C’était, note Ion Mihai Pacepa, ancien chef de la Securitate roumaine, dans son livre The Kremlin Legacy, un jour de 1964, « nous avons été convoqués à une réunion conjointe du KGB, à Moscou ».
Le sujet était d’importance : « il s’agissait de redéfinir la lutte contre Israël, considéré comme un allié de l’Occident dans le cadre de la guerre que nous menions contre lui ».
La guerre arabe pour la destruction d’Israël n’était pas susceptible d’attirer beaucoup de soutiens dans les « mouvements pour la paix », satellites de l’Union Soviétique. Il fallait la redéfinir. L’époque était aux luttes de libération nationale. Il fut décidé que ce serait une lutte de libération nationale : celle du « peuple palestinien ».
L’organisation s’appellerait OLP : Organisation de Libération de la Palestine. Des membres des services syriens et des services égyptiens participaient. Les Syriens ont proposé leur homme pour en prendre la tête, Ahmed Choukairy, et il fut choisi.
Les Egyptiens avaient leur candidat : Yasser Arafat. Quand il apparut que Choukairy ne faisait pas l’affaire, il fut décidé de le remplacer par Arafat, et, explique Pacepa, celui-ci fut « façonné » : costume de Che Guevara moyen-oriental, barbe de trois jours de baroudeur. « Il fallait séduire nos militants et nos relais en Europe ».
Quarante et quelques années après, l’opération de séduction apparaît avoir été un net succès. Non seulement la « lutte de libération nationale du peuple palestinien » apparaît comme juste et légitime, mais nul ne met plus en doute l’existence d’un peuple palestinien.
Personne n’ose dire que ce peuple a été inventé à des fins de propagande : personne ne semble vouloir s’en souvenir. Personne ne semble vouloir se souvenir de ce que la création du peuple palestinien était un outil de la lutte de l’Union Soviétique contre l’Occident dans les temps de la guerre froide.
Et de fait : la lutte de libération nationale inventée par le KGB a fait du chemin : il y a eu les accords d’Oslo et la création de l’Autorité Palestinienne en Judée-Samarie. Il y a eu l’émergence du Hamas, puis, après la chute de l’Union Soviétique, l’insertion d’une dimension islamiste dans le conflit.
Il y a eu surtout, avec Oslo, la reconnaissance par un gouvernement israélien de l’invention du KGB, le « peuple palestinien », invention qui a débouchée sur les idées de « territoires palestiniens », « occupés » par Israël.