Tandis que Recep Teyyip Erdogan semble adopter un rythme quotidien d’agression verbale contre son ancien allié Bachar al-Assad – qu’il tutoie d’ailleurs pour le menacer – les déclarations et manoeuvres diplomatiques continuent autour du cas syrien. La troïka européenne-atlantiste – France/Grande-Bretagne/Allemagne – va tenter d’obtenir une condamnation de Damas devant l’Assemblée générale des Nations-Unies.
Le projet de résolution a été signé par 61 pays – dont seulement, semble-t-il, cinq Etats arabes – la Ligue arabe en regroupe 22. Le vote doit intervenir ce mardi 22 novembre, mais quel que soit son résultat il n’aura, contrairement à un vote du Conseil de sécurité, aucune force contraignante ni effet concret. Gesticulation et posture, once again.
Mais le représentant syrien auprès de l’ONU, Bachar Jaafari, prend la chose à coeur : le vote de ce texte équivaudrait selon lui à une « déclaration de guerre » contre la Syrie.
A vrai dire, il y a longtemps que la guerre diplomatique a été déclarée à la Syrie par la coalition américano-européenne, mais Bachar Jaafari en veut surtout aux pays arabes ; dans un entretien accordé à Reuters, il accuse les cinq Etats arabes signataires du texte européen d’être des « laquais« .
Il est temps de donner l’identité des laquais en question : Arabie Séoudite, Bahrein, Qatar, Jordanie et Maroc, qui constituent sans surprise le noyau dur anti-syrien du monde arabe.
Pour rester dans le monde arabe et toujours au rayon posture, notons cette adresse officielle de l’Arabie Séoudite au gouvernement syrien, l’adjurant de se conformer « pleinement » au fameux « plan de paix » de la Ligue arabe. Compte tenu de ce qu’on sait de l’attitude de ce pays depuis le début les négociations entre la Syrie et la Ligue arabe, on se demande à quoi rime cette nouvelle admonestation médiatique, adressée à un partenaire à qui on a déjà tourné le dos.
La Russie, universel garde-fous
La machine occidentale à déstabiliser accuse parfois, en ce neuvième mois de crise, une baisse de régime : ainsi le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, tout en qualifiant rituellement d’ »ignoble » le comportement du pouvoir syrien, a néanmoins fait savoir qu’il n’était pas encore question, pour le gouvernement de Sa très gracieuse Majesté, de reconnaître le Conseil national syrien comme représentant unique et légitime du peuple syrien ; Hague, qui a rencontré lundi à Londres des émissaires du CNS, a d’ailleurs avoué être en contact avec des opposants « depuis plusieurs mois« . Reste que pour l’heure, l’homme du Foreign Office juge que, CNS ou pas, l’opposition syrienne n’est pas encore assez unie.
Ce défaut d’unité, qui plombe la légitimité du CNS même aux yeux bienveillants de Londres, n’a pas empêché le même CNS de présenter à la presse, lundi 21 novembre, de présenter un plan – encore un – de gestion de la période de transition pour les 18 mois qui suivront le départ de Bachar, avec élections sous contrôle international pour désigner, dans un délai d’un an, une « assemblée constituante ».
Bref un exercice de politique-fiction. A noter que ce texte fait les yeux doux à l’armée régulière syrienne « victime d’un régime violent » (et aussi un peu des opposants armés, Ndlr) et ignore superbement la pourtant très médiatisée « Armée syrienne libre »… Comme dirait Mr Hague : l’opposition syrienne, combien de divisions ?
Si certains font un pas en arrière, d’autres tiennent fermement leur créneau : ainsi la Russie, dont le chef de la diplomatie, Sergueï Lavrov, a qualifié lundi 21 novembre de « provocation » l’attitude de certains pays occidentaux incitant l’opposition syrienne à ne pas dialoguer avec le régime en place. Certes, a déclaré Lavrov, »il est indispensable que les violences cessent, mais cette exigence doit s’adresser à la fois au régime et aux groupes armés qui s’immiscent dans l’opposition syrienne. »
Et comme M. Lavrov a de la suite dans les idées, il a qualifié d’ »inacceptables » et de « contraires à la législation internationale » les menaces américaines de nouvelles sanctions contre l’Iran à cause de son programme nucléaire. Et le chef de la diplomatie russe d’observer que « le renforcement de la pression (…) devient pour certains de nos partenaires une fin en soi« .
Sergueï Lavrov voit juste : les nations occidentales se comportent de plus en plus comme des cow-boys cravatés vis-à-vis de leurs adversaires géopolitiques. A ces cow-boys newlook, la Russie et d’autres puissances sont en train de parler le seul langage qu’ils semblent comprendre : » Hands off from Syria and Iran ! » (« Bas les pattes de Syrie et d’Iran !« ).