Il y a quinze ans à peu près, le capitalisme oligarchique basé sur la sélection naturelle a commence à se développer en Ukraine : les oligarques ont dévoré les petites et moyennes entreprises, ainsi que les actifs des propriétés de l’État.
Comme les ressources de l’accumulation primitive étaient en passe de s’épuiser, les oligarques ont commencé à se dévorer les uns les autres en recourant aux pressions administratives, aux attaques prédatrices, aux tribunaux corrompus, aux accusations non fondées et, si nécessaire, au meurtre. Ce processus était tout à fait semblable à un combat de scorpions dans un bocal.
Après le coup d’État de 2014, cette lutte de scorpions s’est fortement intensifiée. Des oligarques comme Dmitry Firtash se sont effondrés, tandis que d’autres continuent à lutter pour leur survie. Par exemple, l’ancien oligarque numéro un en Ukraine, Rinat Akhmetov, a déjà été éliminé de la liste des cent personnes les plus riches au monde : selon Bloomberg, il a été rétrogradé de la 88e à la 121e place. Rien que l’an dernier, la fortune d’Akhmetov a diminué de 4,3 milliards de dollars US pour tomber à 9,6 milliards de dollars.
Quoi qu’il en soit, seuls deux scorpions ont résisté jusqu’à la bataille finale : Petro Porochenko et Igor Kolomoïsky…
Même s’il est devenu difficile d’évaluer la position de Porochenko dans le monde des affaires après son élection, il est toujours possible de dire quelque chose à propos de celle de Kolomoïsky.
Voyons les dernières nouvelles à son sujet. Le 19 février, il a été rapporté que les actions de la société de Kolomoïsky, négociées à la Bourse de Londres, avaient perdu un quart de leur valeur en un jour seulement. Nous parlons de la compagnie pétrolière et gazière JKX Oil & Gas (ci-après JKX), qui est enregistrée au Royaume-Uni. Eh bien sa participation de blocage (27,47 %) appartient à une structure offshore dénommée Eclairs Group Ltd. Comme Nagel Moore, président du conseil d’administration, l’a expliqué le printemps dernier dans une lettre aux actionnaires, cette société est enregistrée à travers un réseau complexe de fondations offshore aux îles Vierges britanniques, 59,1 % des parts sont détenues par Kolomoïsky, le reste appartenant à son plus proche partenaire en affaires, l’oligarque ukrainien Gennady Bogoljubov et sa famille.
Concernant les pertes du 19 février, le plus grand effondrement des prix d’achat de JKX a été enregistré en milieu de journée : 34 % en dessous de son prix à l’ouverture et 25 % à la clôture. Selon une enquête de Reuters, au début de février, JKX avait une capitalisation boursière sur le marché de 90 millions de dollars US. La société opère principalement en Ukraine (85 % de son chiffre d’affaires).
JKX possède aussi des actifs en Russie, en Hongrie et en Slovaquie. En Ukraine, JKX détient Poltava Petroleum Company (PPC), qui est autorisée à développer les champs pétrolifères et gaziers du complexe de Novo-Nicholas dans la région de Poltava, ainsi qu’à explorer le potentiel des champs pétroliers de Zaplavskoe, Elizavetskoe et Chervonojarski-Vostochnoe.
Les analystes ont attribué l’effondrement des actions de JKX le 19 février au groupe d’investissement russe Proxima Capital, qui, après deux semaines d’un examen attentif, a finalement renoncé à son intention initiale d’acquérir JKX. Les raisons de ce choix sont tout à fait compréhensibles : JKX a rapidement perdu du terrain toute l’année dernière. Le 4 février, les titres de la société enregistraient une perte de 73% par rapport à l’année précédente, avec les mêmes activités. En chiffres absolus, nous parlons d’une perte de 250 millions de dollars.
Kolomoïsky a investi des millions de dollars dans JKX il y a quelques années, espérant les transformer rapidement en milliards. Il était prévu que la société fasse des affaires dans l’exploitation des gisements de schiste. En 2013, JKX a lancé un immense projet de fracturation hydraulique, qui est toujours considéré comme le plus important en Europe. Selon des experts, ce projet allait conduire le pays à un désastre environnemental, avec des conséquences se diffusant loin au-delà de l’Ukraine et affectant la Russie comme les pays voisins en Europe. Mais le chaos a commencé en Ukraine peu après le lancement du projet et les plans de JKX ont été contrariés. La chute des prix du pétrole a aussi joué un rôle important, elle a rendu de nombreux projets d’extraction du schiste impraticables. [...]
- Igor Kolomoïsky
L’an dernier, Kolomoïsky a subi de sérieuses pertes dans différents domaines et il s’est beaucoup appauvri. En Crimée, il a estimé ses propres pertes à 2 milliards de dollars. A ces chiffres, nous devons ajouter la perte de quelques autres actifs en Russie et la perte d’actifs dans le sud-est de l’Ukraine. Selon Forbes, au début de 2015, sa fortune était estimée à 1,3 milliard de dollars (tandis qu’elle se montait à 2,4 milliards de dollars deux ans auparavant). Bien que Kolomoïsky se soit appauvri, d’autres oligarques ukrainiens sont en train de perdre leur argent encore plus rapidement. Pour compenser ses pertes d’une manière ou d’une autre, Kolomoïsky fait preuve d’une ingéniosité tout à fait remarquable. Il n’est même pas exclu qu’il réussisse à manger cet autre grand parasite qu’est Porochenko. Et ensuite ?
Eh bien, ensuite, il n’y aura alors plus rien à dévorer. L’économie et l’État seront complètement détruits en Ukraine. Selon les experts, la production globale de l’Ukraine chutera de 10 % à 20 % cette année. Et alors l’Ukraine sera accablée par une espèce différente de parasites, de calibre mondial ceux-là, qui exproprieront tout ce que Kolomoïsky est parvenu à voler.
En d’autres termes, les expropriateurs ukrainiens d’aujourd’hui seront expropriés à leur tour. L’Ukraine et les oligarques ukrainiens apportent une démonstration in vivo à ceux qui veulent étudier les processus de sélection naturelle à l’œuvre dans un monde de prédateurs.