Des documents déclassifiés et publiés par un institut américain indépendant montrent comment la guerre en Irak a été planifiée dès l’arrivée au pouvoir de George W. Bush, et comment Donald Rumsfeld s’est minutieusement attaché à récolter tous les prétextes possibles à une invasion.
Les documents officiels ont été déclassifiés cette semaine et publiés par le National Security Archive, un institut de recherche indépendant. Cette ouverture au public a été obtenue grâce à une requête au nom de la liberté d’information (Freedom of Information Request).
La période visée, contrairement aux usages en matière de déclassification de documents confidentiels, est des plus récentes : il s’agit tout simplement de celle qui couvre la préparation par l’administration Bush de la guerre en Irak, qui devait permettre de renverser le dictateur Saddam Hussein. Et ces documents confirment que l’équipe Bush s’est attelée, dès son entrée à la Maison Blanche, à trouver comment justifier une guerre en Irak.
L’administration américaine a déjà reconnu, par le passé, que le régime de Saddam Hussein n’avait joué aucun rôle dans les attentats du 11-Septembre. Mais les documents publiés cette semaine vont plus loin : ils montrent comment, quelques heures à peine après les attentats, le secrétaire à la Défense d’alors, Donald Rumsfeld, a évoqué une attaque de l’Irak en même temps que la traque d’Oussama Ben Laden.
Cette évocation figure dans les minutes d’une réunion tenue à cette époque. Rumsfeld a alors ordonné à un avocat du Pentagone de se consacrer, avec un adjoint, à trouver "un fondement" à un lien supposé entre le régime irakien et le chef d’Al-Qaïda.
Le grand mensonge nucléaire
Dès juin et juillet 2001, de hauts responsables ont saisi des tubes d’aluminium, les présentant comme des preuves d’une stratégie d’armement nucléaire de l’Irak avant même que ces tubes ne soient examinés, relatent encore deux notes internes du Département d’Etat transmises au secrétaire d’Etat d’alors, Colin Powell. Problème les tubes se sont vite révélés sans rapport avec le secteur nucléaire.
La confrontation avec l’Irak était aussi le sujet d’une note de juillet 2001 adressée à Condoleezza Rice, conseillère à la sécurité nationale à l’époque. Rumsfeld y exigeait la tenue d’une réunion à haut niveau sur la stratégie à employer vis-à-vis de Bagdad. S’inquiétant de l’inefficacité des sanctions et de l’amélioration de la défense aérienne irakienne, le secrétaire à la Défense affirmait : "dans quelques années, les Etats-Unis vont sans aucun doute affronter un Saddam doté d’armes nucléaires".
Prévoyant qu’une guerre serait un succès, Rumsfeld affirmait que la chute de Saddam Hussein augmenterait le prestige de Washington dans la région et dans le monde entier.
"Si le régime de Saddam tombe, nous serons dans une bien meilleure position dans la région et ailleurs", écrivait-il. "Un succès majeur en Irak renforcerait la crédibilité des Etats-Unis et leur influence dans toute la région".
Un autre document montre que dès l’hiver 2001, deux mois après l’invasion de l’Afghanistan, Donald Rumsfeld a discuté les plans d’une attaque de l’Irak, qui sera finalement lancée en mars 2003. Au cours d’une réunion avec le général Tommy Franks, ancien commandant en chef du Centcom, chargé de la région Moyen-Orient, le secrétaire à la Défense lui ordonne que les forces armées soient prêtes pour "la décapitation" du régime irakien.
Lors d’un exposé le 27 novembre, il fait la liste des prétextes utilisables par l’administration pour déclencher une guerre, citant les actions militaires de l’Irak contre l’enclave nord du pays à population kurde protégée par les Américains, la découverte de prétendus liens entre Saddam et le 11 Septembre ou des attaques au bacille du charbon, ainsi que les disputes à propos des inspections d’armements par l’ONU.
Une note du 18 décembre 2001 d’une cellule d’analyse du département d’Etat avertit enfin que la France et l’Allemagne s’opposeront à l’invasion de l’Irak sans preuve concrète que Bagdad est derrière les attentats de 2001. Cette même note craint que le soutien du Premier ministre britannique n’ait un prix politique élevé pour Tony Blair, et redoute les réactions possibles au sein de la population musulmane de Grande-Bretagne.