Le réchauffement de la planète, qui épuise les ressources naturelles, favorise les catastrophes naturelles et modifie la géographie, va pousser de plus en plus de gens à émigrer. Et l’Union européenne sera l’une de leurs principales destinations, préviennent les deux responsables de la diplomatie des Vingt-Sept.
En un demi-siècle d’existence, l’Union européenne a absorbé plusieurs vagues d’immigration. Il y a d’abord eu les millions de réfugiés politiques de la guerre froide fuyant les régimes communistes imposés par la Russie et les "travailleurs invités" de l’ère post-coloniale arrivés en masse dans les années 1950 et 1960. Puis ce furent les centaines de milliers de réfugiés des Balkans, chassés par les guerres des années 1990. Et enfin, ces dix dernières années, les millions de réfugiés économiques en quête d’une vie meilleure. A en croire les deux responsables de la politique extérieure de l’Europe, le continent doit maintenant se préparer à voir déferler une nouvelle vague d’immigrés : les victimes du réchauffement climatique. Les ravages de ce phénomène, déjà visibles dans certains pays du tiers-monde, sont en effet en train de donner naissance à une immigration d’un genre nouveau, "l’immigration climatique".
D’ici dix ans, "les réfugiés climatiques se compteront par millions, la plupart victimes du réchauffement de la planète", prophétisent Javier Solana, le haut représentant de l’UE pour la politique étrangère, et Benita Ferrero-Waldner, la commissaire aux Relations extérieures. "L’Europe doit s’attendre à un accroissement considérable des pressions migratoires." Ils soulignent que certains Etats, déjà durement frappés par le réchauffement climatique, réclament que le phénomène soit reconnu comme un motif valable d’immigration au plan international. Leur rapport, le premier du genre à être présenté à un sommet européen, lors du Conseil des 13 et 14 mars à Bruxelles, doit retentir comme un signal d’alarme pour les gouvernements des Etats membres, et les inciter à prendre en considération ce nouveau paramètre et ses conséquences en matière de sécurité et de relations extérieures.
Ils expliquent que les effets immédiats et dévastateurs du réchauffement climatique seront d’abord ressentis loin de l’Europe, affectant plus particulièrement les pays pauvres du sud de l’Asie, du Moyen-Orient, d’Asie centrale, d’Afrique et d’Amérique latine, mais que l’Europe finira elle aussi par subir les conséquences du dérèglement climatique. Cette perspective ne relève pas de la simple spéculation. Le rapport souligne en effet qu’en 2007, à une exception près, les appels à l’aide d’urgence humanitaire lancés par les Nations unies ont été liés au réchauffement climatique.
En matière de sécurité internationale, le rapport montre que le réchauffement climatique ne fait qu’aggraver une situation déjà difficile. "Le réchauffement climatique a un effet démultiplicateur sur les risques existants, car il exacerbe des situations, des tensions et l’instabilité", expliquent Solana et Ferrero-Waldner. "Le cœur du problème, c’est que le réchauffement de la planète menace de s’abattre sur des Etats et des régions déjà fragiles et proches de l’embrasement. Ces risques politiques et de sécurité menacent directement les intérêts européens."
Le rapport distingue plusieurs types de risques de conflit liés au réchauffement climatique.
"On observe déjà dans de nombreuses régions du monde une réduction des terres arables, une multiplication des coupures d’eau, une baisse des réserves alimentaires et poissonnières, une augmentation des inondations et un allongement des périodes de sécheresse", écrivent Solana et Ferrero-Waldner. Les réserves d’eau douce pourraient diminuer de 30 % dans certaines régions, provoquant des pertes agricoles, une flambée du prix des denrées alimentaires, des disettes et des troubles sociaux. "Le réchauffement climatique aggravera des conflits existants en réduisant les ressources disponibles."
Près d’un cinquième de la population mondiale habite sur des zones côtières menacées par la montée du niveau des mers et les catastrophes naturelles. Les îles Caraïbes, l’Amérique centrale et les côtes orientales chinoises et indiennes sont les plus exposées. "La multiplication des catastrophes naturelles et des crises humanitaires se traduira par une pression accrue sur les ressources des pays donateurs."
Le rapport évoque également des bouleversements géographiques de grande ampleur au cours du siècle à venir, avec la disparition de terres liée au recul des côtes et à la désertification. Conséquence possible : "Un cercle vicieux de dégradations, de migrations et de conflits territoriaux, menaçant la stabilité politique de pays et de régions entières." Des situations similaires pourraient apparaître dans les Etats en déliquescence où la frustration et la désillusion alimentent les tensions ethniques et religieuses ainsi que l’extrémisme politique.
La lutte pour les ressources énergétiques est déjà source de conflits. Or la situation ne devrait guère s’arranger, puisque "la plupart des réserves mondiales d’hydrocarbures se situent dans des régions directement menacées par le réchauffement climatique et que la majorité des pays exportateurs de gaz et de pétrole sont déjà confrontés à des graves difficultés sociales, économiques et démographiques".
L’Europe doit donc agir de manière concertée pour se préparer à affronter ces scénarios catastrophes. Mais ce que le rapport ne dit pas, c’est que si la puissance d’une région se mesure à sa démographie, la tâche de l’Europe n’en est que plus difficile. En Europe, l’âge moyen est actuellement de 39 ans, et les Européens – Russes compris – représentent près de 11 % d’une population mondiale de 6,7 milliards d’habitants. D’ici 2050, cette part ne sera plus que de 7 %, l’âge moyen des Européens se situera au-dessus de 47 ans et le nombre de seniors sera plus de deux fois supérieur à celui de jeunes. C’est donc une Europe affaiblie qui devra gérer les risques énumérés dans ce rapport, mais l’immigration climatique pourrait aussi être une force de rajeunissement pour sa population déclinante.
Source : Courrier International
En un demi-siècle d’existence, l’Union européenne a absorbé plusieurs vagues d’immigration. Il y a d’abord eu les millions de réfugiés politiques de la guerre froide fuyant les régimes communistes imposés par la Russie et les "travailleurs invités" de l’ère post-coloniale arrivés en masse dans les années 1950 et 1960. Puis ce furent les centaines de milliers de réfugiés des Balkans, chassés par les guerres des années 1990. Et enfin, ces dix dernières années, les millions de réfugiés économiques en quête d’une vie meilleure. A en croire les deux responsables de la politique extérieure de l’Europe, le continent doit maintenant se préparer à voir déferler une nouvelle vague d’immigrés : les victimes du réchauffement climatique. Les ravages de ce phénomène, déjà visibles dans certains pays du tiers-monde, sont en effet en train de donner naissance à une immigration d’un genre nouveau, "l’immigration climatique".
D’ici dix ans, "les réfugiés climatiques se compteront par millions, la plupart victimes du réchauffement de la planète", prophétisent Javier Solana, le haut représentant de l’UE pour la politique étrangère, et Benita Ferrero-Waldner, la commissaire aux Relations extérieures. "L’Europe doit s’attendre à un accroissement considérable des pressions migratoires." Ils soulignent que certains Etats, déjà durement frappés par le réchauffement climatique, réclament que le phénomène soit reconnu comme un motif valable d’immigration au plan international. Leur rapport, le premier du genre à être présenté à un sommet européen, lors du Conseil des 13 et 14 mars à Bruxelles, doit retentir comme un signal d’alarme pour les gouvernements des Etats membres, et les inciter à prendre en considération ce nouveau paramètre et ses conséquences en matière de sécurité et de relations extérieures.
Ils expliquent que les effets immédiats et dévastateurs du réchauffement climatique seront d’abord ressentis loin de l’Europe, affectant plus particulièrement les pays pauvres du sud de l’Asie, du Moyen-Orient, d’Asie centrale, d’Afrique et d’Amérique latine, mais que l’Europe finira elle aussi par subir les conséquences du dérèglement climatique. Cette perspective ne relève pas de la simple spéculation. Le rapport souligne en effet qu’en 2007, à une exception près, les appels à l’aide d’urgence humanitaire lancés par les Nations unies ont été liés au réchauffement climatique.
En matière de sécurité internationale, le rapport montre que le réchauffement climatique ne fait qu’aggraver une situation déjà difficile. "Le réchauffement climatique a un effet démultiplicateur sur les risques existants, car il exacerbe des situations, des tensions et l’instabilité", expliquent Solana et Ferrero-Waldner. "Le cœur du problème, c’est que le réchauffement de la planète menace de s’abattre sur des Etats et des régions déjà fragiles et proches de l’embrasement. Ces risques politiques et de sécurité menacent directement les intérêts européens."
Le rapport distingue plusieurs types de risques de conflit liés au réchauffement climatique.
"On observe déjà dans de nombreuses régions du monde une réduction des terres arables, une multiplication des coupures d’eau, une baisse des réserves alimentaires et poissonnières, une augmentation des inondations et un allongement des périodes de sécheresse", écrivent Solana et Ferrero-Waldner. Les réserves d’eau douce pourraient diminuer de 30 % dans certaines régions, provoquant des pertes agricoles, une flambée du prix des denrées alimentaires, des disettes et des troubles sociaux. "Le réchauffement climatique aggravera des conflits existants en réduisant les ressources disponibles."
Près d’un cinquième de la population mondiale habite sur des zones côtières menacées par la montée du niveau des mers et les catastrophes naturelles. Les îles Caraïbes, l’Amérique centrale et les côtes orientales chinoises et indiennes sont les plus exposées. "La multiplication des catastrophes naturelles et des crises humanitaires se traduira par une pression accrue sur les ressources des pays donateurs."
Le rapport évoque également des bouleversements géographiques de grande ampleur au cours du siècle à venir, avec la disparition de terres liée au recul des côtes et à la désertification. Conséquence possible : "Un cercle vicieux de dégradations, de migrations et de conflits territoriaux, menaçant la stabilité politique de pays et de régions entières." Des situations similaires pourraient apparaître dans les Etats en déliquescence où la frustration et la désillusion alimentent les tensions ethniques et religieuses ainsi que l’extrémisme politique.
La lutte pour les ressources énergétiques est déjà source de conflits. Or la situation ne devrait guère s’arranger, puisque "la plupart des réserves mondiales d’hydrocarbures se situent dans des régions directement menacées par le réchauffement climatique et que la majorité des pays exportateurs de gaz et de pétrole sont déjà confrontés à des graves difficultés sociales, économiques et démographiques".
L’Europe doit donc agir de manière concertée pour se préparer à affronter ces scénarios catastrophes. Mais ce que le rapport ne dit pas, c’est que si la puissance d’une région se mesure à sa démographie, la tâche de l’Europe n’en est que plus difficile. En Europe, l’âge moyen est actuellement de 39 ans, et les Européens – Russes compris – représentent près de 11 % d’une population mondiale de 6,7 milliards d’habitants. D’ici 2050, cette part ne sera plus que de 7 %, l’âge moyen des Européens se situera au-dessus de 47 ans et le nombre de seniors sera plus de deux fois supérieur à celui de jeunes. C’est donc une Europe affaiblie qui devra gérer les risques énumérés dans ce rapport, mais l’immigration climatique pourrait aussi être une force de rajeunissement pour sa population déclinante.
Source : Courrier International