La Chine doit s’efforcer de devenir au plus vite la première puissance militaire et économique mondiale, affirme un colonel de l’Armée populaire de libération dans un livre reflétant les ambitions grandissantes de son pays.
"Le grand objectif de la Chine au XXIe siècle est de devenir le numéro un mondial, la première puissance", écrit le colonel Liu Mingfu dans son livre, "Le rêve chinois".
"Si la Chine ne peut devenir numéro un mondial, ne peut devenir première puissance au XXIe siècle, alors elle deviendra inévitablement un retardataire laissé pour compte".
La Chine a récemment durci le ton envers Washington sur des dossiers allant des échanges commerciaux aux ventes d’armes à Taïwan en passant par le Tibet.
Le colonel Liu ne cache pas que la montée en puissance de la Chine risque d’inquiéter Washington, au risque d’une guerre en dépit des intentions pacifiques de Pékin.
"Tant que la Chine cherche à s’élever pour devenir numéro un (...) même si elle est plus capitaliste que les Etats-Unis, les Etats-Unis resteront déterminés à la contenir", écrit-il.
La rivalité entre les deux puissances relève d’une "compétition (...) pour être le pays qui dominera le monde", estime le colonel Liu, professeur à la prestigieuse Université de la Défense nationale, qui forme les officiers.
"Ce livre représente mon point de vue personnel, mais je pense qu’il reflète aussi un courant de pensée", a-t-il déclaré dans une interview à Reuters. "Il nous faut un essor militaire autant qu’un essor économique".
Tensions
La parution du livre intervient alors que le Parti communiste joue sur la corde de la fierté nationale en s’efforçant de montrer que la croissance économique rapide se traduit par une montée en puissance du poids de la Chine sur la scène internationale.
Le budget militaire de 2009 était en augmentation de 14,9% sur celui de 2008. L’annonce, la semaine prochaine, du montant du budget militaire de 2010 devrait permettre de voir si les autorités entendent poursuivre sur cette lancée.
Un autre officier chinois a déclaré que le budget militaire de cette année devrait adresser un signal fort à Washington après la décision de l’administration Obama de maintenir son projet de vente d’armes à Taïwan pour un montant de 6,4 milliards de dollars.
Ces derniers mois, les sujets de tension entre Pékin et Washington se sont multipliés, allant du commerce au contrôle d’internet en passant par les ventes d’armes à Taïwan et la rencontre du président Barack Obama avec le dalaï-lama, chef spirituel des Tibétains que la Chine considère comme un dangereux séparatiste.
La Chine n’a pas caché son irritation et a menacé de sanctions les entreprises impliquées dans les ventes d’armes à Taïwan. Elle n’a cependant pas mis ses menaces à exécution et a autorisé la visite à Hong Kong d’un porte-avions américain.
Les dirigeants chinois ne souhaitent pas compromettre leurs relations avec les Etats-Unis, important partenaire commercial qui reste la première puissance économique et militaire mondiale.
Le Premier ministre chinois Wen Jiabao a déclaré ce week-end qu’il souhaitait que se dissipent les tensions commerciales avec les Etats-Unis, et le secrétaire d’Etat adjoint américain James Steinberg est attendu cette semaine à Pékin.
Première force mondiale
Cependant, les décideurs chinois sont confrontés, dans leurs relations avec Washington, à la nécessité de maintenir l’équilibre entre les nouvelles exigences de la société chinoise et les contraintes de la politique internationale.
"La société chinoise change, et vous le voyez dans tous les points de vue qui s’expriment sur ce que la Chine devrait faire face aux Etats-Unis", explique Jin Canrong, professeur de relations internationales à l’université Renmin de Pékin, notant que la société peut réclamer une position plus ferme sans tenir compte du prix que cela peut coûter.
Liu et d’autres officiers chinois reconnaissent qu’il sera difficile d’éviter une aggravation des rivalités avec les Etats-Unis, qu’elles restent ou non pacifiques.
"Je suis très pessimiste quant à l’avenir", écrivait le colonel Dai Xu dans un autre livre paru récemment, affirmant que la Chine est en grande partie entourée de pays hostiles ou redevables aux Etats-Unis.
"Je crois que la Chine ne peut échapper à la calamité de la guerre, et cette calamité peut venir dans un avenir pas très éloigné, au plus dans dix ou vingt ans.
"Si les Etats-Unis peuvent allumer un incendie dans notre arrière-cour, nous pouvons aussi allumer un incendie dans la leur", affirmait le colonel Dai.
Liu estime pour sa part que la Chine et les Etats-Unis peuvent gérer leur rivalité grâce à une concurrence économique pacifique en rivalisant pour élargir leur influence dans les prochaines décennies.
Mais à mesure que la Chine accède au premier rang de l’économie mondiale, il lui faudra aussi devenir la première force militaire pour dissuader les Etats-Unis de lui contester ce rang, fait valoir Liu.
L’armée populaire de libération doit être si puissante que les Etats-Unis "n’oseront pas et ne seront pas en mesure d’intervenir dans un conflit militaire dans le détroit de Taïwan".