Ecoles, routes, mais aussi patrouilles de police ou appels d’urgence des pompiers : l’austérité oblige les services publics britanniques à se délester de nouvelles tâches, quitte à briser des tabous en matière de privatisation, comme à l’époque de Margaret Thatcher.
Mais, contrairement à l’ancienne "dame de fer" qui brandissait dans les années 1980 la bannière libérale pour justifier la vente de British Airways ou British Telecom, le gouvernement du Premier ministre conservateur David Cameron joue la carte du pragmatisme.
"Il ne s’agit pas d’idéologie, de dire que le service public est mauvais et le secteur privé est bon. Nous n’avons pas d’argent et nous devons donc étudier toutes les options possibles", a résumé le député conservateur Matthew Hancock.
A la recherche désespérée de fonds, les organismes publics, dont les ressources doivent baisser de 20% en moyenne sur cinq ans, multiplient les initiatives pour garder la tête hors de l’eau.
Les forces de police du Surrey (sud) ont ainsi décidé de mettre en concurrence des sociétés privées en envisageant de leur confier des patrouilles de surveillance, la conduite d’enquêtes criminelles ou la détention de suspects.
Le groupe britannique de sécurité G4S, un des géants mondiaux du secteur, vient quant à lui de remporter un contrat pour concevoir, construire et gérer un commissariat du Lincolnshire (nord-est), dont les deux-tiers du personnel devraient être placés sous sa responsabilité directe.
La Fédération des polices d’Angleterre et du Pays de Galles a protesté, en rappelant que les groupes privés concernés "répondront en dernier ressort à leurs actionnaires et non au public qu’ils servent".
Unison, le principal syndicat de fonctionnaires, a dénoncé des "expérimentations dangereuses". Il s’est alarmé de projets inédits dans le domaine de l’éducation, certains collèges publics ayant lancé l’idée de se vendre à des investisseurs qui seraient rémunérés en fonction des "bénéfices" générés par l’établissement.
Les pompiers de Londres viennent eux de confier pour dix ans au groupe Capita la gestion des appels d’urgence, qui transitent par le célèbre "999". Près de 120 opérateurs doivent changer de statut d’ici cet été en passant du public au privé. Economie escomptée : 5 millions de livres (environ 6 millions d’euros) sur la durée du contrat.
Les appels à la police ou aux ambulances devraient subir le même sort, alors que le recours aux sous-traitants s’accélère tous azimuts dans les hôpitaux avec la réforme du service national de santé.
Aucune de ces annonces n’a suscité de tollé de l’opinion, à l’inverse des projets de privatisation du domaine forestier qui avaient touché une corde sensible chez les Britanniques et obligé l’an dernier le gouvernement à geler ses plans.
Une autre innovation pourrait s’avérer impopulaire puisqu’elle risque de toucher les Britanniques au portefeuille : M. Cameron a annoncé la semaine dernière qu’il envisageait de confier au secteur privé une partie du réseau routier, une première au Royaume-Uni qui ne possède à ce jour qu’un seul tronçon de 30 km d’autoroute privée et payante.
Le Premier ministre a expliqué que l’Etat devait trouver de "nouveaux modèles de propriété" pour financer la modernisation de ses infrastructures.
Un autre projet majeur, la privatisation du groupe public postal Royal Mail, va de l’avant et pourrait se concrétiser à l’automne 2013 par une introduction en Bourse ou une vente à un fonds d’investissement.
La crise a en revanche ralenti la revente de grandes banques partiellement nationalisées durant la crise financière de 2008/2009, notamment Royal Bank of Scotland (RBS), qui se traduirait en l’état actuel des marchés par une perte considérable pour le contribuable.