C’est la polémique médiatique du moment. Après leur échange sur France 5, le débat fait rage entre la ligne Cohen, selon laquelle un journaliste pourrait avoir une liste noire arbitraire d’invités et la ligne Taddeï, qui consiste à recevoir toutes les personnalités représentatives dans le cadre de la loi.
Schneidermann dénonce la liste de Patrick Cohen
La polémique a été relancée de manière intelligente par la tribune « La liste de Patrick Cohen » de Daniel Schneidermann dans Libération, qui est venu à la défense de Frédéric Taddeï. Dans ce papier, le journaliste souligne que « c’est parfaitement le droit de Cohen de ne pas inviter Ramadan, Soral, Nabe ou Dieudonné. Aucun cahier des charges du service public de l’oblige à le faire (…) Cohen serait parfaitement fondé à dire “j’estime qu’il existe des théologiens plus pertinents, des humoristes plus drôles.” Manchettes, sujets, invités : être journaliste, c’est choisir, trier, hiérarchiser. »
Mais il critique le fait d’en faire une question de principe. Pour lui, « se priver d’invités parce qu’on n’est pas d’accord avec eux est, pour un journaliste payé par le contribuable, une faute professionnelle. Et non seulement c’est indéfendable, mais c’est contre-productif ». Visiblement vexé, Patrick Cohen a dit trouver « hallucinant que l’on considère que c’est une faute professionnelle de ne pas recevoir Dieudonné ». Mais cette ligne de défense est un sophisme bien peu solide.
Tout d’abord, il caricature outrageusement la position de son confrère, qui précise bien dans sa tribune qu’il avait parfaitement le droit de ne pas les recevoir. Ce que Schneidermann, comme Taddeï, expliquent, c’est qu’il n’est pas normal qu’un un journaliste du service public exclue par principe des invités avec lesquels il n’est pas d’accord, même s’ils respectent le cadre légal. En outre, Internet offre aujourd’hui un moyen d’expression qui permet à tout le monde de s’exprimer.
Censeurs contre démocrates
Mais cette passe d’armes n’a pas été la seule. La condamnation vient aussi bien des rangs de la gauche, comme de la droite. Sur Ragemag, Sarkofrance évoque « Le jour où Patrick Cohen nous a déçu ». Sur Causeur, Patrick Mandon évoque « l’homme aux ciseaux entre les dents » et conclut « auditeurs de France Inter, dormez en paix, Patrick Cohen, homme de devoir, prend soin de vos oreilles et de votre moralité. Fidèles de Ce soir ou jamais, soyez tranquille, Frédéric Taddeï, homme de culture, veille à garantir votre plaisir suprême : la liberté de choisir entre le bien et le mal ».
Le débat s’est prolongé à la télévision et à la radio. Dans son émission sur Direct 8, Cyril Hanouna a été d’une rare virulence contre Frédéric Taddeï affirmant que son audience limitée ne justifie pas le maintien à l’antenne de son émission. Il est sans doute difficile pour lui de comprendre qu’il n’y a pas que l’audience et le quantitatif dans la vie… Heureusement, il faut noter que la moitié de ses chroniqueurs ont pris position en faveur de Frédéric Taddeï dans un débat assez vif.
Enfin, Marc-Olivier Fogiel a également rapidement traité le sujet sur RTL, se rangeant, avec Claude Askolovitch, aux côtés de Patrick Cohen. Mais Yvan Rioufol a qualifié la position du journaliste de France Inter de « bévue politique majeure ». Je donnerai la conclusion à ce bon papier de la Revue républicaine : « Le rôle du journaliste – de service public au moins – est de se saisir de toutes les opinions, dès lors qu’elles échappent à la confidentialité, qu’elles soient ou non conformes à son schéma de pensée, pour les déconstruire et les mettre à nu en les confrontant aux faits. »
Je n’ai jamais pensé que l’on a le droit de tout dire. Je pense qu’il y a des limites à la parole. En revanche, du moment qu’elles respectent la loi, il est important de laisser s’exprimer des opinions dissidentes. La censure arbitraire que pratiquent une poignée de journalistes est anormale.