RIVAROL : Robert Spieler, vous êtes fondateur et président d’Alsace d’Abord créée en 1989 après avoir été député du Front National de 1986 à 1988. La droite nationale a connu des résultats très décevants lors de la présidentielle et des législatives. Quelles en sont à votre avis les raisons ?
Robert SPIELER : Les raisons de cet échec ne datent pas d’aujourd’hui et s’expliquent de deux façons.
La première tire son essence du mode même de fonctionnement et d’organisation de ce mouvement : centralisme non démocratique, principe du chef absolu n’autorisant aucun débat, ambiance de courtisanerie, exclusions de ceux qui démontrent un esprit un tant soit peu critique ou rebelle. Je garde toute mon estime pour Le Pen, avec ses immenses talents, mais regrette ses considérables défauts qui ont empêché le Mouvement National de prétendre au pouvoir. Des centaines de femmes et d’hommes de qualité ont été amenés à quitter le FN. Le départ de Mégret, quels que soient les reproches qu’on peut lui faire, et de celui des meilleurs cadres, a été un désastre.
J’ajouterai le manque quasi total d’implantation locale du FN, conséquence logique de son mode de fonctionnement. Est-il normal qu’un mouvement qui rassemblait des millions d’électeurs n’ait aucun maire et très peu de conseillers municipaux ? Il ne faut pas chercher plus loin les raisons des difficultés de réunir 500 parrainages et celles de relayer le message sur le terrain.
La seconde raison de l’échec du FN réside dans son absurde repositionnement politique en 2007. Aller honorer Clemenceau, que j’ai qualifié de "géniteur d’Hitler" (1) pour son refus de signer la paix dès 1916 avec l’Autriche-Hongrie, ce qui aurait pu empêcher la mort de millions d’européens ; rendre hommage à la Révolution à Valmy ; expliquer, sur la dalle d’Argenteuil, que les immigrés non européens sont des "branches de l’arbre France" (tout en attaquant les origines hongroises de Sarkozy, ce que les fils et petits-fils des immigrés polonais, italiens ou espagnols électeurs du FN auront apprécié...). Les insultes de Marine Le Pen et de Louis Aliot à l’encontre des régionalistes (le communautarisme musulman comparé au "communautarisme" alsacien !). Et enfin ces agressions à l’encontre des "groupuscules" "cathos-tradis", qui étaient pourtant des fidèles d’entre les fidèles.
Tous les ingrédients menant au désastre étaient réunis. La redoutable habileté de Nicolas Sarkozy a suffi pour faire s’écrouler le château de cartes.
R. : Face à la situation très difficile où se trouve actuellement notre mouvance, que peut-on faire d’utile actuellement ? Sur quels fondements, avec quel projet et avec quel mode d’organisation et de direction peut-on reconstruire ?
R.S. : Certainement pas sur les modes d’organisation que la mouvance nationale a subi depuis plus de 20 ans (centralisme, manque de concertation avec les fédérations...). Nous devons aussi nous débarrasser de la fascination pour l’autoritarisme et la recherche de l’homme providentiel. Comme le disait fort justement Bernard Anthony dans une récente interview à Rivarol, "un peuple n’a certes qu’une fois dans son histoire une Jeanne d’Arc ou un saint Louis".
Nous devons absolument sortir de ces comportements typiques d’une certaine "extrême droite" : arrogance et mépris envers ceux qui ne pensent pas rigoureusement comme vous, misérables guerres de chapelle, tendances groupusculaires, provocations imbéciles qui renforcent l’ennemi.
Sans tomber dans les dérives de la démocratie dévoyée qu’illustrent les querelles incessantes chez les Verts, nous devons nous orienter vers un fonctionnement démocratique "athénien" où des "égaux" cooptés ou élus prendraient les décisions. Une coordination de toutes les forces régionalistes, nationalistes et européennes, pratiquant l’absolu respect des convictions de chacun, basée sur un socle qui est le plus grand dénominateur commun : la défense intransigeante de nos identités.
Quand je dis coordination, je veux aussi parler du rôle essentiel de la presse nationale et identitaire et de tous ceux qui, chacun à leur niveau, défendent notre idéal. Sans exclure quiconque, si ce ne sont les provocateurs et ceux pour qui le chêne français peut supporter des branches de palmier...
R. : Parmi les initiatives récentes, il y a eu fin juin l’annonce officielle de la création d’une Fédération identitaire. D’aucuns ont été surpris de ne pas vous voir apparaître dans cette entreprise où sont présents plusieurs personnalités d’Alsace d’Abord. Pouvez-vous nous dire pourquoi et, plus largement, que pensez-vous de cette première tentative de regroupement ?
J’encourage cette initiative qui a pour objectif de vouloir rassembler les mouvements régionalistes. Mes amis Fabrice Robert, Président du Bloc Identitaire, Christian Chaton, Conseiller Général d’Alsace, et Jacques Cordonnier, Secrétaire Général d’Alsace d’Abord, participent à cette initiative.
Je crois cependant en l’ardente nécessité d’aller plus loin et de rassembler à terme, en une coordination au fonctionnement souple, toutes les forces, réseaux, mouvements, revues, et individus autour du plus grand dénominateur commun : le combat intransigeant pour notre identité, la lutte contre le mondialisme libéral qui détruit nos emplois et nos peuples, et résistance contre la décadence.
Dans mon esprit, cela signifie le rassemblement sans exclusives des régionalistes, comme des nationalistes et de ceux pour qui l’Europe de la puissance est la grande espérance.
Il ne s’agit pas aujourd’hui de construire un parti, mais de fédérer des énergies dans le respect absolu des différentes sensibilités, dans le but de mener des réflexions et des actions communes. Notre milieu a besoin d’une véritable révolution culturelle. Le temps des invectives, des groupuscules détenteurs de la Vérite ou des provocateurs qui mettent en danger toute notre communauté doit être clos.
Des modèles dans la presse nationale nous montrent la voie : Rivarol, dont je n’oublierai jamais qu’à l’âge de 16 ans il a profondément contribué à ma formation idéologique, le Choc du Mois de Jean-Marie Molitor et Bruno Larebière, excellent d’ouverture et de talent, et enfin la revue Synthèse Nationale (2), dirigée par mon ami Roland Hélie, qui donne la parole à toutes les composantes de notre mouvance.
R. : S’agissant plus précisément de votre mouvement Alsace d’abord, pouvez-nous nous en rappeler brièvement l’historique, les grands axes de combat et quels sont vos projets dans l’avenir immédiat, tant sur le plan électoral que celui du domaine des idées et de la formation des cadres ?
J’ai été élu député FN en 1986. Je garde d’excellents souvenirs de cette époque, dont l’exaltante campagne présidentielle de 1988 pilotée par l’équipe de Bruno Mégret dont je faisais partie.
J’ai quitté le FN en 1989, avec la quasi-totalité des cadres alsaciens, ne pouvant plus supporter les humiliations que notre fédération, une des plus dynamiques de France, avait eu à subir depuis la disparition tragique de Jean-Pierre Stirbois. J’étais aussi en profond désaccord avec la dérive de plus en plus jacobine (déjà) de Le Pen.
Avec Jacques Cordonnier, nous avons crée Alsace d’Abord. Nous avons obtenu 2 élus et près de 6% des voix aux élections régionales de 1992. J’ai été réelu conseiller municipal de Strasbourg en 1995. Nous avons progressé en 1998 avec près de 7% et 3 élus au Conseil Régional. En 2001, la liste que je menais à Strasbourg atteignait 9,2% face à une liste FN à 7,5%.
En 2004, aux élections régionales, nous avons enregistré la plus forte progression de tous les partis politiques alsaciens en frôlant la barre des 10%, tandis qu’aux cantonales Christian Chaton devenait notre premier conseiller général dans le Haut-Rhin.
Alsace d’Abord veut plus de pouvoirs et de moyens pour la Région : Paris n’a pas à s’occuper de l’ouverture ou de la fermeture d’une maternité en Alsace ; l’enseignement des langues et de l’histoire locale doit être une compétence régionale, l’environnement et le développement économique tout autant. Nous voulons aussi la fusion des départements, héritages absurdes de la Révolution , et de la Région , gage d’économies et d’efficacité. Enfin, nous considérons que le bilinguisme doit être défendu car il représente une formidable richesse pour notre région tant sur le plan culturel qu’économique (3).
Nous voulons qu’une partie des taxes et impôts alsaciens restent en Alsace afin de financer nos projets. Tous les TGV ont été intégralement payés par l’Etat alors que la ligne Paris-Strasbourg a été financée avec une lourde contribution de l’Alsace (300 millions d’euros)... le tout pour que la ligne grande vitesse s’arrête en Lorraine et que le "TGV" rejoigne Strasbourg au rythme d’un tortillard. Vous comprendrez pourquoi les Alsaciens ont quelque part l’impression qu’on se moque d’eux.
Quant à nos projets, nous croyons en la nécessité de l’enracinement. Nous avons un conseiller général, une demi-douzaine de maires, des conseillers municipaux, mais il est évident qu’il nous faut encore progresser. Nous présenterons un maximum de listes aux prochaines municipales en Alsace. Je mènerai une liste Strasbourg d’Abord dont je souhaite qu’elle rassemble toutes les composantes identitaires.
La formation joue aussi un rôle particulièrement important. A ce titre, Jeune Alsace (4), dirigée par Fabrice Lauffenburger, mène un effort incessant pour offrir à nos jeunes militants les fondamentaux sans lesquels aucune action ne peut s’inscrire dans l’efficacité et dans la durée.
R. : Est-il selon vous possible d’éviter, ou en tout cas de dépasser, les querelles qui agitent nos milieux autour de la place, du rôle et de la nécessité de la nation, de la région, de l’Europe, bref de la question de la souveraineté et de l’identité ? Autrement dit peut-il y avoir union ou travail en commun entre les identitaires eurorégionalistes et les nationalistes français purs et durs ?
Il peut et il doit y avoir union de travail entre les régionalistes, les identitaires et les nationalistes. Nous avons les mêmes adversaires qui, eux, savent s’unir pour nous combattre.
Je crois qu’il n’y a pas contradiction entre le sentiment d’appartenance à sa "petite Patrie", la Région , le sentiment national et l’idée européenne. Je récuse absolument le concept d’Etat Nation, invention de la Révolution Française. Je respecte la Nation en tant qu’"idée", comme la définissait Barrès : « La nation, c’est la possession d’un antique cimetière et la volonté de faire valoir cet héritage indivis. »
Je crois au principe de subsidiarité. Que l’Etat, la Région , l’Europe s’occupent en priorité de leurs domaines de compétence et d’excellence. L’Europe n’a par ailleurs pas vocation à être un Etat Nation reproduisant toutes les tares du système jacobin français. L’Europe de la puissance que j’appelle de mes voeux n’est certainement pas celle des nains de Bruxelles. L’euro-régionalisme bruxellois, qui n’est ni européen ni régionaliste, ne correspond pas non plus à mon espérance.
R. : Comment doit selon vous se positionner la droite nationale et radicale face à Nicolas Sarkozy et à sa très large majorité UMP ? Faut-il s’en rapprocher voire l’intégrer comme le fait Ph. de Villiers, continuer à distinguer entre la droite et la gauche comme le tente B. Mégret (qui avait appelé implicitement au vote Sarkozy le 6 mai dernier) ou au contraire être dans une opposition frontale et sans concessions ? Et comment s’opposer intelligemment et avec efficacité vu l’habileté du personnage et les moyens considérables dont il dispose ?
R.S. : Collaboration signifie soumission. Intégration signifie désintégration. Quant aux termes de gauche et de droite, je les récuse l’un comme l’autre : nous devons représenter une nouvelle voie entre un capitalisme mondialiste et un socialisme de bourgeois et de dames patronnesses qui ont tous deux oublié de défendre notre peuple.
Nous devons résister et dénoncer une imposture qui, demain, ne manquera pas d’apparaître en plein jour. Ceux qui se laisseraient tenter par la collaboration donneraient raison à Churchill qui disait : "Vous aviez à choisir entre la guerre et le déshonneur. Vous avez choisi le déshonneur, et vous aurez la guerre".
Projet conçu et propos recueillis par Jérôme BOURBON, paru dans Rivarol n°2820 du 20/07/2007
Source : http://www.rivarol.fr
Robert SPIELER : Les raisons de cet échec ne datent pas d’aujourd’hui et s’expliquent de deux façons.
La première tire son essence du mode même de fonctionnement et d’organisation de ce mouvement : centralisme non démocratique, principe du chef absolu n’autorisant aucun débat, ambiance de courtisanerie, exclusions de ceux qui démontrent un esprit un tant soit peu critique ou rebelle. Je garde toute mon estime pour Le Pen, avec ses immenses talents, mais regrette ses considérables défauts qui ont empêché le Mouvement National de prétendre au pouvoir. Des centaines de femmes et d’hommes de qualité ont été amenés à quitter le FN. Le départ de Mégret, quels que soient les reproches qu’on peut lui faire, et de celui des meilleurs cadres, a été un désastre.
J’ajouterai le manque quasi total d’implantation locale du FN, conséquence logique de son mode de fonctionnement. Est-il normal qu’un mouvement qui rassemblait des millions d’électeurs n’ait aucun maire et très peu de conseillers municipaux ? Il ne faut pas chercher plus loin les raisons des difficultés de réunir 500 parrainages et celles de relayer le message sur le terrain.
La seconde raison de l’échec du FN réside dans son absurde repositionnement politique en 2007. Aller honorer Clemenceau, que j’ai qualifié de "géniteur d’Hitler" (1) pour son refus de signer la paix dès 1916 avec l’Autriche-Hongrie, ce qui aurait pu empêcher la mort de millions d’européens ; rendre hommage à la Révolution à Valmy ; expliquer, sur la dalle d’Argenteuil, que les immigrés non européens sont des "branches de l’arbre France" (tout en attaquant les origines hongroises de Sarkozy, ce que les fils et petits-fils des immigrés polonais, italiens ou espagnols électeurs du FN auront apprécié...). Les insultes de Marine Le Pen et de Louis Aliot à l’encontre des régionalistes (le communautarisme musulman comparé au "communautarisme" alsacien !). Et enfin ces agressions à l’encontre des "groupuscules" "cathos-tradis", qui étaient pourtant des fidèles d’entre les fidèles.
Tous les ingrédients menant au désastre étaient réunis. La redoutable habileté de Nicolas Sarkozy a suffi pour faire s’écrouler le château de cartes.
R. : Face à la situation très difficile où se trouve actuellement notre mouvance, que peut-on faire d’utile actuellement ? Sur quels fondements, avec quel projet et avec quel mode d’organisation et de direction peut-on reconstruire ?
R.S. : Certainement pas sur les modes d’organisation que la mouvance nationale a subi depuis plus de 20 ans (centralisme, manque de concertation avec les fédérations...). Nous devons aussi nous débarrasser de la fascination pour l’autoritarisme et la recherche de l’homme providentiel. Comme le disait fort justement Bernard Anthony dans une récente interview à Rivarol, "un peuple n’a certes qu’une fois dans son histoire une Jeanne d’Arc ou un saint Louis".
Nous devons absolument sortir de ces comportements typiques d’une certaine "extrême droite" : arrogance et mépris envers ceux qui ne pensent pas rigoureusement comme vous, misérables guerres de chapelle, tendances groupusculaires, provocations imbéciles qui renforcent l’ennemi.
Sans tomber dans les dérives de la démocratie dévoyée qu’illustrent les querelles incessantes chez les Verts, nous devons nous orienter vers un fonctionnement démocratique "athénien" où des "égaux" cooptés ou élus prendraient les décisions. Une coordination de toutes les forces régionalistes, nationalistes et européennes, pratiquant l’absolu respect des convictions de chacun, basée sur un socle qui est le plus grand dénominateur commun : la défense intransigeante de nos identités.
Quand je dis coordination, je veux aussi parler du rôle essentiel de la presse nationale et identitaire et de tous ceux qui, chacun à leur niveau, défendent notre idéal. Sans exclure quiconque, si ce ne sont les provocateurs et ceux pour qui le chêne français peut supporter des branches de palmier...
R. : Parmi les initiatives récentes, il y a eu fin juin l’annonce officielle de la création d’une Fédération identitaire. D’aucuns ont été surpris de ne pas vous voir apparaître dans cette entreprise où sont présents plusieurs personnalités d’Alsace d’Abord. Pouvez-vous nous dire pourquoi et, plus largement, que pensez-vous de cette première tentative de regroupement ?
J’encourage cette initiative qui a pour objectif de vouloir rassembler les mouvements régionalistes. Mes amis Fabrice Robert, Président du Bloc Identitaire, Christian Chaton, Conseiller Général d’Alsace, et Jacques Cordonnier, Secrétaire Général d’Alsace d’Abord, participent à cette initiative.
Je crois cependant en l’ardente nécessité d’aller plus loin et de rassembler à terme, en une coordination au fonctionnement souple, toutes les forces, réseaux, mouvements, revues, et individus autour du plus grand dénominateur commun : le combat intransigeant pour notre identité, la lutte contre le mondialisme libéral qui détruit nos emplois et nos peuples, et résistance contre la décadence.
Dans mon esprit, cela signifie le rassemblement sans exclusives des régionalistes, comme des nationalistes et de ceux pour qui l’Europe de la puissance est la grande espérance.
Il ne s’agit pas aujourd’hui de construire un parti, mais de fédérer des énergies dans le respect absolu des différentes sensibilités, dans le but de mener des réflexions et des actions communes. Notre milieu a besoin d’une véritable révolution culturelle. Le temps des invectives, des groupuscules détenteurs de la Vérite ou des provocateurs qui mettent en danger toute notre communauté doit être clos.
Des modèles dans la presse nationale nous montrent la voie : Rivarol, dont je n’oublierai jamais qu’à l’âge de 16 ans il a profondément contribué à ma formation idéologique, le Choc du Mois de Jean-Marie Molitor et Bruno Larebière, excellent d’ouverture et de talent, et enfin la revue Synthèse Nationale (2), dirigée par mon ami Roland Hélie, qui donne la parole à toutes les composantes de notre mouvance.
R. : S’agissant plus précisément de votre mouvement Alsace d’abord, pouvez-nous nous en rappeler brièvement l’historique, les grands axes de combat et quels sont vos projets dans l’avenir immédiat, tant sur le plan électoral que celui du domaine des idées et de la formation des cadres ?
J’ai été élu député FN en 1986. Je garde d’excellents souvenirs de cette époque, dont l’exaltante campagne présidentielle de 1988 pilotée par l’équipe de Bruno Mégret dont je faisais partie.
J’ai quitté le FN en 1989, avec la quasi-totalité des cadres alsaciens, ne pouvant plus supporter les humiliations que notre fédération, une des plus dynamiques de France, avait eu à subir depuis la disparition tragique de Jean-Pierre Stirbois. J’étais aussi en profond désaccord avec la dérive de plus en plus jacobine (déjà) de Le Pen.
Avec Jacques Cordonnier, nous avons crée Alsace d’Abord. Nous avons obtenu 2 élus et près de 6% des voix aux élections régionales de 1992. J’ai été réelu conseiller municipal de Strasbourg en 1995. Nous avons progressé en 1998 avec près de 7% et 3 élus au Conseil Régional. En 2001, la liste que je menais à Strasbourg atteignait 9,2% face à une liste FN à 7,5%.
En 2004, aux élections régionales, nous avons enregistré la plus forte progression de tous les partis politiques alsaciens en frôlant la barre des 10%, tandis qu’aux cantonales Christian Chaton devenait notre premier conseiller général dans le Haut-Rhin.
Alsace d’Abord veut plus de pouvoirs et de moyens pour la Région : Paris n’a pas à s’occuper de l’ouverture ou de la fermeture d’une maternité en Alsace ; l’enseignement des langues et de l’histoire locale doit être une compétence régionale, l’environnement et le développement économique tout autant. Nous voulons aussi la fusion des départements, héritages absurdes de la Révolution , et de la Région , gage d’économies et d’efficacité. Enfin, nous considérons que le bilinguisme doit être défendu car il représente une formidable richesse pour notre région tant sur le plan culturel qu’économique (3).
Nous voulons qu’une partie des taxes et impôts alsaciens restent en Alsace afin de financer nos projets. Tous les TGV ont été intégralement payés par l’Etat alors que la ligne Paris-Strasbourg a été financée avec une lourde contribution de l’Alsace (300 millions d’euros)... le tout pour que la ligne grande vitesse s’arrête en Lorraine et que le "TGV" rejoigne Strasbourg au rythme d’un tortillard. Vous comprendrez pourquoi les Alsaciens ont quelque part l’impression qu’on se moque d’eux.
Quant à nos projets, nous croyons en la nécessité de l’enracinement. Nous avons un conseiller général, une demi-douzaine de maires, des conseillers municipaux, mais il est évident qu’il nous faut encore progresser. Nous présenterons un maximum de listes aux prochaines municipales en Alsace. Je mènerai une liste Strasbourg d’Abord dont je souhaite qu’elle rassemble toutes les composantes identitaires.
La formation joue aussi un rôle particulièrement important. A ce titre, Jeune Alsace (4), dirigée par Fabrice Lauffenburger, mène un effort incessant pour offrir à nos jeunes militants les fondamentaux sans lesquels aucune action ne peut s’inscrire dans l’efficacité et dans la durée.
R. : Est-il selon vous possible d’éviter, ou en tout cas de dépasser, les querelles qui agitent nos milieux autour de la place, du rôle et de la nécessité de la nation, de la région, de l’Europe, bref de la question de la souveraineté et de l’identité ? Autrement dit peut-il y avoir union ou travail en commun entre les identitaires eurorégionalistes et les nationalistes français purs et durs ?
Il peut et il doit y avoir union de travail entre les régionalistes, les identitaires et les nationalistes. Nous avons les mêmes adversaires qui, eux, savent s’unir pour nous combattre.
Je crois qu’il n’y a pas contradiction entre le sentiment d’appartenance à sa "petite Patrie", la Région , le sentiment national et l’idée européenne. Je récuse absolument le concept d’Etat Nation, invention de la Révolution Française. Je respecte la Nation en tant qu’"idée", comme la définissait Barrès : « La nation, c’est la possession d’un antique cimetière et la volonté de faire valoir cet héritage indivis. »
Je crois au principe de subsidiarité. Que l’Etat, la Région , l’Europe s’occupent en priorité de leurs domaines de compétence et d’excellence. L’Europe n’a par ailleurs pas vocation à être un Etat Nation reproduisant toutes les tares du système jacobin français. L’Europe de la puissance que j’appelle de mes voeux n’est certainement pas celle des nains de Bruxelles. L’euro-régionalisme bruxellois, qui n’est ni européen ni régionaliste, ne correspond pas non plus à mon espérance.
R. : Comment doit selon vous se positionner la droite nationale et radicale face à Nicolas Sarkozy et à sa très large majorité UMP ? Faut-il s’en rapprocher voire l’intégrer comme le fait Ph. de Villiers, continuer à distinguer entre la droite et la gauche comme le tente B. Mégret (qui avait appelé implicitement au vote Sarkozy le 6 mai dernier) ou au contraire être dans une opposition frontale et sans concessions ? Et comment s’opposer intelligemment et avec efficacité vu l’habileté du personnage et les moyens considérables dont il dispose ?
R.S. : Collaboration signifie soumission. Intégration signifie désintégration. Quant aux termes de gauche et de droite, je les récuse l’un comme l’autre : nous devons représenter une nouvelle voie entre un capitalisme mondialiste et un socialisme de bourgeois et de dames patronnesses qui ont tous deux oublié de défendre notre peuple.
Nous devons résister et dénoncer une imposture qui, demain, ne manquera pas d’apparaître en plein jour. Ceux qui se laisseraient tenter par la collaboration donneraient raison à Churchill qui disait : "Vous aviez à choisir entre la guerre et le déshonneur. Vous avez choisi le déshonneur, et vous aurez la guerre".
Projet conçu et propos recueillis par Jérôme BOURBON, paru dans Rivarol n°2820 du 20/07/2007
Source : http://www.rivarol.fr