C’est peu de dire que l’incompréhension grandit entre les pays européens. Entre des Grecs qui évoquent un 4ème Reich, une France qui capitule à chaque négociation européenne devant les positions de Berlin et des analystes qui critiquent l’attitude d’Angela Merkel, l’Allemagne est au centre de toutes les discussions.
Feu sur l’Allemagne
The Economist a consacré cette semaine sa rubrique Charlemagne à la chancelière allemande. Le magazine libéral n’y va pas de main morte en dénonçant ses « discours vides et détachés de la réalité ». Il dénonce l’obstruction de Berlin aux euro obligations, au rachat des dettes souveraines par la Banque Centrale Européenne ou à la fusion des réserves européennes au sein du Fonds Monétaire International. Il souligne l’opposition de l’Allemagne à toute intégration fiscale.
The Economist affirme qu’Angela Merkel porte une lourde part de responsabilité dans l’aggravation de la crise. Pour eux, la position allemande fait que l’euro et l’intégration européenne deviennent de plus en plus impopulaires et que le coût pour sortir de la crise s’accroît avec le temps. D’autres, comme Jacques Sapir ou Jean-Luc Schaffhauser, ont souligné que l’Allemagne joue paradoxalement le rôle de passager clandestin d’un point de vue commercial.
L’intégration européenne vue de Berlin
Certains pensent encore que l’Allemagne pourrait s’ouvrir à des solutions fédérales. Après tout, une ministre CDU a évoqué les « Etats-Unis d’Europe » et même Angela Merkel parle de « compléter l’union économique et monétaire et de construire une union politique ». Mais comme le souligne The Economist, il y a une grave incompréhension de la position allemande. Il ne s’agit en aucun cas d’une véritable intégration politique fédérale. Les Allemands refusent la « Transfer Union ».
Berlin n’est prêt à plus d’intégration que pour le contrôle des budgets nationaux et l’imposition d’une rigueur uniforme via des sanctions plus au moins automatiques qui pourraient être initiées ou prises par la Commission ou la Cour de Justice. Voilà la seule intégration européenne à laquelle l’Allemagne est prête aujourd’hui. Il ne s’agit pas d’une intégration solidaire mais d’une intégration qui imposerait le « modèle allemand » et l’austérité sur le continent. Pas plus.
Comprendre l’Allemagne
Même si je partage le point de nombreux d’analystes sur la critique du pseudo modèle allemand ou l’insoutenabilité de sa politique commerciale, il faut noter qu’elle n’est que la conséquence de la structure économique du pays et du choix de la monnaie unique. Il était malheureusement prévisible que l’Allemagne, pays exportateur, cherche à assurer sa compétitivité à l’entrée dans la monnaie unique, alors que ses coûts salariaux étaient alors 25% plus hauts que la moyenne.
De même, la position allemande aujourd’hui est aussi compréhensible. Les euro obligations reviennent à lui demander une caution solidaire de 4000 milliards d’euros ! Un budget fédéral pourrait lui coûter jusqu’à 100 milliards par an. En outre, tous les mécanismes d’aide relèvent pour Berlin du même « aléa moral » que celui des banques, à savoir que cela pourrait encourager les « mauvais » comportements », et que ce sont les plus vertueux qui règlent l’addition in fine.
Bref, même si son « modèle » est insoutenable, les positions de l’Allemagne sont compréhensibles car ce qui lui est demandé est absolument colossal et totalement inacceptable. C’est pourquoi l’horizon fédéraliste restera bouché, sans doute pour très longtemps.