Dans une interview donnée le 20 mai dernier au site Rapelite, le rappeur Disiz la Peste était interrogé sur l’influence « dans les quartiers » d’Alain Soral qu’il qualifie dans un des ces morceaux de « cistra au swag de caporal » (sic)…
Dans un développement assez confus, « Disiz » reproche principalement à Alain Soral son passage au Front national (qu’il a quitté il y a six ans), mais aussi « son rapport aux femmes ». Et d’asséner :
« Tu fais lire Malcolm X à un mec de quartier en colère, il oublie Soral. »
Il est vrai que « Disiz » a de quoi s’identifier à Malcolm X, tant leurs vies se ressemblent...
Descendant d’esclave, Malcolm Little, né en 1925 dans l’Amérique ségrégationniste, a pris pour nom Malcolm X dans les années 1950 suite à son adhésion à la Nation of Islam.
Pur produit de l’antiracisme des années Mitterrand, Serigne Mbaye Gueye, né en 1978 à Amiens d’un Sénégalais de passage en France pour ses études et d’une Picarde, étudiante en lettres modernes qui deviendra bibliothécaire (fonction publique territoriale), s’est fait connaitre à l’été 2000 sous le nom de « Disiz la Peste » avec un tube sobrement intitulé J’pète les plombs. Le refrain ? « Suce mon zob ! »
Peu après sa séparation de Nation of Islam et son retour de la Mecque, Malcom X, qui contribua à la conversion à l’islam de Cassius Clay (Mohamed Ali) et rencontra Fidel Castro à Harlem, fut assassiné en 1965.
Rendu célèbre par « Suce mon zob », le rappeur lancé par Joey Starr fut rapidement adoubé par la gauche pour l’image qu’il véhiculait des Africains, des musulmans et des habitants de cités en général. Dans son édition du 22 août 2003, Libération consacrait même un portrait élogieux à ce rappeur qui « a découvert l’islam et prône le métissage » :
« “Le Sénégal, je ne connaissais pas, ma mère avait refusé de m’y envoyer avant ma majorité, de crainte que mon père m’y retienne.” À son retour, il se rapproche définitivement de l’islam [...] Sa mère vit très mal son rattachement à l’islam : “Son père est musulman et, intuitivement, ça me faisait peur. Même si je suis catholique de tradition, je considère les religions comme une aliénation. Je me suis opposée à lui donner une éducation religieuse stricte... J’ai eu l’impression qu’il remettait en cause ce que je lui avais transmis, comme s’il lui manquait quelque chose.” »
Marginal et à contre courant, « Disiz » analysera les émeutes de banlieue en 2005 sur Arte, remportera une Victoire de la musique l’année suivante et participera le 1er mai 2007 au stade Charléty à un concert de soutien à Ségolène Royal, candidate du Parti socialiste aux élections présidentielles. Depuis, il assure avoir été « instrumentalisé »… Pour sa promotion, « Disiz » prise les canaux plus underground, avec déjà deux passages dans l’émission On n’est pas couché de Laurent Ruquier sur France 2.
Lors de son premier passage en 2009, notre rappeur s’était plaint de l’absence de « modèle » pour les « gens comme nous ». Pourtant, la réussite de Dieudonné, vivant à la même époque que lui, français comme lui, issu de banlieue comme lui, métisse comme lui, aurait dû naturellement représenter ce fameux modèle qu’il appelait de ses vœux. Mais le courageux Disiz a préféré déterrer le cadavre d’un militant racialiste américain décédé il y a cinquante ans. Un modèle sans doute plus porteur, pour continuer à jouer la rébellion victimaire sur les plateaux de télévision, qu’un soutien à Dieudonné. Et de cracher au passage sur le « cistra Soral » pour ne pas perdre son rond de serviette sur le service public. Pas sûr qu’il soit gagnant en termes de « street crédibilité »...
Bonus : quand Malcolm X parlait de Disiz la Peste