Qari Muhammad Yusuf Ahmadi est le porte parole du Conseil national de la résistance afghane pour les régions Sud-Ouest et Nord-Ouest de l’Afghanistan. Les difficultés techniques incessantes rencontrées lors de nos communications, ajoutées à de complexes procédures d’identification, nous ont demandé de reporter à plusieurs reprises la publication de cet entretien. Nous prions nos lecteurs de bien vouloir nous excuser pour ce retard.
Notre objectif n’est évidemment pas d’adhérer ou de relayer une quelconque idéologie de violence, mais de donner un contre-poids aux mensonges de la propagande des armées d’occupation en Afghanistan, cela dans le but d’offrir le plus large éventail d’information possible, afin que chacun puisse se forger sa propre opinion.
Qari Muhammad Yusuf Ahmadi, que pouvez-vous nous dire sur la situation dans la province de Helmand et plus particulièrement sur les récentes attaques des armées d’occupation dans cette région ?
Depuis le le premier jour de ce qu’ils appellent « une opération d’envergure », le 13 Février 2010, les troupes ennemies n’ont pas été en mesure de gagner une seule bataille dans le district de Nad Ali (voir la carte). A Marjah, l’ennemi n’a jamais pu pénétrer au-delà des quartiers périphériques que nous avions évacués afin de lui tendre ensuite un piège. Depuis samedi, l’ennemi voudrait faire diversion en lançant d’autres attaques sur les provinces de Farâh et Kandahar principalement, mais aussi Uruzgan et Zabul. L’objectif est de couvrir par de nouveaux mensonges les pertes que les moujahidin leur ont infligées dans le Helmand.
C’est désormais un fait acquis que les Américains et leurs complices ne sont pas en mesure de poursuivre l’occupation de l’Afghanistan par des moyens militaires. Ce serait mieux pour eux de retirer leurs forces de notre pays et de laisser les Afghans vivre comme ils l’entendent.
(…) Voici les chiffres des dernières opérations de la résistance :
Marjah :
Troupes étrangères tuées : 382
Troupes afghanes tuées : 4
Kandahar :
Troupes étrangères tuées : 28
Troupes afghanes tuées : 33
Farah :
Troupes étrangères tuées : 29
Troupes afghanes tuées : 17
Zabul :
Troupes étrangères tuées : 3
Troupes afghanes tuée : 26
Uruzgan :
Troupes étrangères tuées : 5
Troupes afghanes tuée : 19
Comment expliquez-vous que les informations que vous présentez par vos communiqués soient diamétralement opposées aux rapports des armées d’occupation ? Nous ne voulons pas mettre votre parole en doute, mais n’y a-t-il pas néanmoins une tentation chez vous aussi d’user de propagande en exagérant la portée des victoires et en minimisant les pertes ?
Nous publions des communiqués en premier lieu pour le peuple afghan qui, dans sa très grande majorité, soutien l’action des moujahidin. Que ces communiqués soient repris et traduits nous réjouis mais notre objectif principal est d’informer les afghans. Si nous avions menti, ne serais-ce qu’une seule fois, nous aurions perdu toute crédibilité auprès de la population qui nous soutient. Malgré la guerre, les informations circulent très vite ici. Si, par exemple, à Marjah, nous avions annoncé une victoire alors qu’il s’agissait d’une défaite, cela aurait été très vite connu. En réalité, toutes les informations que nous communiquons sont scrupuleusement vérifiées.
Tous ces efforts (de mensonges rapportés) par l’ennemi ont pour but de distraire l’attention du public du monde à partir Marjah. Cette entreprise moribonde va aussi échouer parce que les moudjahidin ne sont pas à court de main-d’œuvre et d’hommes armés.
En tant que porte parole pour la région de Helmand, avez-vous des contacts réguliers avec des journalistes occidentaux sur place ?
Depuis l’arrestation de deux journalistes de la chaine Al-Jazeera (Qais Azim et Hamidullah Mohammad Shah) par la direction nationale de la sécurité (DNS service de renseignement afghan) en juin 2009 et la confiscation de tout leur matériel, il est devenu difficile pour des journalistes de venir nous rencontrer. Le président fantoche (Karzaï), avait prétendu que, dans cette affaire, il n’était pas question de liberté de la presse, mais d’interdire un sujet favorable aux moujahidin. Les reportages ne peuvent en effet que nous être favorables si les médias font leur travail, et c’est ce qui pose un problème au gouvernement mis en place par l’ennemi américain. La vérité leur est insupportable.
C’est pour cette raison que le président fantoche (Karzaï) impose un « black out » total des médias sur cette guerre. Même à Kaboul, les journalistes ont besoin de l’autorisation de la DNS pour se déplacer, et ils sont en permanence accompagnés et surveillés. Quel journaliste pourrait prétendre faire son travail dans de pareilles conditions ? Tous ceux qui ne suivent pas ces recommandations sont arrêtés et interrogés, quand ils ne disparaissent pas plus simplement de la circulation ou sont enlevés par de mystérieux ravisseurs qui les échangent ensuite contre des rançons. Toutes ces actions n’ont pour but que de décourager les journalistes à venir en Afghanistan afin d’établir la réalité des faits.
Les généraux américains indiquent que l’opération à Marjah était importante en raison du trafic d’opium qu’ils attribuent à la résistance. Que pouvez-vous dire à propos de cela ?
Nous avions quasiment éradiqué la production d’opium dans notre pays en 2001. La flambée de la culture du pavot correspond a l’arrivée de l’ennemi sur nos terres. Le frère du président fantoche (Karzaï) est lui même inculpé dans une affaire de trafic international. La présence même de l’envahisseur américain se légitime par le trafic de la drogue. Notre pays est occupé par plusieurs dizaine de milliers de soldats étrangers. Ce sont eux qui contrôlent nos frontières. Qui d’autres qu’eux pourraient sortir la drogue du pays et l’acheminer en Occident ? Pour toutes nos actions, nous nous référons à la loi de Dieu. Cela nous interdit de faire le commerce de la drogue.
Un autre prétexte régulièrement utilisé pour justifier cette guerre est que l’Afghanistan est le centre névralgique du terrorisme international.
Nous ne songeons qu’à terroriser l’ennemi. Nous n’avons jamais commis une action de guerre en dehors de notre pays. Nous voulons la liberté d’organiser un système de gouvernement fondé sur les besoins du peuple afghan, à partir de la tradition islamique. Pourquoi les États-Unis ne nous concèdent-ils pas ce droit ? Pourquoi tentent-ils d’étouffer nos voix sous le prétexte du terrorisme ?
Nous savons pertinemment que l’envahisseur américain et ses alliés vont toujours trouver des prétextes pour poursuivre leur occupation de l’Afghanistan. Le terrorisme, la démocratie, les droits de l’homme, droits des femmes ne sont que de simples slogans utilisés par l’ennemi américain afin d’atteindre leurs objectifs impérialistes dans cette partie du monde et en Afghanistan en particulier. De nombreux cas de tortures de détenus à Guantanamo, Bagram, la prison d’Abou Gharib, Camp Nama en Irak et les prisons secrètes PRT dans des bases militaires en Afghanistan, montrent des violations flagrantes et brutales des droits de l’homme par des enquêteurs américains par leurs troupes en Afghanistan et en Irak.
(…) Vous m’avez expliqué hier qu’en France une femme est violée toute les 10 minutes. C’est quelque chose que nous ne permettrions jamais dans notre pays. Pourquoi les dirigeants français eux aussi veulent-ils nous dire comment nous devons vivre alors qu’ils ne sont pas même capable de faire régner la justice dans leur pays ?
(…) Nous demandons aux envahisseurs américains et à leurs subalternes : pourquoi tuez-vous de jeunes innocents. Pourquoi tuez vous des hommes et des vieillards sous les yeux mêmes des membres de leur famille au cours de raids nocturnes ? Vous avez même tué un bébé de quatre jours devant sa mère à Garbez, dans la province de Khost, à la fin de l’année dernière. Était-il un terroriste ou étais-ce juste là une « opération de terreur » destinée à effrayer les populations qui nous soutiennent, perpétrée par vos soldats ? Est-ce comme cela que les défenseurs de la démocratie agissent ? En n’épargnant pas même un enfant de quatre jours ?
Les opérations que mène l’ennemi sous le prétexte de la « lutte contre le terrorisme » est une guerre tyrannique et colonialiste, menée contre les combattants de la liberté. Car en effet, les moujahindin se battent pour la liberté, pour leur dignité humaine, pour leur pays et pour les valeurs de l’Islam. Nul envahisseur, aussi puissant soit-il, ne saura jamais étouffer la voix de la vérité dans la gorge du peuple afghan. Peu importe les quelques batailles que l’ennemi pourra remporter. A terme, grâce à la volonté de Dieu, le peuple opprimé d’Afghanistan remportera cette guerre entre la vérité et le mal.
(…) Les États-Unis sont une nouvelle forme de pouvoir colonialiste. Ils veulent maintenir leur domination sur le monde et utilisent pour cela le prétexte de la démocratie et des droit de l’homme. Mais dans leur bouche ce ne sont plus que des slogans vides de sens. En réalité, les États-Unis sont les ennemis de la dignité des valeurs humaines.