« Voix de vieille pédale », « accent juif tunisien »… Les informations personnelles d’un demi-million de personnes ont été collectées, parfois dans des termes insultants.
« Accent du Maghreb », « voix de vieille pédale », « séropositif »… Pendant près de quinze ans, les auditeurs qui appelaient le standard d’Europe 1 ont été fichés par la station, parfois selon leur orientation sexuelle, leur origine raciale ou leur état de santé, et dans des termes injurieux. Comme l’a révélé Mediapart, dimanche 24 février, ce fichage a été mis au jour à la faveur d’une inspection de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) dans les locaux d’Europe 1, à l’été 2016, dont Le Monde a eu confirmation.
Lorsqu’ils reçoivent un appel, les standardistes de la station – comme ceux de la plupart des radios – renseignent dans un logiciel informatique le nom des auditeurs, leur profession, leur numéro de téléphone ou encore leur qualité d’expression, afin de planifier leur intervention à l’antenne. Mais des appréciations plus personnelles, inscrites dans une case « commentaire », ont été découvertes par les contrôleurs de la CNIL.
Certaines de ces mentions ont trait à l’origine raciale supposée des auditeurs : « accent juif tunisien, insistant et désagréable », « accent du Maghreb, pas toujours claire », cite le gendarme des données personnelles dans son rapport en avril 2017. D’autres, à leur santé – « Patrice séropositif », « plus alcoolique mes fesses ! », « arrêt maladie, traitement pour un cancer » – ou leur sexualité : « il est homo », « c’est un ancien hétéro, qui est devenu homo ». La CNIL rapporte également plusieurs commentaires délibérément « insultants ». Parmi eux : « gros con », « connard qui nous a déjà bien fait chier », « voix de vieille pédale ! », « ne répond jamais ce fdp [fils de pute] ». Un fichage interdit par la loi
Certes, l’autorité indépendante reconnaît la nécessité pour la radio de recueillir des informations sur ses auditeurs dans la mesure où « ceux-ci sont amenés à prendre la parole à l’antenne, et où la station cherche à déterminer quelles interventions seraient susceptibles de valoriser le contenu des émissions ». Mais le fichage entrepris par Europe 1 est selon elle « excessif » et « contraire aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 ». Cette dernière interdit la collecte sans consentement de données portant sur la prétendue origine raciale ou ethnique, les convictions religieuses, la santé ou encore l’orientation sexuelle d’une personne, sous peine d’une amende pouvant atteindre 1,5 million d’euros.