Vous nous connaissez, on ferait tout pour déboîter les USA en matière de soft power culturel, quitte à pousser un peu, nationalisme oblige, les productions françaises. On cherche donc la petite bête – pas immonde – chez nos voisins d’outre-Atlantique, et ça tombe bien, puisque l’empire Disney est en train de s’effondrer, frappé par une maladie dégénérative appelée wokisme.
Ça nous fait immédiatement penser aux dinosaures qui sont devenus trop grands et trop lourds, et surtout trop cons, pour survivre. L’Argentinosaurus (les paléontologues ont découvert sa carcasse au pays de Messi) traînait ses 100 tonnes et son ennui dans la savane du Jurassique. Ici, une escouade de juifs américains amis de Steven Spielberg tombe nez à nez avec un quarteron de brachiosaures :
On a donc sauté avec délectation sur Dix pour cent, la série française à succès créée par Fanny Herrero (la fille de l’ancien entraîneur de rugby de Toulon) et diffusée de 2015 à 2020 sur France 2.
La série recueille tous les laudatifs : « drôle », « légère », « branchée », « subtile », elle enchante la presse et en plus, elle cartonne à l’international. Vendue ou adaptée dans une dizaine de pays, nous voilà enfin avec un blockbuster frenchy.
Il y a en plus une actu puisque Dix pour cent, le film, est en préparation, et devrait sortir en 2025. La série, forte de 4 saisons, a été diffusée après France 2 sur Netflix. Au départ, en 2014, elle était prévue chez Canal+, qui en a développé l’idée avec l’ex-agent de stars, l’inimitable Dominique Besnehard (qui fait une apparition dans la saison 3), le fan de pompiers.
« J’ai eu la chance de lire le synopsis et ça risque d’être très très drôle. Dans l’histoire, Andréa (Camille Cottin) revient de New York et décide de faire son premier film comme réalisatrice. Elle devient metteur en scène, elle est femme, lesbienne et elle n’a pas un caractère facile… donc imaginez ce que ça va donner ! » (Dominique Besnehard)
- Une famille c’est deux mamans et un enfant !
Mais la frilosité des acteurs français, qui n’ont généralement pas d’humour sur eux-mêmes – ils jouent leur propre rôle dans la série, chaque épisode étant consacré à un « talent » – a fait capoter le démarrage sur la chaîne cryptée.
Aux États-Unis, les acteurs n’ont pas peur du changement de registre et sont prêts à casser leur image en passant dans les talk-shows vanneurs ou en jouant dans des films à contre-emploi. Le meilleur exemple, c’est la gauchiasse Emma Watson, actrice engagée devant l’Éternel sur tous les trucs cons, qui s’autoparodie dans C’est la fin, une comédie hilarante sur la connerie et la vacuité profondes des comédiens d’Hollywood, juifs compris (autodérision communautaire) :
Bon, on voit pas trop Emma dans la bande-annonce, ou alors subreptiscement avec une hache, mais chez nous, vous ne verrez jamais une Sophie Marceau faire ça. Elle est bien trop occupée à écrire ses lettres de délation sur Depardieu à la Kommandantur du Monde, le bureau des balances ! Quoique, dans le genre, Mediapart est pas mal non plus.
Venons-en au fait : on matait tranquillement la série, avec un peu de honte parce que pendant ce temps on ne lit pas un livre KK ardu, et ça c’est mal, mais quand on est un peu crevé, qu’il fait 50 degrés dehors selon L’Express, on a bien le droit de se détendre avec un truc mainstream. On a tous nos faiblesses.
Voici maintenant ce que les médias qui se sont extasiés sur 10 % ne vous diront pas : en plein milieu de la saison 3, alors que tout tenait un peu la route question cruauté des rapports humains en entreprise sous stress, en un mot crédibilité, soudain, patatras, le Blanc de plus de 50 ans, la cible d’Ernotte, se fait flinguer (au sens figuré) : seuls restent dans l’agence ASK le rabza Hicham, la gousse Andréa, le gros Blanc minable Gabriel, amoureux de la métisse Sofia, le pédé Hervé et sa collègue Camille, fille du mauvais père Mathias, le Blanc de plus de 50 ans.
Exactement la structure woke du casting d’Abysses, qu’on a torpillé en renvoi !
Dans le genre, on préfère encore la suite d’En eaux troubles avec Jason Statham, qui n’est ni gay ni boloss, et qui se tape une jolie Chinoise. En eaux très troubles (au secours la traduc) est une resucée survitaminée du croisement entre Jurassic Park et Les Dents de la mer.
On vous doit la vérité : dans le premier opus, le casting est quand même légèrement woke, car toutes les espèces d’humains et de sous-humains sont représentées. On y trouve l’ingénieur – forcément – indien, l’informaticienne – forcément – lesbienne, le gros con de milliardaire blanc qui se fait – forcément – bouffer par le requin géant, le mégalodon. Et aussi la grosse – forcément – sympa et rigolote, mais on confond peut-être avec Peur bleue, une autre histoire de requin super intelligent, un peu comme si Laurent Alexandre s’était accouplé avec un requin marteau.
Mais comme Statham trône au-dessus de la chaîne alimentaire, on pardonne ces écarts de casting mondialiste.
Dernière remarque, à propos de Dix pour cent : dans la saison 3 toujours, à un moment donné il y a une petite pique à l’encontre de la Rédaction d’E&R parce que Camille, l’agent junior, conseille au jeune acteur Dimitri Couillasse (Kouyas ?) de changer de nom s’il veut réussir. On nous lit, sur France Télévisions ? Faut dire, qu’est-ce qu’on a pu leur taper sur la gueule, avec leurs séries de merde, de Capitaine Marleau à Abysses en passant par l’ignoble Plus belle la vie... Mais bon, c’est mérité. S’ils nous sortent un The Wire, on applaudit le service public à s’en péter les veines des mains.
Fanny Sanders Show ?
Ah, dernier truc : la fille Herrero, qui a été auréolée de gloire, n’a quand même pas tout inventé. Son idée générique se fonde sur la série US The Larry Sanders Show, qui a la même structure de mise en abîme, où les stars venaient faire l’émission comme dans un talk-show normal. On ne dit pas que Fanny a pompé, c’est d’ailleurs peut-être les Amerloques qui, en voyageant dans le temps, ont pompé la série en France en 2015 puis sont revenus aux USA en 1992, sait-on jamais, avec toutes ces histoires d’extraterrestres qui courent, les chemtrails, tout ça...
La série, littéralement géniale, a été diffusée sur HBO de 1992 à 1998. Vous avez ici une idée, en anglais, des guests qui y sont passés... À la fin, on oublie que c’est une série, on regarde un show, avec l’arrière-show et toute la dégueulasserie humaine. C’est de la télé profonde, en 3D si vous voulez. Et comme on est joueurs, on prend tous les paris : la fille Herrero, à la manière de Gainsbourg, s’est inspirée du Larry Sanders Show.
Mais ne boudons pas notre plaisir, tout le monde n’a pas la culture musicale, ciné ou télé pour dénicher les emprunts, implants et autres plagiats. Le monde culturel est fait de copies et d’innovations, les vrais musiciens vous en parleront mieux que nous. Quant à nous, frustrés à mort, on attend toujours la série 100 % française pas copiée sur les Ricains, et surtout, avec 0 % de woke à l’intérieur. On peut rêver.