1-Laurent James, vous avez collaboré à plusieurs revues telles que Cancer !, Tsimtsoûm, Impur… ainsi qu’à des livres collectifs (« Têtes de Turcs ! », « Gueules d’amour », « L’Affaire Zannini ») [1]. Entre l’éloge des charmes liquides d’Alizée et les pourritures gauchistes passées au napalm, les conversations avec Soheib Bencheikh et votre passion pour Marie-Madeleine, on peut dire que vous êtes bel et bien transgénique et pluridisciplinaire. On vous dit devenu enhardi et momentanément féroce depuis 1986… Comment en êtes-vous arrivé là ?
Je ne remercierai jamais assez les fantômes caverneux qui défilaient dans ma chambre d’enfant de cinq ans, surgissant des ruisseaux profondément enterrés sous notre maison de banlieue lyonnaise pour faire ce qu’ils font depuis des centaines de milliers d’années : meurtrir les petits garçons par la peur vomitive de l’au-delà, inscrire dans leur chair tremblante l’horrible vision hantée d’un monde radicalement différent de celui des parents. Il me fallut longtemps pour comprendre que cet autre monde était double, qu’il ne contenait pas que des cadavres psychiques d’êtres humains dissolus dans la matière terreuse et qu’il pouvait révéler des myriades de splendeurs bouleversantes. C’est effectivement à l’âge de seize ans que la lecture conjointe des Chants de Maldoror et du Régal des Vermines me désigna l’existence d’une ouverture lumineuse dans les parois de cette atroce caverne qu’est la vie quotidienne. Jusqu’alors, seules les philosophies nihilistes me semblaient être en mesure de transmettre l’inconnaissable : je me vautrais dans la mélancolie suicidaire comme un porc. Il n’y avait que les livres de Marcel Aymé et – surtout – d’Edgar Poe qui braquaient quelques rais de lumière dans ma cervelle d’adolescent fatigué. Or, Lautréamont et Marc-Edouard Nabe m’apparurent ; ils avaient la particularité de partir du même postulat que Cioran et tous les autres salopards du même acabit : oui, l’homme est un sous-singe et il est en chute gélatineuse vers le néant depuis ses origines ; oui, l’existence est atroce et il n’y a pas d’autre viatique que la pourriture de la chair, unique sacrement possible de nos individualités en phase terminale. Mais ils m’apprirent que cette situation, loin d’être prétexte aux pires lamentations femelles pratiquées par les fanatiques de la Négation (de Schopenhauer à Roland Jaccard), pouvait au contraire servir de rampe de lancement au désir de jouir, c’est-à-dire à l’apprentissage de l’extermination de soi. Je ne parle pas ici, bien sûr, de la « jouissance sans entraves » soixante-huitarde, qui est exactement le contraire : une autosatisfaction bourgeoisement abjecte. Partout où il y a du contentement de soi, il y a de la bourgeoisie. La jouissance bien disciplinée (quelle que soit sa nature) est la seule véritable noblesse à laquelle puisse prétendre l’homme : voilà une vérité éternelle parallèlement niée par les moralistes et les militants, porteurs d’une vision étriquée de la religion et de la politique, tous complices inconscients – ou « idiots utiles » comme on dit aujourd’hui – du système libéral qui ne vise qu’à isoler les individus et à empêcher toute véritable rencontre. Une avalanche de littératures me tomba dès lors sur le coin de la gueule, déversée par des guerriers virils aux pieds tanqués dans la boue et aux regards tournés vers les étoiles : Jünger, Rabelais, Céline, Homère, Mishima, Cervantès, Bloy, Borges, Kawabata, Loti, Gilbert-Lecomte, Rimbaud. J’en vins après quelques années à venir habiter à Marseille, l’une des deux seules cités vivables de France – l’autre étant Paris, bien entendu. Je me jetai à corps perdu dans l’étude de sainte Marie-Madeleine, un des trois piliers de la chrétienté initiatique (avec Saint Jean et la Sainte Vierge), qui imprima à jamais la ville et sa région (Saint-Maximin, la Sainte-Baume) de sa présence métaphysique. On n’en parle jamais, et c’est tant mieux. En des temps normaux, des millions de gens débarqueraient chaque jour à Marseille dans le seul but d’espérer humer les effluves restantes de son corps fleuri. Cette défaite du sacré est par ailleurs inscrite dans la chair de la Gaule celte, qui dégénéra malheureusement très vite entre les mains de ces bâtards nordiques de Francs, un des très rares peuples de toute l’histoire européenne à être résolument dépourvus de la moindre espèce d’intérêt. Je rencontrai l’équipe de rédaction de la revue Cancer ! (qui avait déjà imprimé deux numéros), et j’en tombai immédiatement amoureux. Mise à part la joie provoquée par la publication de textes inédits de Nabe, Jean-Louis Costes, Alain Soral et Dantec, j’appréciai grandement les efforts de l’équipe pour pratiquer la mise en œuvre radicale d’une subversion authentique et vivante. Je tentai d’orienter la politique éditoriale vers une ligne qui aurait été située au croisement des deux meilleures revues littéraires du vingtième siècle – à savoir Le Grand Jeu et Exil (de Dominique de Roux et Abellio) – dans le but de placer la politique au service de la transcendance, mais ce fut peine perdue. Peu me chaut : l’aventure fut palpitante. Depuis, mon idéal est toujours le même : faire prendre chair à la métaphysique brûlante ; mais j’ai décidé de le matérialiser sous d’autres formes qu’une revue littéraire, laquelle est évidemment aujourd’hui totalement révolue.
2-Vous pourfendez la modernité et lui opposez la Tradition, comment expliqueriez-vous ces notions à un ignorant ?
Il existe deux sortes d’ignorants : l’idiot et l’imbécile. Le premier possède la grâce : c’est le simplet fernandélien à la tronche en forme de courgette qui voit apparaître la Croix dans un champ de maïs. De celui-ci, j’ai tout à apprendre. Le second est beaucoup plus répandu : il se reconnaît à ce qu’il se prend pour quelqu’un de plus intelligent qu’il n’est. La seule manière de le persuader d’emprunter la voie de la vérité réside dans l’exemplarité : il faut façonner des créations (textes, images, positions corporelles, attitudes spirituelles) aptes à lui indiquer quelle est la bonne direction. Surtout, pas de didactisme, jamais. Toute explication a pour effet immédiat de provoquer l’effet inverse de celui escompté par le pédagogue. Cette perversion est aujourd’hui accrue par l’esprit « forum Internet » qui pourrit tout désir de pureté. La meilleure façon de convertir quelqu’un est de lui apporter des réponses lumineuses à des questions qu’il ne se pose pas, ce qui est la définition la plus applicative de l’œuvre d’art (contrairement à la notion commune et fausse, qui dit que l’art n’a pour fonction que de poser de nouvelles questions). Je ne suis évidemment pas démocrate, mais il s’agit toujours de donner la possibilité principielle à l’ignorant d’accéder à la connaissance. Sil ne la saisit pas, c’est alors Paul Claudel qui tranche : on peut mériter l’injustice. Et il faut alors être très sévère.
3-« Que l’homme assoiffé s’approche ». Beaucoup de jeunes gens cherchent de quoi s’étancher, avez-vous des sources cristallines à nous indiquer ?
Il faut distinguer la mystique de la Tradition. Pour ma part, je suis passé par la première avant d’accéder à la seconde. Cela m’a pris énormément de temps, pour la raison majeure que je n’ai jamais connu de maître (en dehors des écrivains cités précédemment). Je le déplore, mais cette époque est basée sur l’absence totale de toute possibilité de transmission. Ce constat tragique est à la base de l’atomisation totalitaire de notre fin de civilisation. Etre un anarchiste solaire, c’est-à-dire un homme librement soumis à l’ordre chaotique du Grand Tout, c’est adopter la plus flamboyante des formules : « Un Dieu et un Maître ! ». J’avais assisté par curiosité à quelques conférences ésotériques, notamment à Grenoble au tout début des années 90, mais l’aspect étriqué de ces haricots sudoripares m’avait immédiatement rebuté. Et puis, le parti-pris systématiquement gnostique (ou anthroposophe, voire manichéiste) se muait en une haine glacée envers l’Eglise de Pierre, ce qui a toujours eu tendance à me faire vomir. Je n’ai jamais vu une détestation aussi foncière du curé du village que chez ces ésotéristes de pacotille, encore pire que chez les gauchistes du SCALP ou les païens néo-droitistes de Troisième Voie ! Il m’a fallu du temps – et surtout, une rencontre avec Laurent Pellecuer, le dernier peintre authentique de ce pays – pour comprendre qu’il existait tout un versant du christianisme à explorer, rigoureusement complémentaire (et non pas antagoniste) de la maison du Pape. Lorsque je réalisai ensuite que cette Tradition johannique était un prolongement de la pensée essénienne, et donc platonicienne, et donc égyptienne, et donc atlante, et donc hyperboréenne, ce fut comme si je recevais une douche rayonnante d’eau infiniment pure sur la nuque. La joie de comprendre est une des jouissances les plus absolues qu’un homme puisse ressentir. Si « Jouir, c’est comprendre » comme l’écrit Marc-Edouard Nabe, la réciproque est vraie : comprendre, c’est jouir. Parmi les grands hommes qui traversèrent le vingtième siècle, il en est un qui se mit au service exclusif de la Vérité avec un acharnement remarquable : Jean Phaure. Il faut apprendre par cœur les 662 pages de son ouvrage Le Cycle de l’Humanité Adamique avec la même rigueur que certains apprennent le Coran. Seul parmi les fondateurs de la revue Atlantis (toujours existante), ce natif d’Indochine eut la bonté de rédiger une Somme initiatique résumant les soixante-quatre mille huit cents ans de l’histoire de l’humanité sur la trame fameuse des Quatre Ages, synthétisant ainsi les traditions égyptienne, hindouiste (donc bouddhiste), grecque et biblique, soit toutes les traditions écrites connues ! J’ajoute que, d’une part, cette synthèse est entièrement compatible avec l’eschatologie musulmane (bien entendu), et que d’autre part, elle repose sur la science physique la plus rigoureuse, car elle intègre le mois précessionnel équinoxial (deux mille cent soixante ans) comme brique élémentaire de l’échelle spiraloïde du Temps. Dante et Joachim de Flore étaient pénétrés par une vision de l’histoire absolument intégrable à cette Somme, puisque les Eres du Taureau et du Bélier correspondaient pour eux au règne du Père, l’Ere des Poissons à celui du Fils et celle du Verseau allait voir l’émergence du règne du Saint-Esprit (ou Christ-Roi). Jean Phaure était également un mariologue extrêmement compétent, et un adversaire acharné de cette propagande pseudo-scientifique typiquement moderne qu’est la théorie de l’évolution. Je suis moi-même physicien, et en tant que tel, très sensible aux idioties générées par le dogme transformiste qui prétend (de manière péremptoire et intransigeante, bien que ne possédant aucun embryon de preuve) que la vie ne peut provenir que de la matière : or, tout élève de physique en classe de collège doit se douter obscurément qu’il n’existe aucun domaine où le plan supérieur puisse provenir naturellement du plan inférieur, et ce sans aucune intervention extérieure ! La véritable opposition de fond entre les esprits se situe précisément ici : il y a les évolutionnistes qui pensent que l’humanité suit une ligne droite de pente ascendante (ou même déclinante, pour les matérialistes pessimistes), et les traditionalistes qui pensent que cette même humanité descend en tournant sur elle-même de plus en plus rapidement, à la manière d’une poussière qui dégringolerait les parois rainurées d’une toupie en mouvement sur son axe central.
4-Vous dites que l’Empire repose sur la triple conjonction du capitalisme, du journalisme et de la démocratie parlementaire. Serait-ce selon vous le renversement « démonique » de la tri-fonctionnalité Traditionnelle ? Peut-on répondre à cette inversion par un ordre basé sur la Religion, la Politique et l’Art ? Et si oui, pourquoi ?
Je suppose que les trois fonctions dont vous parlez sont celles qui sont relatives aux trois mondes de la connaissance dans la Tradition (le Roi, le Prêtre et le Prophète) étagés sur la tiare papale, et non les fonctions tripartites des sociétés traditionnelles (le sacerdoce, la guerre et la production). Le capitalisme financier, le journalisme et la démocratie parlementaire sont en effet tous trois au sommet du pouvoir absolu contemporain, et ne peuvent désigner des fonctions sociales différenciées car une des caractéristiques de notre temps est l’indistinction entre les gens du peuple : un militaire vaut un boulanger, puisque l’un peut indifféremment devenir l’autre et vice versa. De fait, ce maudit trépied est un fondement de la modernité, et même de la modernité la plus proche. Pythagore avait proposé une figure géométrique – la Tetraktys – pour représenter la structure de l’ordre cosmique. Il s’agit d’une pyramide à dix points, répartie comme suit : les trois points supérieurs symbolisent la monade et la dyade du premier monde (la Sainte Trinité), les trois points médians sont les trois axes temporels du deuxième monde (celui des Lois principielles) et les quatre points inférieurs sont les quatre axes spatiaux du troisième monde (celui de la manifestation matérielle). Le désordre malfaisant – c’est-à-dire la structure de l’Anti-monde – est une pyramide strictement inverse (la pointe dirigée vers le bas), située durant l’Age d’Or au-dessous de la première pyramide comme son reflet dans un miroir. Or, à chaque nouvelle ère franchie par l’humanité, la Tetraktys et l’anti-Tetraktys – le triangle et l’anti-triangle – s’imbriquent un peu plus l’un dans l’autre : l’un descend et l’autre monte. Le judaïsme a émergé au début de l’ère du Bélier ; les deux triangles cosmiques étaient déjà sévèrement entremêlés jusqu’à superposer les deuxième et troisième mondes à leurs anti-mondes respectifs, ce qui est strictement représenté par l’étoile de David. Mais, depuis, la situation s’est aggravée. Nous arrivons maintenant à la fin de l’Age de Fer, où l’univers se tient sur la tête comme dans l’arcane du Pendu : le triangle de Dieu est désormais en bas et celui de Satan est en haut, et seules leurs pointes contenant chacune sa propre triade sont encore superposées (l’ensemble figure ainsi la silhouette d’un sablier) : la triade du premier monde n’est clairement dissociable de l’anti-triade de l’anti-premier monde que par les initiés, illustrant le principe eschatologique de la réversibilité du Bien et du Mal. Le Mage celte Melchior offre au Christ de l’or et le salue comme Roi ; au contraire, le capitalisme enrobe d’or les banquiers et financiers, qui sont les êtres humains les plus malfaisants, pourris, menteurs et dégradants de tous les temps : des rognures d’Anti-christs, dont il faudrait exterminer la descendance avec une détermination hérodienne sans faille. Le Mage asiatique Gaspard offre au Christ de l’encens et le salue comme Prêtre ; au contraire, le journalisme souille toute velléité de relation humaine, rabaissant sans discontinuer et sur la place publique chaque personne qui tente de parler avec Dieu. Le Mage égyptien Balthazar apporte au Christ de la myrrhe et le salue comme Prophète ; au contraire, la démocratie parlementaire embaume toute parole vivante, et souille à chaque seconde la vérité par des tombereaux de paperasses abjectes signant l’arrêt de mort de la pensée. Oui, l’Empire est résolument sataniste. De plus, la triple conjonction qui lui sert de moteur a ceci de particulier qu’elle repose sur la notion de médium : non pas l’intermédiaire – le metaxu – tel qu’a pu le louer Simone Weil, et dont le rôle est d’éclairer l’homme en étant situé à mi-chemin entre l’ignorance et la sagesse, mais le medium en tant qu’écran, celui qui au contraire bloque l’accès à la vérité. Le capitalisme financier repose sur la virtualité de l’argent qui est lui-même une virtualité de la marchandise, et le journaliste est un homme dont le métier est affiché comme étant totalement parasitaire, puisqu’il n’est désigné que pour rapporter aux uns ce que font les autres, ce qui est – je me permets de le rappeler – condamné à juste titre par le patriarche Noé en la personne de son fils Cham. Quant à la démocratie parlementaire, je ne vois pas comment un jeune homme révolté pourrait encore vouloir s’en accommoder. Il s’agit donc bien de « répondre à cette inversion » comme vous le dites, en proposant l’émergence d’un triple chemin qui permettrait à chaque individu de se recentrer sur sa part secrète et lumineuse, d’accéder à cette partie de sa chair que le système fait tout pour étouffer, ce morceau pulsatile de soi-même absolument irréductible à la psychanalyse, l’économie ou la sociologie – ces totalitarismes modernes. Les trois voies parallèles – et qui finissent par converger à l’horizon de soi-même – reposent sur une discipline commune de la religion, de la politique et de l’art, visant toujours à déchirer le medium. Si l’on n’emprunte qu’une seule de ces voies, on ne pourra pas aller très loin, puisque l’Empire est lui-même (anti) religieux, (anti) politique et (anti) artistique. On ne combat pas Jules César avec des principes économiques ou sociaux : c’est sous les coups de boutoir du christianisme (interne et externe) que l’Aigle matérialiste s’est effondré. Le mouvement Parousia, fondé le dimanche 27 juillet 2008 sur le parvis de la cathédrale de Saint-Maximin contenant les reliques de sainte Marie-Madeleine, est une structure révolutionnaire reprenant les principes de la Chevalerie Christienne chère à Paul Le Cour, mais en les adaptant à notre époque. Nous avons effectué à plusieurs reprises (et en des endroits les plus divers) des lectures mises en scène de textes métaphysiques et religieux (dont l’Apocalypse de Jean), nous avons créé sur la place publique – c’est-à-dire Internet – un site (associé à un blog) qui établit et développe nos visions sur des sujets variés mais cruciaux [2],… Par ailleurs, j’espère finir cette année d’écrire un roman qui illustrera la problématique immédiatement eschatologique telle qu’elle se pose aujourd’hui à toute personne assoiffée de justice, de beauté et d’amour de Dieu.
5-Vous êtes proche du Parti Antisioniste que vous décrivez comme un parti guénonien, pouvez-vous expliciter ?
René Guénon est évidemment un des écrivains les plus importants du vingtième siècle. Je dis bien écrivain, car il était plus qu’un intellectuel, ou même qu’un maître spirituel. Les livres de Guénon nous apprennent à mourir, ce qui est la fonction la plus importante de l’œuvre d’art selon Tarkovski. Sa capacité de synthèse est absolument admirable, de même que sa puissance prophétique : c’est un homme qui magnifie le principe selon lequel l’élaboration de l’avenir repose sur la compréhension du passé. Il est très amusant de dresser l’inventaire des militants anti-guénoniens pollueurs de l’espace mental : les gauchistes qui lui reprochent d’être foncièrement anti-égalitariste, les francs-maçons belges (Jean van Win) qui le désignent comme le traître absolu, les occidentalistes qui voient en lui le prototype du blanc ethno-masochiste en babouches, les athées qui l’accusent de tout ramener sans cesse à la religion, les antifascistes névrosés qui le décrivent comme un bâtisseur de « Super-Auschwitz », et même certains catholiques comme les Intransigeants (ou bien des thomistes dogmatiques) qui le proclament ésotériste anti-chrétien. Tout cela constitue un véritable Barnum de tristes cœurs bavant à la poupe !... Il existe même un certain Zacharias qui pousse l’imbécillité manifeste jusqu’à confondre le Roi du Monde avec ‘le Prince de ce Monde’, faisant ainsi allègrement passer Guénon pour un sataniste (alors que Guénon réfute précisément cet argument à la fin du chapitre III de son ouvrage, ce qui prouve tout simplement que cet internaute ne l’a pas lu) ! Il est certain qu’avec de tels abrutis, le Système peut tranquillement dormir sur ses deux oreilles. Guénon a toujours rejeté l’idée que le christianisme pouvait représenter l’unique voie de Salut, ce qui est une évidence absolue ! Il faut vraiment être bête comme un pot de chambre pour ne pas comprendre que dans les temps précédant l’incarnation du Verbe en Jésus-Christ, il existait d’autres formes de religion que le christianisme qui pouvaient permettre de vivre suivant la Tradition. Les Grecs connaissaient et célébraient le Verbe (la dyade était formée du Logos et de la Sophia), ainsi que les Celtes, les Juifs, les Egyptiens, les Hindous, les Chinois, etc… Et cela sera la même chose dans les temps qui suivront la Parousie : une nouvelle religion émergera forcément, du fait de l’établissement d’une nouvelle Alliance entre le Paraclet et l’humanité vivante. Par ailleurs, Guénon n’a évidemment jamais attaqué les principes de la religion chrétienne : au contraire, il justifiait celle-ci en regard de la cyclologie adamique, et en renforçait la spécificité en la plaçant face à l’histoire universelle. Il est logique que Dieu prenne chair et se fasse crucifier pour inaugurer l’ère finale de l’Age du Fer : comment aller plus loin dans la tentative de redressement de la race humaine ? Le texte Christianisme et Initiation est tout à fait révélateur de cette noble position de Guénon : il y considère que le passage de l’ésotérisme à l’exotérisme opéré durant les premiers temps du christianisme était une analogie du sacrifice christique, « ce qui est d’ailleurs vrai de toute descente de l’esprit ». Cette réflexion est tout à fait caractéristique de la pensée super-sonique de ce « soufi d’Occident » comme l’appelle Abd-al-Halim Mahmûd. Ce en quoi Guénon n’avait pas foi, c’était dans ce qu’était devenue l’Eglise (tout comme les Intransigeants, d’ailleurs) ! Et encore, il est mort avant Vatican II… Lorsque j’ai appris l’existence du Parti Antisioniste, je les ai immédiatement contactés pour leur faire part de mon irrépressible admiration fiévreuse. Il n’y avait plus de place pour faire partie de la Liste aux élections européennes, tant le succès a été grand. Yahia Gouasmi et Antoine Ribas sont des hommes emplis de sagesse, ce sont d’authentiques traditionalistes révolutionnaires. Je suis heureux de les représenter dans la ville de Marseille. Le Parti Antisioniste est le premier parti métapolitique de l’histoire française, mettant directement en application la plupart des principes guénoniens - à commencer par la reviviscence de l’opposition entre Orient et Occident. L’Occident est une construction idéologique que tous les hommes de bonne volonté se doivent d’éradiquer, et ils ne peuvent compter que sur les Orients (Proche, Moyen et Extrême) pour mener cette action à son terme. N’oublions pas que Guénon s’en prenait directement aux grands-pères des Identitaires dans La crise du monde moderne en 1927 : « Quelques-uns parlent aujourd’hui de défense de l’Occident, ce qui est vraiment singulier, alors que c’est celui-ci qui menace de tout submerger et d’entraîner l’humanité entière dans le tourbillon de son activité désordonnée ». Enfin, le Parti Antisioniste n’est pas un parti démocratique, dans le sens où il ne fonctionne pas sur le désir d’être représenté dans une quelconque assemblée (il ne manquerait plus que ça !). Yahia Gouasmi ne veut pas être un élu anti-sioniste au pouvoir, mais il veut destituer le sionisme du pouvoir.
6-Pensez-vous que la religion Chrétienne orthodoxe soit un pôle de résistance à l’Empire ? Que pensez-vous de la vision mystico-géopolitique d’un Alexandre Douguine ?
Lorsqu’on déambule dans les rues de Moscou, on ne tarde pas à comprendre que l’Occident est une lèpre qui ne peut pas infecter très profondément la peau des Russes. Cette ville est certes un des points névralgiques où la bactérie ultra-libérale s’est le plus gravement implantée, mais elle est également celle où la foi chrétienne est probablement la plus intense au monde – à l’exception notable de certains pays d’Afrique Noire comme le Cameroun, où le catholicisme est douze mille huit cent cinquante fois plus rayonnant qu’à Lourdes. J’ai eu la chance de tomber sur une cérémonie de mariage en arpentant l’enceinte du Monastère de Novodiévitchi, tout au bord de la Moskva. Les explosions de furieuses couleurs déployées en accordéon par-dessus le porche de l’église baroque de la Transfiguration, c’est quand même autre chose que des poignées de riz lancées sur le parvis de l’église de Vitrolles… Lorsque vous verrez comme moi des jeunes filles blondes ultra-sexy se voiler dévotieusement les cheveux en pénétrant dans la cathédrale de la Vierge de Smolensk, se signer avec une lenteur de girafe méditative et prendre une heure de leur temps pour faire le tour complet de l’édifice rutilant en embrassant l’une après l’autre les rudes et spirituelles icônes de feu ardent, non sans oublier de s’agenouiller en passant devant l’impérieuse iconostase des Patriarches toute en cascades dorées de splendeurs sacrées, vous comprendrez qu’il n’y a pas besoin de faire trente-cinq ans d’études en théologie pour savoir où est l’avenir de l’Europe. Car c’est bien la Russie qui est l’avenir de l’Europe, et pas le contraire, bien sûr. Raymond Abellio écrivait dans son Assomption de l’Europe que, si l’expansion des peuples de l’Age de Fer les avait toujours conduit de l’est vers l’ouest, un des signes les plus notables de l’imminence de la Parousie serait « le renversement de l’ouest vers l’est ». C’est volontairement que je ne cite pas ici les centaines d’écrivains, de prophètes et d’artistes qui prévoient depuis deux mille ans le salut du monde par l’Est. Il faut ré-orienter nos âmes. Les idées et la trajectoire d’Alexandre Douguine me sont évidemment très sympathiques. L’Eurasie me va droit au cœur, tant qu’il s’agit d’une redéfinition de la Russie comme terre du milieu, comprise entre l’Europe et l’Asie pour pouvoir les transcender en même temps. Mais le concept d’Eurasie est trop souvent ressenti comme un besoin d’amitié géopolitique entre l’Europe et la Russie, l’appel à la fondation d’un grand bloc continental pour lutter à deux contre l’atlantisme. Prise dans ce sens, l’Eurasie possède exactement le même rôle hypocrite que la politique du métissage : l’Occidental blanc se sent en phase terminale, alors il fait tout pour se rapprocher des autres et les entraîner avec lui dans sa perte (les Chinois, les Noirs et les Arabes ne veulent pas se métisser, eux !). Il faut quand même bien réussir à comprendre que l’Europe est entièrement foutue jusqu’à la moelle des os, et que cette union n’aurait comme conséquence que de salir la Russie. Les Russes ont toutes les raisons de conserver intacte leur brutale fierté ; ce sont aux Européens de se mettre à genoux devant eux pour leur implorer pardon.
7-Vous dites : « Bien que le sionisme ne soit pas religieux, c’est religieusement qu’il faut le combattre ». Qu’est ce que le Sionisme selon vous ? Une hérésie messianique ? Une manipulation antisémite anglo-saxonne ?
L’histoire du judaïsme n’est pas aussi linéaire que l’on veut parfois nous le faire croire. Et surtout, ce n’est pas un accident de l’histoire, comme un surgeon religieux apparu soudain en Mésopotamie il y a quatre mille ans Dieu sait pourquoi et comment… Comme pour le christianisme, la cyclologie permet de qualifier et, surtout, de justifier le judaïsme. Le point vernal venait d’entrer dans la constellation du Bélier lorsque Terah quitta la cité d’Ur avec son fils Abram, inaugurant ainsi la deuxième Ere de l’Age du Fer (la première étant l’Ere du Taureau). Rappelons que les principales colonies atlantes, elles-mêmes fondées quatre mille ans auparavant, étaient réparties à l’est en Egypte et en Chaldée (ainsi qu’en Inde et en Chine), et à l’ouest en Amérique du Sud. Le Déluge de Noé (nommé Deucalion par Platon), qui marqua entre-temps le passage de l’Age du Bronze à celui du Fer, permit d’instaurer une nouvelle Alliance de type très aristocratique entre Dieu et certains hommes. Abram descendait de cette tribu élue par Dieu pour conserver et revivifier la Tradition, laquelle resta encore très vivace dans les colonies atlantes précitées durant les deux mille ans précédant sa naissance, soit durant cette Ere du Taureau qui vit partout fleurir des religions traditionalistes (c’est-à-dire fondamentalement monothéistes, je me permets de le rappeler) à figure taurine. Le taureau androcéphale était ainsi au cœur de la religion sumérienne pratiquée à l’époque. Le départ de Terah – et donc d’Abram – est un signe que la Chaldée était entrée dans une phase de dégénérescence : le rôle des Juifs consistant à marcher d’un pays à l’autre pour conserver intacte la Tradition prit alors réellement son essor. Ils se dirigèrent vers l’ouest (suivant la loi dont j’ai parlé précédemment), tout naturellement vers l’Egypte. Certains d’entre eux s’installèrent au pays de Canaan (qui se trouvait à mi-chemin) pour fonder Jérusalem, et d’autres poursuivirent effectivement leur route jusqu’en Egypte : quittant les fastes du Moyen Empire, ce pays pénétrait à son tour – avec quelques siècles de décalage après la Chaldée – dans une période de desséchement religieux. Comme l’écrivait Jean Phaure, l’arborescence de chaque Ere présente dans ses grandes lignes une structure analogue, étagée sur un rythme à trois temps (chacun d’eux durant environ sept cents ans, puisque la durée canonique d’une Ere est de 2160 ans) : 1) le départ bourgeonnant puis l’effervescence (avec des ramifications théologiques qui peuvent éventuellement pousser jusqu’à former des mouvements hérétiques) ; 2) l’apogée de floraison religieuse et artistique suivi du premier coup de hache brutal (dû à des principes extérieurs radicalement hétérodoxes) ; 3) la crise structurelle et l’agonie du déracinement. Durant l’Ere des Poissons inaugurée par Jésus-Christ, l’effervescence religieuse du VIIè siècle donna naissance à l’Islâm (que je considère comme un enfant du christianisme), puis l’apogée du Moyen Age déboucha aux XIVè - XVè siècles sur l’irruption de la modernité (banques, protestantisme, relativisme pseudo-individualiste) qui déracine actuellement notre cosmogonie. Une dynamique similaire se retrouve dans l’Ere du Bélier. L’inauguration de cette Ere, à savoir le départ d’Ur décidé par Abram, déboucha sept cents ans plus tard sur la véritable effervescence du judaïsme que fut l’épopée de Moïse : ce dernier quitta à son tour l’Egypte à cause de la folie d’Akhénaton, qui voulut – non pas créer le premier monothéisme de l’histoire comme se plaisent à le rappeler de nombreux crétins pseudo-théologiens – mais au contraire nier la Tradition et fonder une monolâtrie autour du Soleil Aton, confondant ainsi Dieu et le Verbe dans une seule et même vénération. Initié dans les cénacles religieux égyptiens de Thèbes dévolus au « Dieu Caché » Amon (ou Imen), Moïse fut révolté par cette attitude. Comme ses ancêtres Noé et Abraham, il décida de partir en conservant l’Arche avec lui (Guénon faisait d’ailleurs remarquer « l’identité manifeste entre le nom de la ville de Thèbes et la Thebah hébraïque, c’est-à-dire l’Arche du déluge »), avant de révéler intégralement à tout son peuple au pied du mont Sinaï ce qui faisait l’essence de celle-ci. Avec Moïse, le concept d’initiation n’existe plus : c’est le premier démocrate de l’histoire de l’humanité. Sept cents ans plus tard, la déportation des Juifs à Babylone par Nabuchodonosor II scia en deux l’arbre du judaïsme, préfiguration de son écroulement théologique complet par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ six cents ans après. Bien entendu, je suis aussi loin que possible de tout antijudaïsme. Cela serait aussi absurde que de s’annoncer comme anti-platonicien ou anti-celte. Par ailleurs, se prétendre guénonien et antijudaïque n’aurait strictement aucune valeur intellectuelle, puisque Guénon utilisait les notions fondamentales de Shekinah et de Metatron (entre autres) pour justifier le caractère véritablement "régulier" du judaïsme. Il faut simplement veiller à ne pas confondre l’ensemble formé par la Kabbale et la Torah (versants ésotérique et exotérique du judaïsme) d’une part, avec le Talmud d’autre part, où tout est faux à mes yeux (qui ne suis pas juif) puisque cette compilation de traités et de lois a été entièrement rédigée après l’Incarnation, donc dans une époque où le judaïsme était devenu historiquement caduque. Je peux lire et aimer la Torah, puisque la moindre de ses lignes reflétait la Vérité au moment où elle a été rédigée ; mais comment pourrais-je en faire autant avec le Talmud ? En ce sens, le Talmud est une parfaite préfiguration du sionisme : la religion judaïque est d’abord souillée par des considérations sociales d’une bassesse abyssale (summum de l’exotérisme le plus vulgaire), avant d’être dégradée par des opinions politiques honteusement utilitaristes. Les propagandistes sionistes savaient très bien que l’Ouganda ou le Birobidjan ne pouvaient pas être efficaces en tant que terres d’accueil de l’état juif : le sionisme territorialiste, personne n’y croyait. Il leur a fallu utiliser le prétexte religieux pour parvenir à leurs fins. Mon antisionisme se pratique, d’abord et avant tout, au nom du judaïsme ; je considère ce mouvement socialiste et athée qu’est le sionisme comme l’équivalent du robespierrisme pour le catholicisme gaulois : une sécularisation anti-transcendantale, une nationalisation de la religion dé-mysticisée, une profanation de la Tradition.
8-Vous semblez influencé par "le salut par les Juifs" de Léon Bloy, la crucifixion du peuple juif (Auschwitz) était elle indispensable à la Parousie ? Pourquoi ?
La structure temporelle de l’Ere des Poissons, que j’ai esquissée dans la réponse précédente, est beaucoup plus complexe que ce que j’en ai dit, car cette Ere aboutit non seulement à la sortie de l’Age de Fer, mais – et c’est beaucoup plus important – à la sortie du cycle complet de l’Humanité Adamique qui débuta il y a 650 siècles par l’instauration de l’Age d’Or ! C’est le christianisme johannique, spirituellement essénien et hellène, qui traduit le mieux cette sensibilité. Saint Jean, sainte Marie-Madeleine et la Sainte Vierge constituent le trio fondateur de « l’Eglise intérieure ». Car la mission très spécifique du christianisme, qui n’avait plus pour objet – comme toutes les religions précédentes – de structurer les sociétés de manière conforme à l’ordre cosmique, mais de rénover complètement l’ensemble de l’humanité en vue de la préparer au Jugement Dernier, fit très vite évacuer de sa hiérarchie toute organisation ésotériste ou initiatique. Voilà pourquoi de nombreux baveux en veulent à l’Eglise de Pierre, sans avoir compris quel était le rôle fondamental de Jésus-Christ : prolonger la « vulgarisation » mosaïque des Mystères sacrés en l’étendant au-delà du peuple Juif, c’est-à-dire à tout individu vivant sous la voûte des cieux. De fait, l’ésotérisme chrétien ne peut qu’être individualiste, et ne peut se pratiquer qu’au tréfonds de son propre cœur. Les trois amoureux du Christ vécurent ensemble durant une dizaine d’années dans cette fameuse Maison Jaune à Ephèse (redécouverte bien plus tard par Anne-Catherine Emmerich), et eurent le temps de développer une christologie commune. Saint Jean dicta ensuite l’Apocalypse, qui est une description prophétique en vingt-deux chapitres des vingt-deux siècles de l’Ere des Poissons (un chapitre par siècle). Durant la même période, Sainte Marie-Madeleine évangélisa Marseille avec des discours enflammés et initiatiques qui furent schématisés trois cents ans après par Jean Cassien sous la forme des vingt-deux arcanes majeurs du Tarot [3]. Or, les chapitres de l’Apocalypse et les arcanes majeurs sont distribués en trois parties bien distinctes (les Lettres aux églises d’Asie, les Visions prophétiques et la Jérusalem future pour l’un, les trois septénaires pour l’autre), lesquelles se superposent parfaitement au rythme à trois temps de l’Ere des Poissons. Ce que vous appelez fort justement « la crucifixion du peuple juif » est décrite dans le chapitre XX de l’Apocalypse. Nous sommes évidemment situés juste avant la fin des Visions prophétiques, en pleine modernité agonistique précédemment symbolisée (entre autres) par « le premier combat eschatologique ». Saint Jean évoque la première résurrection pour les âmes de « tous ceux qui refusèrent d’adorer la Bête et son image, de se faire marquer sur le front ou sur la main ; ils reprirent vie et régnèrent avec le Christ mille années » (XX.4). Ces « Prêtres de Dieu et du Christ », qui sont assurés de faire partie de la Jérusalem Céleste lors du Jugement Dernier (« La seconde mort n’a pas pouvoir sur eux ») sont ces Juifs qui furent massacrés au milieu du XXè siècle pour deux raisons opposées de manière spéculaire (illustrant le principe eschatologique de la réversibilité du bien et du mal dont j’ai déjà parlé) : le national-socialisme, ce double acmé de la modernité totalisatrice, accusait en même temps les Juifs d’être porteurs du virus du monothéisme biblique et d’être des usuriers matérialistes, mêlant ainsi dans un même mouvement les Juifs de la Torah et ceux du Talmud. Cette globalisation atrophique des Juifs se retrouve d’ailleurs précisément transposée dans le sionisme, qui est également un national-socialisme porté par la même obsession aussi morbide que névrotique : mettre tous les Juifs dans le même panier… La crucifixion auschwitzienne des Juifs apparaît comme l’aboutissement logique de la dé-crucifixion de Jésus-Christ, que Bloy évoque dans son Salut par les Juifs comme l’événement le plus symbolique de notre fin de cycle. La Sainte-Vierge avait centré sa prophétie de la Salette en 1846 sur la dé-crucifixion de son Fils, mais elle en avait aussi profité pour évoquer la joie des Justes régnant ensuite avec le Christ, en parlant de « vingt-cinq années d’abondantes récoltes ». C’est l’arcane XVIIII du Tarot de Marseille qui symbolise tous ces événements : la carte du Soleil montre que les deux diablotins de l’arcane XV sont désormais libérés (ils ont encore la corde autour du cou), signifiant ainsi que ce sont paradoxalement les frères jumeaux artisans du satanisme (les fondateurs des premières banques à la fin du Moyen Age) qui entrent les premiers dans cette confrérie solaire des Prêtres de Dieu. Notons toutefois que cette élite ne peut fraterniser qu’à l’abri d’une enceinte maçonnée avec les pierres de la Maison-Dieu (visible dans l’arcane XVI) : tout n’est donc pas encore décloisonné. Le second combat eschatologique reste à être mené entre, d’une part, Gog et Magog séduits par Satan, et d’autre part : « le camp des saints, la Cité bien-aimée » (Ap., XX.9), c’est-à-dire l’Orient. Ce sont les temps que nous vivons actuellement, inaugurés par « le feu descendu du ciel » du Onze Septembre Deux Mille Un.
9-Vous dites que le système est réactionnaire, n’est-il pas plutôt profondément révolutionnaire puisque moderne ?
Il faut rétablir la vérité de certains mots : un révolutionnaire authentique est un homme qui se met au service d’une politique à l’image de la révolution des astres, une politique qui se doit de rétablir à certaines époques consacrées le lien mobile avec l’ordre chaotique du Grand Tout. Le réactionnaire, lui, est pour une vision linéaire du Temps, et croit en une certaine immutabilité de l’Etant. C’est Parménide contre Socrate. Le premier croit (ou fait semblant de croire) que l’homme vit encore à l’Age d’Or, le second sait que ce n’est plus le cas et fait des propositions pour accorder son amour de la divinité au nouveau paradigme civilisationnel. Car l’essence divine n’est jamais la même : il existe une histoire de Dieu. Sur ce point, vous avez les deux extrêmes : Saint Augustin, qui dans ses Confessions définit Dieu comme étant « toujours et immuablement le même », et le Bouddhisme qui décrète qu’il n’y a pas de cause première car il ne peut exister aucune référence absolue. En vérité, je vous le dis : Dieu est éternel justement parce qu’Il diffère à chaque instant (mais Il n’évolue pas, bien sûr) : c’est l’Essence au-delà des essences, le Vide parfait dont l’état énergétique change sans cesse de valeur (de manière discontinue) puisque le Système du Cosmos est perpétuellement en régime dynamique. Dieu resterait toujours identique à Lui-même s’Il n’était que le réceptacle passif de l’espace-temps. Or, Dieu est vivant ! Et ce sont Ses fluctuations spontanées, qu’aucun être humain ne pourra jamais prédire, qui sont à l’origine de la polarisation du vide, et donc de la génération de particules (pôle masculin de l’essence divine ou Verbe) et de champs (pôle féminin, l’Esprit). Etre révolutionnaire revient à intégrer dans sa pensée le mouvement métabolique du vivant, et donc à se mettre au service de Dieu. La modernité a érigé au contraire un système de pensée entièrement anthropocentriste et évolutionniste : tout concept est donc au service d’une vision progressiste de l’humanité, dont seul l’aspect extérieur changerait. Ce point est très important. Pour un moderniste, le fond de l’homme – son aspect intérieur – est toujours le même (« Blacks, Blancs, Beurs, on est tous pareils »), quelle que soit la région du monde où il habite et quelle que soit la période historique où il vit. C’est un des aspects les plus authentiquement réactionnaires de la doxa propagandiste contemporaine. Je me souviens de Christine Angot qui revendiquait agressivement sur un plateau télé de ne pas comprendre la notion « d’époque ». Discutez avec un gauchiste paumé devant un verre de pastis : il vous dira que les conditions sociales sont les mêmes qu’il y a deux cents ans, que les problèmes n’ont pas du tout changé, que toutes ces histoires de cycles sont de la connerie,… Il n’aura pas vu passer le vingtième siècle : le refus de l’histoire est sa loi. Et bien, aussi paradoxal que cela puisse paraître, ce discours est celui d’un homme ontologiquement de droite… C’est le discours de l’homme blasé par avance de tout désir de révolution authentique : il préférera toujours se retirer à la campagne et faire le malin avec ses fromages de chèvres de merde… Par ailleurs, ne pensez jamais que le système moderne est révolutionnaire (comme vous le laissez entendre dans votre question) : c’est une profonde erreur ! Le principe de la révolution a toujours joué un rôle fondamental dans l’histoire de l’humanité (je ne connais pas de pensée aussi intrinsèquement révolutionnaire que celle de Platon), et ça n’est seulement que depuis cinquante ans que la possibilité même d’une révolution n’existe plus du tout dans l’Empire, puisqu’elle est intégralement remplacée par son image. C’est la suprême réussite du libéralisme : remplacer la liberté par l’image de la liberté, remplacer le sexe par l’image du sexe, remplacer le désir par l’image du désir… Politiquement, la génération soixante-huitarde qui a pris le pouvoir dans les années quatre-vingts est la plus d’extrême-extrême-droite de tous les temps ; en éliminant systématiquement toute possibilité de transmission du savoir entre les générations (quel que soit le domaine considéré), elle a complètement détruit tout embryon fœtal de pensée traditionaliste, et donc de révolution authentique. Il faut quand même aller jusqu’en Iran pour pouvoir assister en 1979 à la seule véritable révolution du vingtième siècle sous l’égide de l’Ayatollah Khomeiny. Ceux qui tombent complètement dans le panneau sont ces penseurs français qui s’assument comme authentiquement réactionnaires, de Finkielkraut à Philippe Muray. Ils voient du cul chaque fois qu’ils allument leur télé, et ils en déduisent que la société est devenue hyper-sexualisée ! alors que l’Empire fait absolument tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher les gens de s’adonner au sexe véritable dans la vraie vie (propagande de l’homosexualité, peur du sida, imposition de la capote, fascination de la pédophilie), et plus globalement, les empêcher de mener des rencontres authentiques et des échanges significatifs. Il se vote au moins une loi par semaine qui va dans ce sens. Je suis intimement persuadé qu’un célibataire de trente ans travaillant aujourd’hui à Paris vit moins de réelles aventures sexuelles en un an, qu’un scribe d’Assouan sous les Ptolémées ou qu’un tailleur de pierres travaillant au XIè siècle à Notre-Dame la Grande de Poitiers. Une société saine, traditionaliste, est une société qui n’éprouve bien sûr aucun problème avec le sexe, et qui en promeut même le caractère infiniment sacré. Le sexe bien discipliné est une des voies pour atteindre la jouissance, c’est-à-dire la connaissance. Sur ce point comme sur bien d’autres, la prostitution a connu un lent déclin à travers les âges : il est facile de vérifier que son caractère est de plus en plus sacré à mesure que l’on remonte le temps, puisque l’initiation au sexe a toujours été logiquement associé à l’apprentissage de la guerre. Il n’y a que les pourritures gauchistes pour dissocier l’amour de la guerre. Ancêtre d’Aphrodite, Inanna était la déesse sumérienne de l’amour physique et du combat ; sa célébration dite du « Mariage sacré » donnait lieu, déjà, à des bacchanales réputées. Les Etrusques, les Grecs (avec les hétaïres), les Indiens, les Juifs (certains passages du Cantique des Cantiques ne laissent place à aucun doute)… tous célébraient la Prostituée comme une initiatrice de tout premier plan. Et je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler qui était Sainte Marie-Madeleine. Le Marquis de Sade savait tout cela : « Socrate, déclaré par l’oracle le plus sage des philosophes de la terre, passant indifféremment des bras d’Aspasie dans ceux d’Alcibiade, n’en était pas moins la gloire de la Grèce » écrit-il dans La philosophie dans le boudoir. Sade attaquait frontalement la religion car c’est à elle qu’il attribuait la raison de la mise au ban de la prostitution. Or, c’est un euphémisme que de dire que le christianisme était affaibli au XVIIIè siècle ; et une religion faible s’efface toujours derrière sa part maudite : la morale. Sade détestait la faiblesse, et il n’a jamais poussé la curiosité à scruter ce qu’il y avait de viril dans toute religion authentique (il faut dire qu’on ne l’a pas trop aidé à agir dans ce sens). Je suis persuadé que s’il avait vécu au XIIIè siècle, le Marquis de Sade aurait été un très bon Templier. Dans un autre domaine, on peut remarquer aujourd’hui le nombre incroyable d’émissions de télévision consacrées à la cuisine, toutes chaînes confondues et du soir au matin ; qui oserait en déduire que la société serait devenue hyper-gastronomique, alors qu’en réalité, les gens n’ont jamais aussi mal mangé depuis Adam et Eve ? C’est la même chose avec ce concept totalement ridicule d’homo festivus. Cela fait au moins trente ans que je n’ai pas vu de véritable fête, et je ne suis pourtant pas du genre à pourrir dans ma bibliothèque. Il convient de bien savoir distinguer une chose de sa représentation. Je ne dirai jamais, moi, que le moteur du libéralisme est l’idéologie du désir ; car c’est bien plutôt le plaisir qui gère les rouages économiques, politiques et métaphysiques de notre société. Or, le plaisir n’est pas l’aboutissement du désir, mais son assassinat pur et simple. Franchement, regardez cinq minutes autour de vous : vous en voyez beaucoup, vous, des gens qui sont habités par le désir de quoi que ce soit (et notamment de la révolution) ? Tout le monde est totalement éteint, fatigué, usé, abîmé en secret par l’avalanche de plaisirs forcés… Nous vivons dans l’Empire de la satiété, et plus du tout dans le Royaume de la saveur. Cette problématique est au cœur de L’Homme qui arrêta d’écrire, le dernier roman de Marc-Edouard Nabe. Encore une fois, c’est vers l’Orient qu’il faut se tourner pour espérer retrouver le principe du désir – non réductible au libéralisme, non commercialisable –, et particulièrement au Japon, un des derniers endroits du monde où il existe encore des choses qui ne s’achètent pas. Je ne parle évidemment pas de Shinjuku et des autres quartiers dégénérés de Tôkyô dont on nous rebat les oreilles en permanence, mais de certaines ruelles tortueuses et pavées d’Otsu au bord du lac Biwako où, au milieu de l’ozone et dans une grande promiscuité de loups et de renards argentés, quelqu’un surgit soudain, vous prend par la main et vous fait passer la ligne pour déboucher dans l’au-delà.
10-Vous dites que l’Islam est « la force religieuse qui émergea en fin du premier cycle de l’ère des Poissons pour contrebalancer la Bête qui surgit du second cycle », la Bête étant la naissance du capitalisme financier. Pourquoi l’Islam et non pas la Chrétienté pour contrecarrer les plans du Diable ?
La chrétienté a combattu le Diable du mieux qu’elle a pu, et le résultat a été plutôt positif jusqu’au quatorzième siècle. Mais le Mal, qui n’est qu’une singerie du Bien, change également à travers les âges. Les splendeurs du Moyen Age ont enrobé le monde entier d’une couleur unique (j’y inclus la civilisation musulmane, bien entendu, tout comme le monde asiatique : la construction de Notre-Dame de Paris a débuté en même temps que celle du temple d’Angkor Vat). Mais l’anti-Tetraktys continuait de s’imbriquer indéfectiblement dans la Tetraktys. La fin du Moyen Age s’est annoncée avec la grande peste noire sur l’Europe et la destruction de l’Ordre du Temple, puis elle s’est concrétisée avec la fin de la Guerre de Cent Ans, la chute de Byzance et la découverte de l’Amérique. L’Empire spatial et temporel du Mal s’était alors exactement superposé à celui du Bien : le Diable s’était humanisé. Tant que l’homme était pris en sandwich entre Dieu et le Diable, la religion de l’Incarnation était nécessaire et suffisante pour lui faire lever les yeux vers le ciel tout en exaltant sa douleur d’être né. Mais dès lors que l’homme a été rejoint par le Diable, comment voulez-vous qu’il puisse continuer à prendre exemple sur Jésus ? Toute l’histoire du troisième cycle de l’Ere des Poissons se résume à un lent déclin de la puissance du christianisme, du fait de l’emprise croissante du Diable sur les hommes. Pour prouver cette dernière, il suffit de regarder l’évolution de la peinture. Alors que les descriptions visuelles de Dieu relevaient originellement d’un anthropomorphisme direct et irréductible, s’épurant peu à peu en trouvailles visuelles élémentistes pour aboutir à des symboles purement géométriques (de Michel-Ange à Rothko), les portraits de Satan, eux, ont connu une histoire strictement inverse : d’abord semi-bestial ou purement animal, ou même végétal, il finit par montrer – et surtout à partir du dix-neuvième siècle – un visage et une anatomie de plus en plus humains, et même de plus en plus médiocrement humains (de Bosch à Gustave Doré). Ces modifications montrent à quel point l’évolution de l’homme éloigne ses propres sens de la perception de Dieu, tandis qu’elle le fait se rapprocher du Démon. Or, l’Islâm sait parfaitement cela : c’est une religion de l’urgence, entièrement tournée vers les modalités pratiques de l’eschatologie appliquée. L’avènement du Coran avait été évidemment prophétisé par Saint Jean : le verset 10 du chapitre X de l’Apocalypse (symbolisé par l’arcane de la Justice du Tarot de Marseille) le montre en train d’avaler « un petit livre ouvert dans la main de l’Ange debout sur la mer et sur la terre », qui lui remplit les entrailles d’amertume mais lui laisse la douceur du miel dans la bouche. L’Islâm possède un atout majeur, une spécificité qu’aucune autre religion n’a jamais eue auparavant : il croit si fort en Dieu qu’il ne croit pas en l’homme. Voilà pourquoi son succès va grandissant de jour en jour. Ne pas croire en l’homme est en effet la seule manière d’apprêter les fastes du Jugement Dernier dans une époque où l’homme est entièrement démonisé. L’Islâm est donc la religion la plus à même de combattre l’Empire avec efficacité, puisque celui-ci repose justement sur la négation de l’être humain. Le combat se fait à armes égales. Par ailleurs, les raisons symboliques qui justifient le futur succès de cette Foi venue d’Orient sont légion. Je n’en citerai qu’une : René Guénon écrit que lors de la reconstitution de l’Arche d’Alliance à la fin du cycle, « dans la figure de la Jérusalem céleste, le cercle est remplacé par un carré, et ceci indique la réalisation de ce que les hermétistes désignaient symboliquement comme la quadrature du cercle : la sphère, qui représente le développement des possibilités par l’expansion du point primordial et central, se transforme en un cube lorsque ce développement est achevé et que l’équilibre final est atteint pour le cycle considéré ». L’auréole de Jésus-Christ est remplacée par la Kaaba. Amen.
11-Chavez, Ahmadinejad, Poutine…les considérez-vous comme des résistants à l’Empire ? Sont-ils pour autant dans une vision Traditionnelle ? On sait depuis Michel Clouscard que par les jeux des renversements dialectiques, la Nation est un rempart à la globalisation et donc à l’impérialisme occidentaliste, ce renversement dialectique a-t-il fait du Nationalisme un concept compatible avec la Tradition ?
Aussi intelligents soient-ils, les marxistes ne peuvent avoir raison que jusqu’à un certain point. Clouscard est enferré dans une vision linéaire et évolutionniste de l’histoire, ce qui ne l’empêchait pas d’énoncer des vérités radicales, mais dans le cadre strict de l’analyse marxiste. Il convient tout d’abord de distinguer les trois hommes que vous avez cités. Chavez et Poutine sont des résistants, bien sûr. Mais Ahmadinejad est un attaquant et un mystique. Les deux premiers élaborent des stratégies politiques pour contourner les ruses de l’Empire. Le troisième fait en sorte que le retour de Muhammad al-Mahdî, le douzième Imam occulté par le monde invisible en 939, se fasse dans les meilleures conditions, et que son offensive finale contre l’Occident sous l’égide de Jésus fils de Marie se conclue par une victoire totale. Convenez tout de même que ce n’est pas exactement la même chose… Néanmoins, le fait que Chavez et Poutine (qui sont tous deux chrétiens) ne soient pas des mystiques traditionalistes n’est pas un problème en soi. Ce ne sont pas les hommes qui choisissent la Tradition, c’est la Providence qui choisit les hommes pour accomplir la Tradition. Dieudonné est un athée convaincu, ce qui ne l’empêche pas d’être l’un des hommes les plus importants en France aujourd’hui. Comme le dit le slogan : « Dieudonné est l’athée que Dieu nous a donné ». Ce que l’on fait compte infiniment plus que ce que l’on est, bien sûr. Un traditionaliste abonné à Atlantis, qui se rend régulièrement à des conférences sur le décryptage du tympan de Vézelay et l’alchimie médiévale, qui s’adonne au reiki pour se connecter à la source universelle, et qui vote socialiste aux élections régionales n’est qu’une insondable merde. Quant à la question de la nation, elle semble aujourd’hui malheureusement incontournable : on ne peut discuter sérieusement cinq minutes avec quelqu’un d’intelligent sans que cela ne vienne sur le tapis. Tout d’abord, permettez-moi de vous rappeler que presque chaque fois que le terme « nation » se trouve dans la Bible, c’est pour désigner des peuples opposés aux Juifs et aux chrétiens. Le sens actuel de ce mot est né au XVIIIè siècle dans des conditions radicalement anti-traditionnelles. Je sais très bien qu’il peut y avoir des « renversements dialectiques », mais ce petit rappel me semble absolument fondamental. Pour moi, les milliers de nationalistes qui chient sur Benoît XVI quand il en appelle publiquement à « une Autorité politique mondiale » dans son encyclique Caritas in veritate sont aussi haïssables que les gauchistes qui sont offusqués par son opposition à la capote. Sans doute ignorent-ils que le Pape est catholique, c’est-à-dire universel ? Cela me met littéralement hors de moi de voir des nationalistes faire la leçon à des prêtres sur cette question, alors que la nation est née deux mille ans après l’Eglise ! C’est plutôt à eux de prouver qu’ils valent quelque chose ! J’ai expliqué précédemment que Jésus-Christ était venu sur Terre dans le but de rénover spirituellement l’ensemble de l’humanité, avant que (comme l’écrit Platon dans sa Politique) le démiurge « ne revienne s’asseoir près du gouvernail, ne remette d’aplomb ce qui a souffert et ce qui a été détruit au cours de la révolution antérieure du monde livré à lui-même, et n’ordonne le monde pour le rendre immortel et le soustraire au vieillissement ». La lente élaboration historique du concept de nation a été un des principaux ennemis de la mission catholique durant dix-huit siècles (je ne crois pas qu’il ait existé beaucoup de Rois ou d’Empereurs en Europe qui n’aient considéré le Pape comme autre chose qu’un rival). Ce sont les francs-maçons, les juifs talmudistes et les bourgeois commerçants qui imposèrent définitivement en France la nation dans son sens moderne ; et aujourd’hui, ce sont les mêmes qui veulent la détruire ! Ce n’est pas parce que ces messieurs ont changé d’avis, que Benoît XVI et moi-même devons immédiatement changer le nôtre ! On n’est pas à leur botte ! Ceci dit, si l’on cherche des êtres humains dans le milieu de la politique aujourd’hui, il est évident qu’il n’y a que chez les nationalistes que l’on a des chances d’en trouver (et au Parti Antisioniste, bien sûr). Mais c’est seulement grâce au travail remarquable mené par Alain Soral depuis quelques années. Personnellement, le rôle de la nation ne me semble pas être particulièrement crucial dans le programme de rénovation intégrale qui doit être mis en œuvre. Jean Phaure disait : « Le long escalier descendu au long des Ages d’Argent, d’Airain et de Fer l’a été collectivement ; c’est individuellement, mais par l’Amour et la Connaissance, que nous pouvons aujourd’hui espérer le remonter ». L’Empire est allé trop loin dans l’atomisation du genre humain : il est trop tard pour en appeler à une quelconque communauté sociale de rassemblement. Le seul salut possible consiste à opposer une solitude transcendantale de sens ascendant à la solitude nihiliste conglomératique imposée par le système ultra-libéral. Etre seul sans soi avec Dieu, plutôt qu’être seul sans Dieu au milieu des autres. Ce qui n’empêche nullement de mener des actions concrètes et guerrières : on peut remarquer que ma phrase précédente pourrait être la parfaite définition du kamikaze.
12-La fin du dernier cycle de l’âge de fer serait prévue en 2160. Beaucoup parlent d’un événement majeur pour 2012, prenez vous cette affirmation au sérieux ?
Tous les calendriers prospectifs connus des anciennes civilisations prévoient que le cycle de l’humanité se terminera aux environs de la fin de ce millénaire. Le calendrier maya est fixé sur 2012, mais d’autres calendriers évoquent d’autres dates… De toutes manières, on n’est pas à deux cents ans près… L’essentiel est de comprendre la dynamique générale de la dévolution humaine : plus l’homme avance dans le temps, et plus il s’éloigne du souffle divin originel… plus il perd la mémoire de sa situation édénique vécue durant l’Age d’Or, laquelle se termina il y a 38000 ans. Les paléo-anthropologues connaissent très bien cette date, puisqu’ils disent que c’est à cette époque que sont apparus les premiers « Hommes de Cro-Magnon ». Une fois virés du Paradis, nos ancêtres commencèrent par exterminer leurs cousins, les hommes de Neandertal. C’est ça, l’histoire de Caïn et Abel… Aujourd’hui, certains sont assoiffés de justice, de beauté et d’amour : mais la race humaine est si exténuée qu’elle n’existe même plus. Aucune solution à ses problèmes ne pourra surgir naturellement de la communauté des hommes : je crois que c’est la grande leçon à tirer du vingtième siècle. Certains, par exemple, avaient cru s’en sortir au siècle dernier avec l’invention du socialisme. Mais Nicolas Berdiaeff avait su démontrer par avance que ça ne fonctionnerait pas : « La fraternité des hommes n’est possible que dans et par le Christ. Elle ne peut être un état naturel des hommes et des sociétés » écrivait-il, en précisant que le socialisme était « une flambée d’apocalyptique hébraïque, une manifestation du judaïsme en terrain chrétien ». Aujourd’hui, ce ne sont plus les Juifs qui proposent une solution, mais les Musulmans : la différence, c’est que cette fois-ci ça fonctionnera, pour la simple raison qu’un Musulman accepte Jésus. Berdiaeff termine son texte (publié dans le n° 6 d’Exil) ainsi : « Seule la fraternité chrétienne universelle, tournée vers la fin christique de l’histoire, peut vaincre la tentation du socialisme ». Remplacez le mot chrétien par le mot musulman, et vous aurez le fin mot de l’histoire. Mais il ne faut pas se méprendre : si l’Islâm sera le moyen « politique » d’en finir avec l’Empire, c’est une autre religion qui adviendra à l’occasion de la Parousie, et qui s’imposera durant l’Ere du Verseau avant que l’homme ne réintègre un nouvel Age d’Or. Cette nouvelle religion sera centrée sur le Roi du Monde, surgi du Centre Suprême caché durant toute la durée de l’Age du Fer. J’ai mon idée, moi, sur l’emplacement exact de ce pivot du monde, ce Montsalvat situé « aux bords lointains dont nul mortel n’approche » comme il est dit dans la légende du Graal, et « derrière lequel se lève le Soleil »…
« Il faut que la religion refasse la monarchie ; et c’est ce qui arrivera malgré les apparences contraires. » (Joseph de Maistre, Lettre à L. A. Bonald, 16 juin 1807).
Laurent James, 14 mars 2010
[1] L’Ultime Razzia + Al Motaâssiboun Al Monadamoune ou les Exaltés méthodiques in « Têtes de Turcs ! » (l’Age d’Homme – 2002)
Fernandel, The Horse-Face in « Gueules d’Amour » (1001 Nuits, Fayard – 2003)
Pour en finir avec le jugement de l’homme in « L’Affaire Zannini » (Rocher – 2003)
[2] Site Internet : www.parousia.fr
Blog : http://parousia-parousia.blogspot.com/
[3] Voir les trois vidéos que j’ai consacrées à ce sujet :
http://www.dailymotion.com/video/x9...
http://www.dailymotion.com/video/x9...
http://www.dailymotion.com/video/x9...
Entretien realisé par Terence
Conférence de Laurent JAMES au séminaire de la COBEMA du 28 mars 2010. Il y traite du "Temps qualifié, ou la ré-orientation du monde" :