit de faire ce qu’il veut par moment.
Le discours dure une petite quarantaine de minutes, suivi de questions-réponses, dont celles de Jean-Luc Mélenchon, Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen.