Israël mise sur le maintien du régime du président Hosni Moubarak en Egypte, ébranlé par une vague de manifestations, écartant à ce stade toute remise en cause des accords de paix entre les deux voisins.
"Nous assistons à un tremblement de terre au Moyen-Orient. Mais nous croyons que le régime est assez fort et que l’Egypte va surmonter la vague actuelle de manifestations", a affirmé jeudi à des journalistes étrangers un ministre du gouvernement Netanyahu qui a requis l’anonymat.
"Moubarak n’est pas Zine El Abidine Ben Ali. Il y a une énorme différence. Le régime égyptien, y compris l’appareil de la Défense, dispose de racines solides", a estimé ce membre du cabinet.
"Le régime peut être ébranlé par les troubles et tout est possible, mais il n’a pas l’air de sombrer. En conséquence de quoi, les accords de paix qu’il a signés devraient tenir bon", a déclaré à l’AFP un haut responsable gouvernemental, également sous couvert de l’anonymat.
"Il est dans l’intérêt fondamental de l’Egypte de maintenir ses rapports privilégiés avec l’Occident, et le maintien de la paix avec Israël s’inscrit dans cette optique", a-t-il analysé.
Une éventuelle dénonciation des accords de paix accroîtrait encore l’isolement d’Israël dans sa région.
L’Egypte fut le premier pays arabe à signer un accord de paix avec Israël, à Camp David en 1979. Depuis, seule la Jordanie l’a imitée, en 1995.
Israël adopte depuis 48 heures un profil bas sur la situation en Egypte, de crainte d’être accusé d’ingérence.
"Nous suivons bien entendu la situation avec la plus grande attention", s’est borné à dire le porte-parole des Affaires étrangères, Yigal Palmor.
Mercredi, le suppléant du Premier ministre, Sylvan Shalom, a exprimé l’espoir que les autorités égyptiennes "sauront accorder la liberté et des droits aux citoyens, tout en continuant sur la bonne voie en maintenant les bonnes relations nouées avec Israël depuis plus de 30 ans".
Les analystes israéliens jugent improbable une chute du régime. Et même dans cette hypothèse, ils n’envisagent pas une dénonciation pure et simple par l’Egypte des accords de paix bilatéraux.
"Il faudrait supposer que les Frères Musulmans (opposition), qui ont fustigé les "liens illégaux avec Israël" parviennent au pouvoir. Mais l’armée et les services de sécurité égyptiens s’y opposeront de toute leur force", explique le chercheur Yoram Meital, de l’université de Beersheva (sud d’Israël).
"Si l’opposition est très hostile à Israël, si elle refuse toute forme de normalisation, elle n’est pas prête pour autant à renoncer à la +paix froide+ entre les deux pays et à prendre le risque d’une nouvelle guerre", assure cet orientaliste.
Il relève que les manifestations "portent sur des revendications sociales et démocratiques", et "ne traitent pas, ou fort peu, des rapports avec Israël".
"L’Egypte n’est pas l’Iran. Au sein même des Frères musulmans, il y a un courant modéré qui ne prendra pas le risque d’un rejet des accords de paix", renchérit le professeur de relations internationales Uri Ben-Joseph, de l’université de Haïfa (nord).
Ce chercheur, spécialiste du renseignement, estime que quoiqu’il arrive, "les cartes resteront entre les mains de l’armée, qui poursuivra sa collaboration sécuritaire avec Israël contre les groupes terroristes islamistes et face à l’Iran".
La paix entre Israël et l’Egypte a toujours été considérée comme "froide", se limitant à des relations diplomatiques sans se traduire par un rapprochement entre les deux peuples.
Elle a néanmoins résisté à deux guerres au Liban (1982 et 2006), deux intifadas palestiniennes (1987 et 2000) et au blocage du processus de paix entre « Israël » et les Palestiniens.