Les soldats américains cesseront officiellement leurs opérations de combat en août. Pour The New York Times, qui a enquêté sur place, il s’agit de paroles en l’air. L’intervention se poursuivra encore longtemps.
Les opérations de combat en Irak doivent se terminer en août prochain, selon le calendrier fixé par le président Barack Obama. A Tulul Al-Baq, dans ce camp improvisé situé dans les zones rebelles du Nord, une mission est en cours qui ne s’arrêtera pas à ce moment-là. Des soldats américains traquent les terroristes et surveillent discrètement un poste de contrôle irakien tenu par des policiers en qui ils n’ont pas confiance. “Ils ne contrôlent personne et ils se demandent pourquoi il y a des EEC [engins explosifs de circonstance] qui arrivent en ville”, explique le sergent Kelly E. Young en regardant la grande route qui relie Bagdad à Mossoul, la ville la plus dangereuse du pays.
Aux Etats-Unis, le mois d’août marquera peut-être la fin de la guerre en Irak, mais ici les choses sont plus compliquées. Les soldats américains, seuls ou en collaboration avec les forces de sécurité irakiennes, continuent à trouver et à tuer des combattants ennemis et ils poursuivront cette tâche après la fin officielle des opérations de combat. Des Américains vont encore mourir même si en beaucoup moins grand nombre qu’au plus fort des combats.
Le retrait, qui fera passer le nombre de soldats américains de 112 000 au début de l’année à 50 000 hommes (ils étaient près de 165 000 au plus fort de l’offensive), est un exploit logistique considéré comme le plus grand mouvement de troupes et de matériel militaires depuis la Seconde Guerre mondiale. C’est également une manière de jouer sur les mots. Ce que les soldats désignent aujourd’hui par l’expression “opérations de combat” – traque des insurgés, raids conjoints avec les forces de sécurité irakiennes pour tuer ou arrêter des extrémistes – portera dorénavant le nom d’“opération de stabilisation.” Après la réduction des troupes, l’armée américaine se concentrera sur le conseil et la formation des soldats irakiens, la sécurité des équipes civiles de reconstruction et les missions antiterroristes conjointes.
“En pratique, rien ne changera”, confie le général Stephen R. Lanza, porte-parole de l’armée en Irak. “Nous effectuons déjà des opérations de stabilisation.” Il y a longtemps que les Américains ont cessé les opérations de combat de grande ampleur, ce qui se reflète dans le nombre des pertes. Cette année, 14 soldats ont été tués par l’ennemi et 27 ont trouvé la mort à la suite d’accidents, de suicides et autres. L’envoi de matériel vers l’Afghanistan et le redéploiement dans ce pays des vétérans de l’Irak signifie également que l’armée américaine prépare déjà la tâche qui l’attend l’année prochaine. Si la lutte contre l’insurrection irakienne se révèle un succès en dépit de la réduction des effectifs, ce modèle pourrait servir en Afghanistan, où le retrait devrait commencer au cours de l’été 2011, alors qu’il sera probablement toujours nécessaire de combattre.
L’ensemble des troupes américaines doit par ailleurs quitter l’Irak à la fin 2011. Rares sont toutefois ceux qui pensent que l’engagement militaire américain en Irak se terminera à ce moment-là. Officiers, diplomates étrangers et responsables irakiens pensent qu’après la formation d’un nouveau gouvernement des négociations commenceront au sujet d’une présence militaire américaine à plus long terme. “J’aime à dire qu’en Irak la seule chose dont les Américains soient sûrs, c’est qu’ils ne sont sûrs de rien”, confie Brett H. McGurk, un ancien responsable du Conseil national de la sécurité en Irak qui est actuellement membre du Conseil sur les relations étrangères.
Sur le terrain, les troupes s’efforcent toujours de tuer le plus d’extrémistes possible pour assurer la sécurité des forces américaines et irakiennes, mais le commandement minimise parfois leur rôle. Chaque jour ou presque, des communiqués annoncent que les forces de sécurité irakiennes ont capturé ou tué des terroristes, en mentionnant parfois la participation de “conseillers américains”. Le rôle des soldats américains est parfois passé sous silence. En avril, le numéro trois d’Al-Qaida en Mésopotamie a été abattu par les forces irakiennes. Or, selon les officiers présents sur le terrain, il a en fait été tué par des tirs venant d’un véhicule de combat américain. Aucun communiqué n’a d’ailleurs mentionné les trois rebelles abattus récemment par un missile Hellfire tiré d’un hélicoptère américain.
Le major Logan, qui a participé à des combats en Irak en 2003, regarde les soldats plier bagage dans le camp du désert et reprend une réplique de Robert Duvall tirée d’Apocalypse Now, de Francis Ford Coppola, qui parle d’une autre guerre américaine, une guerre qui s’est mal terminée, celle au Vietnam : “Un jour, cette guerre se terminera.”