PARIS - De lourdes peines, allant d’un an à cinq ans de prison ferme et un millon d’euros d’amende, ont été prononcées mercredi par le tribunal correctionnel de Paris à l’encontre de cinq prévenus pour avoir participé à une fraude à la TVA sur le marché carbone.
Ils devront également rembourser solidairement à l’Etat français les 43 millions d’euros de TVA éludée.
Cette décision est la première rendue par la justice française concernant une escroquerie à la TVA sur le marché des droits carbone, une fraude d’un nouveau genre qui a profité de la création de la Bourse européenne du carbone.
Poursuivie pour ces mêmes faits, une sixième prévenue a été "relaxée sur le volet taxe carbone", mais condamnée par ailleurs pour blanchiment à un an de prison avec sursis.
L’arnaque a consisté à acheter des quotas de CO2 hors taxe en passant par des sociétés basées à l’étranger. Les prévenus ont ensuite revendu ces quotas en France à un prix incluant la TVA, une TVA collectée mais jamais reversée à l’Etat français. C’est ce que l’on appelle un "carousel de TVA".
Fabrice Sakoun, un grossiste en textile considéré comme le cerveau de cette "escroquerie en bande organisée", a écopé de la peine la plus lourde : cinq ans de prison et un million d’euros d’amende. Avaient été requis sept ans de prison et cette même amende.
La 11e chambre a estimé qu’il avait été "le centre d’un système économique parallèle, vivant en dehors de toutes les lois fiscales et sociales".
"Il n’a absolument pas pris conscience de la gravité des conséquences de son comportement pour l’ordre public économique, dit le jugement, puisque, bien loin d’assumer réellement sa responsabilité, il la rejette constamment sur les autres, que ce soit l’Etat, la Caisse des dépôts et consignations (CDC), les sociétés BlueNext et Voltalia".
Les quatre complices de Fabrice Sakoun ont également été sanctionnés : Haroun Cohen, qui s’est réfugié en Israël, a ainsi été condamné à quatre ans de prison et un million d’euros d’amende, Elie Balouka à 30 mois de prison dont six mois avec sursis et 100.000 euros d’amende, David Illouz à trois ans de prison et 100.000 euros d’amende et Sid Foudil à un an de prison.
Par ailleurs, la justice a confisqué l’Aston Martin et le bateau de Fabrice Sakoun, ainsi que de nombreux immeubles appartenant à Haroun Cohen.
Elle a également confisqué les quelque 13 millions d’euros placés sur des comptes en Israël par les deux hommes, considérés par le tribunal comme "les principaux concepteurs (...) et bénéficiaires des opérations frauduleuses".
Du côté des parties civiles, le courtier Voltalia, la bourse européenne du carbone BlueNext et la CDC, qui est actionnaire de BlueNext à 40%, recevront chacune un euro pour leur préjudice moral.
Les cinq prévenus devront enfin verser un total de 65.000 euros aux parties civiles pour les indemniser de leurs frais d’avocat.
Cette affaire est la première d’une longue série qui devrait envahir les tribunaux français. Des procédures similaires sont également en cours dans des pays comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni.
Les transactions frauduleuses sur les droits d’émissions de CO2 dans l’Union européenne auraient fait perdre au trésor public français entre 1,5 et 1,8 milliard d’euros. Pour l’Europe, le chiffre atteindrait plus de 5 milliards.
Au cours de la procédure, Fabrice Sakoun n’avait pas hésité à déclarer aux enquêteurs que "le CO2", c’était "la Lady Gaga dans les affaires", en d’autres termes un lucratif jackpot.