Impunité. Mercredi, des membres d’un groupuscule identitaire violent, dénommé la Ligue de défense juive, ont lancé des appels à la haine et sifflé la Marseillaise en plein cœur de Paris.
Dans la soirée du 13 février, des associations de la communauté juive se sont réunies pour commémorer la mort d’Ilan Halimi, séquestré et torturé en 2006 par le « gang des barbares » de Youssouf Fofana.
Parmi les centaines de personnes rassemblées figuraient Patrick Bloche, député-maire socialiste du XIème arrondissement de Paris, Danièle Hoffman-Rispal, présidente du groupe France-Israël à l’Assemblée nationale (déjà présente lors de la manifestation de soutien à l’armée israélienne lors des derniers bombardements de Gaza) et la comédienne Véronique Genest, désormais réputée pour son islamophobie partagée en famille.
Derrière l’interprète de Julie Lescaut, des drapeaux jaunes flottent au vent : ce sont ceux de la Ligue de défense juive. Depuis plusieurs années, les adhérents et sympathisants de ce mouvement ultra-sioniste ont commis, en toute impunité, des agressions et des intimidations à l’encontre de citoyens ou d’entreprises jugés hostiles à Israël.
Mercredi soir, la LDJ n’a pas manqué le rendez-vous afin de se faire entendre.
Encouragés par les organisateurs du rassemblement à entonner La Marseillaise, certains membres de la LDJ ont préférer (à 4’11) la huer et scander, à la place, l’hymne israélien.
Plus édifiant, un cadre de la LDJ a pris sans difficulté la parole pour se plaindre du système judiciaire et de la police, comparable à celle de « 1940 » car elle aurait « merdé dans l’affaire Halimi ». L’homme a également fustigé le « pseudo-humoriste » Dieudonné, l’écrivain Alain Soral – qualifié de « raclure » – et la « vermine antisémite » présente, selon lui, chez les « racailles ». D’après ce militant monté sur l’estrade, « le juif n’a plus sa place en France ».
Comme dans tout rassemblement susceptible d’attirer des extrémistes, il est probable que des policiers en civil, fonctionnaires à la DCRI, aient été présents pour surveiller et repérer les meneurs les plus exaltés. Pourtant, comme lors des débordements de la LDJ en mars 2012 – survenus en marge du cortège dédié aux victimes du collège juif de Toulouse –, aucune arrestation ne s’est produite à l’encontre de ce groupe qui revendique ses infractions répétées à la loi.
À l’inverse, lorsque des manifestants musulmans ont exprimé leur indignation devant l’ambassade américaine de Paris, à la suite de la mise en ligne du film anti-islam, les policiers ont procédé à des interpellations, sous l’œil des caméras. Cette fois-ci, à l’instar du ministre de l’Intérieur, les grands médias n’ont pas rapporté les images de ce rassemblement.
Chose curieuse : quand des Français d’origine maghrébine lancent des « appels au jihad » ou sifflent La Marseillaise, hommes politiques et éditorialistes de la presse écrite et audiovisuelle se bousculent au portillon pour commenter ce « scandaleux » « phénomène de société ». Ici, en plein cœur de Paris, des extrémistes juifs ont hué l’hymne national, crié « Fofana, salaud, les juifs auront ta peau ! » ou bien (à 0’35) « À bas les Arabes et les Noirs ! » sans que cela ne suscite de couverture médiatique ou de contrôle policier.
Valls, bouche cousue
Comme l’avait révélé Oumma en septembre 2011, Manuel Valls entretient un rapport particulier à la communauté juive et à l’État d’Israël. Cette affection démesurée pourrait-elle expliquer son silence – de plus en plus bruyant – à l’égard des extrémistes de la communauté en question ? Paradoxalement, c’est le même homme qui souligne et amplifie, encore aujourd’hui dans les colonnes du Parisien, la menace de l’extrémisme musulman, allant jusqu’à reprendre une expression employée par le maréchal Pétain pour désigner le danger : « l’ennemi de l’intérieur ».
Sollicité à propos de la LDJ, Manuel Valls n’a « pas pris position » selon un porte-parole interrogé, l’été dernier, par des journalistes du Nouvel Observateur. Ces derniers concluent leur article par ces mots éloquents : « Côté police : le sujet est si “sensible” qu’on ne donne “aucun renseignement”. »
Reste à espérer que Caroline Fourest révélera, à leur sujet, de nouvelles informations dans son documentaire intitulé « Les naufragés de Sion » , diffusé mardi prochain sur France 5 et promu par le site du Conseil représentatif des institutions juives de France. Il est permis cependant d’en douter : au vu de sa propension à la désinformation, la prudence s’impose. Son reportage s’annonce néanmoins croustillant. L’une des personnes sollicitées pour critiquer la LDJ n’est autre qu’un partisan inconditionnel d’Israël : le président du CRIF, Richard Prasquier. Pour des questions tactiques, et non idéologiques, celui-ci entretient effectivement des rapports exécrables avec les jeunes miliciens ultra-sionistes.
La LDJ vient d’ailleurs de faire connaître son bonheur de voir Richard Prasquier bientôt quitter son poste pour être éventuellement remplacé par un revenant, Roger Cukierman. Ex-président du CRIF, l’homme, assis au premier rang lors de la dernière convention de l’organisme communautaire, s’était distingué en 2002 par sa remarque consécutive au résultat électoral de Jean-Marie Le Pen : « Son score est un message aux musulmans leur indiquant de se tenir tranquilles. » Les miliciens de la LDJ ne pouvaient que se réjouir du retour aux affaires d’un tel aimable personnage.