Fut un temps assez lointain où les intellectuels de gauche méprisaient le passé, ou plus précisément, n’y voyaient rien d’autre qu’une histoire de l’oppression, de la superstition, de la soumission. Bref, la cristallisation de tout ce qu’ils combattaient. Les quelques révolutionnaires sincères qui peuvent rester ici ou là chantent encore l’Internationale pour faire rimer la promesse d’un monde nouveau avec la fin du monde ancien : « du passé, faisons table rase ».
Fut un temps moins lointain où ce même passé était devenu un musée généreux dans lequel des petits bourgeois sociaux-démocrates pouvaient piocher à loisir les références anesthésiées qui leur plaisaient : la mystique jaurésienne ou le roman guevariste. Quelques très belles heures de grands combats historiques pour enchanter les manifestations étudiantes s’opposant à des sujets non moins glorieux, tels les 15 minutes de cours supplémentaires imposés par un quelconque « néofasciste » élu aux dernières législatives.
Voila maintenant le temps présent où le passé est tout ce qu’il reste du projet politique. Faire des excuses aux morts aux noms des assassins depuis longtemps disparus, c’est toute l’aventure moderne selon François Hollande. L’histoire nationale est devenu un banquet où n’importe quel homme politique en mal de hauts faits peut se vautrer. Non content d’inaugurer les chrysanthèmes, le Président de la République les distribue, et se permet d’associer la France et son histoire dans le don intéressé de son honneur.
Qu’un président n’ait plus rien à dire à la France sur son avenir n’est pas bien nouveau. Qu’il se réfugie dans des actes de bravoure toutes verbales est dès lors aussi compréhensible que regrettable. D’autant plus que les électeurs qui pourraient s’en offusquer ont disparu. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Hollande tente désespérément de se mettre dans les pas de Chirac. Entre lâches, plus on se connait, et plus on s’apprécie. Cependant, le discours de Chirac de 1995 avait le mérite de s’appuyer sur les faits.
En ce 22 juillet, Hollande lui, se moquait bien des faits. Il voulait sa bravade, sa misérable gloriole marquée dans l’histoire. Salir en quelques mots la mémoire de toute une partie de la France, ce n’est pas cher payer pour briller aux prochains diners en ville. Car François Hollande ne fait pas dans la nuance. Rien n’est vraiment vrai en communication, tout est permis pour la morale. Hollande est un rigolo, l’homme des petites blagues, le « président des bisous ». Sarkozy était lamentablement vulgaire, Hollande est vulgairement lamentable.
Non ce n’est pas la France qui a raflé et assassiné plus de 13 000 Français et résidents juifs, c’est l’Etat Français. Ca ne pouvait pas être la France, car la France n’existait plus. La France était perdue, suspendue, divisée. De la même manière que ce n’est pas la France qui a résisté mais les Résistants, ce n’est pas la France qui a collaboré mais les Collaborateurs. Si la gloire des uns ne peut effacer les crimes des autres, le pire des crimes ne peut ternir la moindre des gloires. Le Président n’avait donc pas le droit de sacrifier l’une des mémoires à l’autre.
Mais la lâcheté de Hollande est double. Non seulement il trahit l’Histoire de France, mais aussi ses tragédies les plus récentes. Voulant être le plus ardent ennemi de l’antisémitisme, il a voulu lier la Rafle du Vel D’hiv aux tragédies de Toulouse et de Montauban. Ou plutôt à la tragédie, car le président Hollande, honorant à juste titre la mémoire des français assassinés parce que juifs, a oublié –à nouveau- les adultes assassinés parce que militaires.
Les tueries de Toulouse et de Montauban n’étaient pas une réminiscence sordide du Vel d’Hiv M. Hollande. Ce n’était pas non plus un crime d’Etat, à moins que vous ayez d’autres confessions à nous faire. C’était le crime d’un Français contre d‘autres Français, et c’est bien à l’histoire, et non à vous, M. le Président, d’en identifier ses causes.