Ces survivants de la Seconde Guerre mondiale ont transporté mercredi des Tchadiens et Soudanais jusqu’à la cité phocéenne. Récit.
Checkpoint. C’est comme ça qu’ils appellent le barrage policier qui a arrêté leurs trois voitures à Sospel (Alpes-Maritimes). « Ils laissaient passer tous les autres véhicules, mais pas nous, qui avions quinze Noirs à bord », soupire Nicole, 74 ans. Elle fait partie des six membres de l’Union juive française pour la paix (UJFP) qui ont conduit quinze migrants tchadiens et soudanais depuis la vallée de la Roya jusqu’à Marseille, en passant par Nice. Ils attendaient depuis un mois chez Cédric Herrou, l’agriculteur condamné le 8 août à quatre mois de prison avec sursis pour « aide à l’immigration clandestine ». Lui affirme « faire le travail de l’État » en accueillant des migrants sur ses terres, juste derrière la frontière italienne.
Mercredi à l’aube, les militants de l’UJFP retrouvent leurs passagers à Breil-sur-Roya (Alpes-Maritimes), où la gendarmerie les retiendra trois heures, en attendant la Police aux Frontières (Paf), qui n’est jamais venue. Ils finissent par passer. Une demi-heure plus tard, des policiers inspectent leurs papiers au « checkpoint » de Sospel. Tout est en règle, et les trois voitures continuent leur périple vers Nice, en évitant les grands axes routiers – trop de risques de contrôles. Là-bas, les majeurs descendent. Seuls quatre enfants restent à bord, direction Marseille, où les militants espèrent leur trouver un accueil plus clément qu’à Nice...
« La solidarité n’est pas un délit ! »
17h, Marseille. Les véhicules sont reçus par un comité de soutien, devant les locaux de l’Association départementale pour le développement des actions de prévention (Addap13). Le Conseil départemental a donné à cette association la mission d’accueillir et d’évaluer la situation des mineurs isolés étrangers (MIE). Les militants en attendent beaucoup, au moins que les enfants obtiennent un statut légal. Ce qui prend du temps.
« L’État français ne respecte pas la loi, lance Pierre Stambul, membre de l’UJFP. Nous sommes des enfants cachés, ou des enfants de juifs cachés pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce qu’on a subi il y a soixante-dix ans, c’est ce que vivent les migrants aujourd’hui. »