L’humoriste franco-camerounais a été jugé coupable de « discrimination raciale », « injure » et « diffamation » jeudi. Il écope de 180 jours-amende sans sursis.
- Avec Alimuddin Usmani, Suisse solidaire
« Les chambres à gaz n’ont jamais existé ». C’est cette phrase, prononcée lors de spectacles joués à Nyon et à Genève en 2019, qui a conduit Dieudonné M’Bala M’Bala devant la justice genevoise lundi, pour discrimination raciale. Le Tribunal de police a rendu son verdict jeudi. Il a condamné l’humoriste franco-camerounais à 180 jours-amende à 170 francs sans sursis, soit une peine pécuniaire de 30 600 francs.
Le polémiste de 55 ans était également jugé pour injure à l’encontre de la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (CICAD). Lors de sa représentation au bout du lac en juin 2019, Dieudonné aurait déclaré qu’« il faut leur dire d’aller se faire enculer à la CICAD ». Enfin, le secrétaire général de l’association, Johanne Gurfinkiel, traité de menteur, raciste et malhonnête par l’artiste dans une interview donnée sur une chaîne YouTube à Genève, avait aussi porté plainte pour diffamation. L’humoriste a été acquitté en ce qui concerne les termes « menteur et malhonnête », mais jugé coupable pour le mot « raciste ».
C’est la première fois que l’humoriste est condamné en Suisse. En revanche, en France, Dieudonné est un habitué des tribunaux. Depuis 2007, il a été condamné une vingtaine de fois, dont les dernières datent du 2 juillet. Le Français a été reconnu coupable d’injure publique et de provocation à la haine dans trois affaires différentes. Il a écopé de 4 mois de prison et de 15 000 euros d’amende.
Quelques détails sur les motivations de la Présidente...
Pour la présidente du Tribunal de police, Sabina Mascotto, la faute commise par Dieudonné est importante. L’humoriste a porté atteinte à la dignité humaine et a fait preuve de mépris à l’encontre des associations juives et de leurs membres. Son origine (franco-camerounaise) ne peut expliquer ses actes.
Dans son jugement, le tribunal reconnaît qu’il peut exister des différences dans le traitement des tragédies humaines qui ont marqué l’histoire, certaines étant moins mises en avant que d’autres, mais que ce constat ne peut justifier le fait « de minimiser l’immense souffrance du peuple juif ».
Mme Mascotto a relevé que le prévenu « était seul responsable des propos qu’il tenait ». Le passé de Dieudonné n’a pas plaidé en sa faveur. « Il a déjà proféré des injures raciales envers les juifs ». Il a aussi fréquenté Robert Faurisson, qui était un « négationniste notoire » et Alain Soral, qui est « un antisémite notoire ».
Le prévenu voue par ailleurs une haine tenace aux associations qui entretiennent le souvenir de la Shoah. Dans son spectacle où il a fait dire à un personnage que les chambres à gaz n’existent pas, il a également critiqué le procès de Nuremberg et a prononcé le mot « chaud ananas » (Shoahnanas).
Pour le tribunal, la phrase niant l’existence des chambres à gaz, qui tombe à la fin d’un sketch sans rapport avec les juifs ou leur génocide, doit être comprise comme un propos négationniste. Il n’est pas soutenable de l’interpréter comme une dénonciation de l’instrumentalisation de la Shoah ou une critique de l’État d’Israël.