Un artiste doit-il, forcément, être consensuel ? Dieudonné est-il toujours un artiste ? Donne-t-il des spectacles ou des meetings ? Au-delà de ces questions hautement philosophiques, Marseille n’a pas échappé à la polémique qui précède, à chaque fois, la venue de l’ancien complice d’Elie Semoun. Programmé le 2 février prochain au Silo, salle de spectacles et non tribune politique, le dernier One-man-show du sulfureux humoriste fait grincer des dents et s’incruste même dans les municipales.
C’est d’abord une pétition assez confidentielle sur le Net qui a mis le "sujet" sur la table. Dans une lettre ouverte adressée à Jean-Claude Gaudin, maire UMP de Marseille, et au préfet de région (sic), Jean-Paul Bonnetain, Alain Cohen-Sabban demande "l’annulation du "spectacle-comique" de Dieudonné". Pourquoi ? Parce que "sa venue sera fort probablement perçue par l’ensemble de la communauté juive comme une provocation et il est fort probable qu’elle se mobilisera pour manifester", parce que "ses discours antisystème ne sont que des subterfuges pour cacher sa véritable personnalité antisémite", parce que "l’histoire est là pour nous rappeler les dégâts qu’un "orateur" peut provoquer"… Dans le même temps, au ministère de l’Intérieur, on a décidé d’étudier "toutes les voies juridiques pour interdire les réunions publiques de l’humoriste". "De déclaration en déclaration, il s’attaque de façon évidente et insupportable à la mémoire des victimes de la Shoah", dénonce un communiqué de l’Intérieur.
Du côté de la Ville, dans un premier temps, on estimait que "le Silo était libre de sa programmation même si la Ville n’appréciait pas forcément Dieudonné". "Mais c’est le préfet qui doit intervenir s’il le souhaite", ajoutait-on. Deux heures plus tard, le ton était plus tranché : "La Ville demande au préfet d’interdire le spectacle de Dieudonné". "Mais pourquoi le maire ne le fait pas lui-même ? suggère Patrick Mennucci, candidat PS à la mairie de Marseille, regrettant lui aussi la tenue "d’un spectacle qui s’apparente plus à un meeting. Le Silo est la propriété de la Ville, cette salle est gérée en délégation de service public."
Harcelé de coups de téléphone, Thierry Biskup, directeur de Vega production qui gère le Silo, s’en tient aux consignes : "Je fais mon rôle de délégataire de service public sans aucune censure. Je n’ai aucun pouvoir de police pour annuler le spectacle. Mais si le ministre de l’Intérieur prend une décision, je m’y plierai. A titre personnel, s’il y a un dérapage, je ne cautionnerai pas." Il se murmure qu’on attendrait le 9 janvier, date à laquelle Dieudonné doit se produire à Nantes… ville du Premier ministre.
Dernièrement, la Ville de La Rochelle a été condamnée à verser à l’humoriste 40 000 € pour préjudice d’image et financier après l’interdiction de son spectacle.