Il y a antiracisme et antiracisme
Si la situation intercommunautaire n’était pas aussi tendue en France, on prendrait le temps de rire de cet épisode ubuesque. Pensez donc, les professionnels de l’antiracisme formés par cet ami des peuples qu’est le Parti socialiste se heurtent au poisson-pilote des associations antiracistes qui placent l’antisémitisme au-dessus du racisme antinoir et anti-arabe. Parce qu’il faut dire les choses, et ne pas tourner autour comme le font les médias qui ont les chocottes desdites associations.
Dans ce pugilat par réseaux sociaux interposés, comme les choses ne sont pas dites, on se bat à coups d’antiracisme : c’est à qui sera le plus antiraciste. Évidemment, à ce petit jeu, le délégué interministrériel, engagé pour jeter de l’huile sur le feu par les marionnettistes de Manuel Valls (le dessin arrive), perd immanquablement, tant sa fonction est louche.
Vous voulez qu’on ailler plus loin ? OK. Il n’est là que pour créer un amalgame entre les musulmans français et les terroristes islamistes, pour que la communauté musulmane mette un genou à terre, et se soumette à la communauté juive. Parce qu’il semble que la première n’est pas suffisamment alignée sur les désirs de la seconde. On dit qu’elle n’est pas assez intégrée. Ben oui, à chaque manif sur la Palestine ou boycott des produits israéliens, il y a une majorité de musulmans. On dirait qu’ils ont pas compris qui dirige !
C’est mieux, comme ça ? Tout, dans ce que ce préfet indigne de sa fonction fait ou dit, va dans ce sens. Un préfet de la République joue une communauté contre une autre : non seulement il balance la souveraineté nationale aux toilettes (qui sont super bouchées vu tout ce que nos dirigeants y ont balancé), mais en plus, il place au-dessus de tout et de tous une communauté qui ne représente qu’elle-même, et qui n’a pas de pouvoir officiel. Ça fait beaucoup, et on comprend que les antiracistes de couleur (des Noirs ou des Arabes de France) ne soient pas contents.
Certes, la présence récupératrice de Tariq Ramadan n’a rien arrangé, mais un homme ne fait pas une manif. Si dans une manifestation de cathos contre le mariage gay se glisse un skinhead, ça y est, la manif est fasciste ? C’est le principe chimique des gouttes de colorant dominant qui est utilisé ici. Un amalgame dont les journalistes et hommes politiques raffolent, on l’a vu très récemment, avec la garde à vue de Najjari en Suisse.
Ce genre de coloration artificielle arrive en général quand on n’a pas assez noyauté le mouvement : car normalement, si les services font bien leur travail, les éléments radicaux et perturbateurs sont introduits en bonne place dans tout groupe d’expression politique. Ainsi, on peut toujours contrôler, par le débord, le groupe en question. C’est le problème des actions de masse, que la violence ou la radicalisation guette.
Tant que le malentendu perdurera, ces deux tendances s’écharperont sur la définition de l’antiracisme, parce elle est tout simplement faussée. L’antiracisme venu d’en haut est une escroquerie, car on voit bien qu’il y a deux antiracismes : le vrai, et le faux. Celui du bas, et celui du haut. Et aujourd’hui, ils semble malheureusement (pour le pouvoir) qu’ils soient décollés l’un de l’autre. Le faux antiracisme des dominants a perdu le contact et le contrôle de l’antiracisme venu des dominés, authentique celui-là, puisque les dominés en sont logiquement les victimes.
Il était temps, après plus de 30 ans de SOS Racisme qui ont bloqué ou ralenti l’intégration des populations immigrées. Pour la clique au pouvoir, il fallait que la France soit suffisamment méprisable pour que personne ne veuille devenir français. Et que le racisme des Français blancs contre les non-blancs perdure. Aujourd’hui que ce schéma ne tient plus, il faut que ce soit le racisme des musulmans de France qui empêche toute connexion entre les communautés, de souche et immigrée. C’est le plan d’ensemble, tout simplement. En vérité, ceux qui accusent les immigrés de ne pas s’intégrer ont tout fait pour qu’ils ne s’intègrent pas. Maintenant, ils les prennent dans la gueule. Pauvre Clavreuil, coincé entre le chien et l’os.
Gilles Clavreul accuse des associations de "légitimer l’islamisme" sur le réseau social. Au lendemain des régionales, son message passe mal.
C’est celui qui le dit qui l’est. C’est ce que semble affirmer Gilles Clavreul, délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme (Dilcra), dans un message posté sur sa page Facebook, dimanche 13 décembre.
Sur le réseau social, il dénonce une « offensive antirépublicaine menée par Tariq Ramadan, le Parti des indigènes [de la République] et un certain nombre de collectifs antidémocratiques, racistes et antisémites vendredi soir à Saint-Denis, avec le concours ou la bienveillance de certaines organisations d’extrême gauche et syndicats professionnels ». Il accuse certaines associations se réclamant de l’antiracisme de communautarisme, en plus de les tenir responsables de la montée de l’extrême droite.
Sur Twitter, dans la sphère militante antiraciste, des extraits de ce message circulent depuis lundi. Les militants interpellent des journalistes et ont créé un hashtag : #DilcraGate.
Les associations accusées de « légitimer l’islamisme »
Dans son message, Gilles Clavreul fait en fait référence au meeting organisé vendredi 11 décembre, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Tariq Ramadan – entre autres – y participait. Répondant à l’appel de plusieurs associations, et notamment du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), quelques centaines de personnes étaient venues écouter l’islamologue. Mais accusé de sexisme, d’intégrisme et d’antisémitisme, l’intellectuel musulman est contesté. Dernièrement, Ramadan a notamment condamné les attentats de janvier et ceux du 13 novembre, trouvant dans le gouvernement français et la politique qu’il mène à l’étranger des éléments favorables au développement du terrorisme.
Mais d’après la journaliste Widad Ketfi, engagée dans la lutte antiraciste et présente à Saint-Denis, rien de ce qui s’y s’est passé ne pourrait être assimilé à la radicalisation des esprits que Gilles Clavreul dénonce en décrivant une « offensive qui vise uniquement à légitimer l’islamisme, à défendre des prédicateurs fondamentalistes et à piéger la jeunesse des quartiers dans une radicalité sans issue ».
« Ce sont des accusations hyper graves »
Sur Twitter, elle est de celles et ceux qui, incrédules, ont confronté l’ancien conseiller de François Hollande. « À aucun moment des propos racistes ou antisémites n’ont été tenus. Le premier sujet, c’était l’intervention de la France en Syrie, le deuxième, l’état d’urgence et l’islamophobie », explique-t-elle, contactée par francetv info. « Il a parlé de “collectifs antidémocrates, racistes, antisémites”, ce sont des accusations hyper graves. Je lui ai demandé de clarifier son accusation. »
Sur son compte Twitter, le préfet a réaffirmé sa position, en condamnant un CCIF « qui n’a jamais eu un mot pour les victimes de l’hypercasher » (ce qui a été démenti par le CCIF). Pour Widad Ketfi, « c’est de l’ordre de la diffamation ». Sur Twitter, la porte-parole du collectif Stop le contrôle au faciès, Sihame Assbague, est aux devants de ce mouvement qui dénonce la hiérarchisation des racismes que semble prôner Gilles Clavreul et a fait du hashtag #DilcraGate l’un des plus populaires sur Twitter dans la journée de lundi.